« Bonjour, je suis à la recherche d’un logement étudiant en urgence pour la rentrée ». Une annonce qui circule massivement sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Alors que l’été pointe enfin le bout de son nez, que le soleil est au rendez-vous et que les élèves peuvent souffler pendant les vacances, tous ne sont pas logés à la même enseigne.
Les meilleurs plans pour le trouver un logement étudiant pour la rentrée
Tandis que la phase principale d’admission de Parcoursup s’est achevée il y a quelques jours, et que les résultats du bac ont été dévoilés, certains candidats cherchent désespérément une solution pour se loger avant la rentrée. Ces derniers opèrent un doomscrolling incessant sur la toile, à la recherche de la perle rare.
« Crous hate account »
Les néo-bacheliers privilégient les résidences universitaires du Crous, où l’option logement peut être cochée lors de la constitution du Dossier social étudiant (DSE). Néanmoins, nombreux sont ceux qui ont attendu de décrocher leur précieux sésame avant de se lancer dans la jungle de la recherche au logement. Résultat : la plateforme de recherche de logements a été rapidement saturée la semaine dernière, entraînant un report de la phase complémentaire. Celle-ci a été ouverte le 11 juillet dernier, pour les candidats boursiers comme non-boursiers qui n’ont pas saisi leur DSE, ainsi que ceux qui n’ont pas reçu de réponse positive.
Sur les réseaux sociaux, les étudiants partagent leurs expériences pas toujours joyeuses dans le sillage de leurs recherches. Comme un air de déjà-vu avec Parcoursup, l’affluence sur le site du Crous et l’attente de réponses se font ressentir. « Pas merci, je vais me retrouver à la rue » ; « Ça va dormir sous un pont à la rentrée », « Crous hate account » ; « Le site du Crous c’est une honte, même les serveurs Minecraft de 2012 tenaient mieux », peut-on notamment lire sur la plateforme X. Des candidats restent majoritairement sans proposition ou ont reçu un avis défavorable.
C'est donc ça la vie d'adulte #crouspic.twitter.com/33aDwuZGJp
— 𝒩𝒜𝒩𝒜.⁷ (@tthhvie) July 15, 2024
Le crous qui a décidé de pas me donner de logement l’année prochaine je vais dormir sous un pont
— Amine 愛 🌊 (@aminee_kun) July 15, 2024
« Je viens de décrocher mon bac et j'ai eu un vœu à l’issue de la phase complémentaire Parcoursup, après avoir eu mes vœux refusés lors de la phase principale. Le problème est que l’établissement où j’ai été accepté est très loin de chez mes parents », relate Sarah, néo-bachelière de l’académie de Créteil. « J’ai regardé sur le site du Crous et plusieurs autres sites pour me renseigner sur un logement proche de ma future université, mais je reste bredouille », ajoute-t-elle.
Même son de cloche pour Ali, qui a commencé sa recherche dès le mois de mai. « Tous mes vœux Crous ont été refusés à Paris et en banlieue », se désole-t-il. L’étudiant de 19 ans, qui a eu son baccalauréat l’année dernière, est entré en licence de PASS à la Sorbonne, avant d’échouer en L1. Il est retourné sur la plateforme d’admission post-bac pour saisir en premier vœu une licence en Sciences formelles, où il a été accepté sans encombre.
« L’État ne fait aucun effort pour aider les étudiants et ne met pas en place des solutions concrètes », Ali, étudiant à la Sorbonne
« J’habite en Île-de-France, mais je suis à 1h30 de trajet de la Sorbonne. Cette année, j’avais des cours en visio, donc je travaillais de chez moi », raconte Ali. Bien qu’il ait consulté plusieurssites de logements même chez des particuliers, le jeune homme reste sans solution. Une situation qui l’exaspère. « L’État ne fait aucun effort pour aider les étudiants et ne met pas en place des solutions concrètes. Les étudiants modestes sont jetés en pâture dans le supérieur, sans bénéficier d’aides », regrette-t-il.
Selon le Crous, l’éloignement géographique du domicile familial à son lieu d’études fait partie des principaux critères d’attribution d’un logement. En résidant en Île-de-France, Ali est moins prioritaire qu’un candidat qui vient d’une région plus éloignée. « C’est normal que les étudiants des autres régions soient prioritaires, mais le Crous et l’État doivent trouver une solution pour loger davantage d’étudiants ». S’il ne trouve pas de logement d’ici la rentrée de septembre, le jeune homme sera contraint de faire trois heures de trajet aller-retour pour se rendre à l’université.
