Elle aurait pu passer une semaine à l’autre bout de la France pour profiter de ses vacances. Mais elle n’y pense même pas : cet été, Marion reste à Bordeaux. Ses congés sont rythmés par “10 000 alertes par jour” des différentes applis installées sur son téléphone et d’envoi de dossiers pour tenter de trouver un logement étudiant pour la rentrée.
Dans une ville en tension locative, où l’offre de logements universitaires est largement insuffisante face à la demande, l’étudiante boursière, qui n’a jamais réussi à trouver de logement Crous, n’essuie que des rejets sur le marché privé. Basée à Bordeaux depuis 5 ans, Marion a quitté sa chambre qu’elle louait chez l’habitant pour s’installer avec son copain, étudiant également. Leur budget : 700 euros à deux pour un appartement de préférence meublé. Elle nous raconte sa galère.
Un dossier “pas solvable”
Hormis la visite d’un appartement insalubre de 17m² en juillet, les réponses que Marion reçoit pour ses demandes de logement sont systématiquement négatives. “Ceux qui me répondent me disent que mon dossier n’est pas solvable”, nous explique l’étudiante qui va commencer un master IPCI (Ingénierie de projet culturel et interculturel) en septembre. “En même temps, quand on est sur des loyers à 700 euros et qu’on nous demande une caution de trois fois le loyer, en tant qu’étudiant c’est très compliqué”, souligne la jeune femme de 23 ans.
Bordeaux : le casse-tête du logement étudiant en chiffres
Source : Unef |
“On a fait une demande de garantie Visale, mais ça nous ouvre à des logements à moins de 600 euros, qui sont souvent des studios pour une personne”, poursuit Marion. “Quand on candidate à des apparts de 25 mètres carrés à ce prix, les proprios estiment que c’est trop petit pour un couple, donc on nous élimine d’office”, regrette-t-elle.
Et la concurrence est particulièrement rude pour trouver un toit en ce moment : le couple s’est lancé dans ses recherches mi-juin, en même temps que les milliers de nouveaux étudiants qui ont reçu leurs affectations Parcoursup et qui s’installent à Bordeaux pour la rentrée. “On a attendu de savoir si mon compagnon validait sa licence de socio, et où j’étais acceptée en master”, justifie-t-elle.
Système D
Pour le moment, Marion et son copain vivent chez les parents de ce dernier, à près d’une heure de transport de leurs lieux d’études. Si la jeune femme mesure sa chance d’avoir cette solution de secours, celle-ci n’est pas pérenne pour les deux prochaines années de master qui l’attendent. "Ça ne nous permet pas de prendre notre envol dans notre vie et ça rajoute une charge financière à mes beaux-parents", regrette Marion.
"La réalité, c’est que le marché locatif est totalement bloqué"
L’étudiante n’a pourtant pas chômé pour tenter de trouver le graal et active son réseau allant jusqu’à solliciter ses profs, sans succès. Elle a aussi rejoint le groupe Whatsapp créé par l'UNEF pour les étudiants pour s’échanger les bons plans logements. "Les gens sont assez actifs, mais c’est surtout des annonces pour des colocations de quelques mois", pour remplacer les étudiants qui partent en année de césure.
En vacances ce mois d’août après avoir terminé son job étudiant dans l'administration de sa fac, Marion n’a en réalité "aucun moment de répit : tous les jours je reçois des notifications d’appartement, j’envoie mon dossier et c’est toujours la même réponse négative. Ça me pourrit mon été", glisse-t-elle. Une situation "fatigante", qu’elle imagine encore plus pénible pour d’autres. "Je pense aux étudiants qui ne sont pas sur place pour leurs recherches : ils doivent resserrer leurs visites d’apparts sur une ou deux journées, avec les frais qui s’alignent, c’est une galère sans nom. Sans parler des étudiants étrangers !".
"La réalité, c’est que le marché locatif est totalement bloqué", se résigne Marion, espérant que le gouvernement prenne des mesures pour élargir l’offre de logements universitaires. Ce dernier a promis la livraison de 35 000 nouveaux logements d’ici à 2027 dans l'Hexagone, ainsi que la rénovation des dernières résidences Crous vétustes. Des travaux surveillés de près par les syndicats étudiants, qui réclament bien plus pour absorber la demande : l'Union étudiante réclamait ainsi, en octobre 2023, la création de 150 000 logements à court terme sur tout le territoire, et 600 000 dans les quatre années à venir.