Pour les résidences universitaires, des demandes considérables
Depuis l’annonce des résultats Parcoursup en mai dernier, c’est la course contre la montre : les résidences universitaires croulent sous les demandes. « La phase d’admission Parcoursup, c’est le coup d’envoi », précise Alexandre Recorbet, directeur de Nemea Appart’Etud, gestionnaire de plus de 37 résidences étudiantes à travers le pays. « Depuis le 30 mai, on a commencé à sentir le nombre de demandes pour intégrer nos résidences », poursuit-il, en affirmant que la hausse des visites d’appartements sur le site a augmenté de 200%.
« On a demandé à nos locataires déjà en place s’ils envisagent de partir ou non, car on attaque la période intense », révèle de son côté Anne Gobin, directrice générale de l’ARPEJ, association de résidences étudiantes qui accueille 13 600 personnes dans ses 12 250 logements de l’Hexagone. « Quand on publie un logement sur notre site internet, car il vient de se libérer, on a environ 9 demandes pour celui-ci, donc on fait 8 malheureux à chaque fois », indique-t-elle. L’ARPEJ accueille beaucoup de néo-bacheliers dans ses résidences. « On est spécialisés dans l’accueil de ces profils qui quittent le domicile familial ».
Parmi les lieux les plus sollicités, la capitale reste évidemment le premier choix. S’en suivent les villes étudiantes comme Lyon, Clermont-Ferrand et Montpellier. « Même si cela bouge en fonction des villes, les demandes géographiques restent assez similaires chaque année », explique Alexandre Recorbet.Les résidences de Nemea Appart’Etud disposent d’un maillage assez marqué sur l’ensemble du territoire et continuent de se déployer. « On ouvre une nouvelle résidence cette année à Montpellier, Bordeaux et Clichy et notre première ouverture à La Rochelle », annonce-t-il.
Certains territoires ruraux restent toutefois en queue de peloton, malgré les demandes. La directrice d’ARPEJ précise qu’elle est locataire sur bailleurs sociaux. C’est la raison pour laquelle l'implémentation en zone rurale ou dans les sous-préfectures s’avère compliquée. « Nous avons un propriétaire qui attend qu’on lui verse un loyer. Donc, il faut savoir ce qu’on fait de la résidence l’été quand les étudiants s’en vont », précise Anne Gobin. « Si l’on n’a plus de vivier d’étudiants, il nous arrive d’accueillir d’autres publics comme les saisonniers. À Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) par exemple, on peut ouvrir une résidence, car la commune a besoin de saisonniers pour les chantiers navals ».
Contourner la pénurie de logements
En France, la pénurie de logements s’aggrave au fil des années, et le logement étudiant n’est pas épargné. Selon l'Association interprofessionnelle des Résidences étudiantes et services (AIRES), dont l’ARPEJ est membre, il manquerait 250 000 logements. Une donnée à prendre avec des pincettes, car cela reste difficile à quantifier. « C’est un constat que l’on a fait en 2021, mais je crains que la situation actuelle ne soit encore pire », déplore Anne Gobin. « Avec les Crous, on travaille collectivement pour savoir comment loger les étudiants ».
Un constat partagé par le directeur de Nemea Appart’Etud. Selon lui, les étudiants se tournent davantage vers les résidences étudiantes depuis la crise du logement. « Je ne sais pas si c’est un choix volontaire, mais selon moi cela s’explique par les prix élevés évidemment, mais aussi l’explosion des locations touristiques qui privilégient les nuitées ou les courtes durées dans le parc privé », soutient Alexandre Recorbet. « Cela ampute inévitablement l’offre pour les étudiants, donc ils se dirigent vers des résidences spécialisées ».
Pour accueillir les néo-bacheliers et les étudiants plus âgés, les résidences universitaires s’ancrent dans le coliving : une tendance née outre-Atlantique qui favorise la vie étudiante en communauté. Au sein de Nemea par exemple, les résidents disposent d’espaces partagés pour favoriser les relations sociales. « Nous avons des coworking, des salles d’arcade, des cuisines partagées et une salle de sport », explique le directeur général. « Un coach de sport vient appuyer les étudiants, afin qu’ils fassent du sport ou du yoga, pour se détendre avant les examens ».
💡 Le coliving : kézako ? Terme emprunté de l’anglais « co » (ensemble) et « living » (vivre), le coliving est né dans les années 2000 aux États-Unis. Il s’agit d’une alternative de la colocation qui séduit de nombreux adeptes en France. Au sein d'immenses logements, les résidents disposent de chambres individuelles avec des espaces communs (salon, cuisine, salles de jeux, de sport et de cinéma). Dans certains espaces, le coliving peut accueillir jusqu’à 100 habitants. |
Soigner les maux par les mots
Si les étudiants rencontrent des difficultés dans leur recherche de logement, leurs tracas ne s’estompent pas une fois leurs valises posées. D’autres phénomènes entrent en compte, notamment en termes de santé mentale ou de précarité étudiante. À Nemea comme à l’ARPEJ, ces sujets ont été pris à bras le corps. « Les responsables sur site ont senti que les étudiants avaient besoin de se confier depuis la crise sanitaire. Des spécialistes sont présents dans nos résidences et on a mis en place des cours de sophrologie pour les aider à se détendre », observe Alexandre Recorbet.
« On est attaché au bien-être de la personne, tout en incluant les problématiques liées à la précarité étudiante », concède de son côté Anne Gobin. « Le champ est très large : nous collaborons avec des travailleurs sociaux qui organisent des distributions alimentaires, en partenariat avec des épiceries solidaires ou des protections hygiéniques pour lutter contre la précarité menstruelle », poursuit-elle.
Pour que les revenus financiers ne soient plus un frein, les résidences étudiantes acceptent les candidats qui disposent de la garantie Visale. « On utilise beaucoup Visale qui est majoritaire chez nous », confie la directrice de l’ARPEJ. « Toutes les dispositions du droit commun sont possibles, comme le RSA jeune, les bourses sur critères sociaux ou encore le dispositif Mobili-Jeune ».
Des inégalités sociales prégnantes
Malgré les aides ou les différents aménagements, les inégalités sociales perdurent lorsqu’il s’agit de trouver un logement. Sans surprise, les candidats issus de milieux favorisés restent les mieux lotis. Cyrian, 18 ans, originaire de Toulouse, va intégrer un BTS Banque en alternance à Bordeaux dès la rentrée. S’il confie avoir trouvé un logement après les recherches post-résultats Parcoursup, le chemin pour y parvenir n’a pas été un long fleuve tranquille.
« La recherche d’études est déjà assez compliquée comme ça, les jeunes n’ont pas à subir tout ce stress », Cyrian, 18 ans
« Lors de ma recherche d’appartement, mon propriétaire m’a dit qu’on lui avait proposé un an de loyer d’avance » relate-t-il, avant d’ajouter : « Beaucoup d’étudiants qui ne peuvent pas se permettre ces folies galèrent. La recherche d’études est déjà assez compliquée comme ça, les jeunes n’ont pas à subir tout ce stress ».
Pour Kalista, néo-bachelière de 18 ans qui vient de trouver son bonheur dans un CROUS de Metz, les recherches n’ont pas été non plus de tout repos. « Je m’étais renseignée sur des appartements chez un particulier et c’était trop cher, ma mère ne pouvait pas prendre en charge tous les frais », confie-t-elle. « Tous les étudiants ne peuvent hélas pas compter sur leurs parents, j’ai des amis qui ont dû abandonner leurs projets à cause de ça ou qui ont dû se réorienter, faute de moyens ».
« Ma mère est d’origine marocaine et elle insistait pour que j’utilise le nom de famille de mon père qui est à consonance française », Cyrian, 18 ans
Des inégalités sociales qui, malheureusement, rejoignent les discriminations dans l’accès au logement en France. « Ma mère est d’origine marocaine et elle insistait pour que j’utilise le nom de famille de mon père qui est à consonance “française”. Elle a remarqué qu’on recevait plus de réponses de logement avec celui-ci », se désole Cyrian.
« Cela montre un côté sombre qui ajoute du grain à moudre aux difficultés de la recherche de logement, un racisme dans l’accès au logement dont on se passerait bien », tempête-t-il. Une étude alarmante du CNRS datant de 2017 confirme ces discriminations raciales entre un candidat d’origine française ou maghrébine. Selon cette enquête, le premier reçoit 42,9 % de réponses positives, quand le second n’en obtiendrait que 15,5 %.
En dépit des inégalités sociales ou discriminatoires, les deux étudiants conseillent à ceux qui n’ont pas trouvé leur perle rare de ne pas se laisser abattre. « Contactez des étudiants pour avoir des pistes sur leurs démarches, des astuces et les éligibilités concernant les aides », avertit Kalista. « N’hésitez pas à multiplier les coups de fils, pour des résidences comme en agence à vous renseigner sur la présence de nuisibles et toutes autres déconvenues ». Le message est passé.