Un mouvement syndical clair et combatif. L’Union étudiante, syndicat étudiant créé en avril 2023, est une réunification entre des dissidents de l’UNEF et l’ancien syndicat l’Alternative. Sa naissance coïncide avec le moment où le pays connaît un climat social tumultueux, celui des mobilisations massives contre la réforme des retraites.
Problèmes liés au logement, réforme des bourses, inflation ou encore précarité forte… Il n’est pas toujours évident pour la communauté éducative de joindre les deux bouts. À l’heure où 1 étudiant sur 2 avoue ne pas pouvoir manger à sa faim, le syndicat veut apporter son soutien pour que les jeunes puissent étudier dans de meilleures conditions. Rencontre avec Karel Talali, secrétaire général de l’Union étudiante.
Quelles ont été les motivations pour créer cette nouvelle association et quelles sont vos revendications ?
Renouer avec le vrai syndicalisme étudiant de transformation sociale qui répond à la réalité de ce qu’est aujourd’hui l’université. C’est en 2006 que les étudiants ont fait reculer le gouvernement Villepin sur le Contrat première embauche (CPE). Chaque mouvement social a permis aux syndicats professionnels d’obtenir des choses ou de faire reculer les décisions gouvernementales.
Les plus grands rassemblements depuis la Seconde Guerre mondiale
En France, on a besoin d’un mouvement social fort et l’Union étudiante à la vocation à structurer ce milieu, à être imprégné et en lien avec les réalités du mouvement étudiant. On l’a vu récemment pendant la réforme des retraites. Il y a aussi cette volonté de créer une jonction entre les syndicats professionnels et la jeunesse.
Il y a dix ans, les difficultés financières étaient moins flagrantes tandis qu’aujourd’hui, un étudiant de classe moyenne peut basculer dans la pauvreté. Comment expliquer cela ?
Je pense qu’il y a plusieurs choses. Ce qui fait qu’on arrive à mettre plus en lumière la précarité étudiante depuis 2019, c’est la démocratisation de l’enseignement supérieur. On est passé de 600 000 étudiants dans les années 2000 à 2,9 millions en 2023, ce qui est considérable.
Sur la question des classes populaires, je pense que les mentalités ont changé. On a gagné une bataille culturelle sur l’autonomie et l’émancipation de la jeunesse. Quant aux classes moyennes paupérisées, de plus en plus d’étudiants sont obligés de travailler en parallèle de leurs études.
Quelles sont vos actions au quotidien pour venir en aide aux étudiants ?
Ce que le syndicalisme fait traditionnellement, c’est ce que l’on appelle le pôle de défense individuelle (PDI). Il aide les étudiants à s’inscrire dans un établissement quand ils rencontrent des problèmes d’inscription, sollicite les CROUS face aux soucis liés à la bourse ou le logement, etc. On lutte aussi de la manière la plus efficace possible contre les mécanismes de discriminations, pour une université plus inclusive.
Depuis la crise sanitaire, le grand problème que rencontre le syndicalisme étudiant est qu’il doit se substituer au désengagement de l’État sur les distributions alimentaires. Dans la plupart des organisations locales, on donne beaucoup de notre temps pour faire de la distribution alimentaire. On est obligés de le faire, car la précarité étudiante est trop importante.
Vous avez organisé dans plusieurs villes françaises des actions pour alerter sur le mal-logement des étudiants. Quelles sont les motivations qui vous ont poussé à mener ces actions ?
La rentrée universitaire est ponctuée par la question du logement. La tension sur le marché locatif se fait vraiment ressentir en logement CROUS et dans le privé.
À Paris, un campement étudiant pour dénoncer le mal-logement
On voit que sur l’ensemble du territoire, il y a un logement CROUS pour 16 étudiants et en région parisienne, 1 logement pour 62 étudiants, ce qui est totalement aberrant. Le gouvernement avait promis la construction de plus de 60 000 logements étudiants en 2017, aujourd’hui on en compte 35 000. Sauf qu’on ne sait pas si ces logements sont juste construits ou s’ils sont prêts et rénovés. C’est sur ce prisme-là que les organismes locaux de l’Union étudiante ont choisi les mobilisations.
À Paris, on a décidé de réaliser cette action près de l’Assemblée nationale, lieu symbolique, pour mettre les députés macronistes face à leurs propres contradictions. Tant que la ministre n’annonce pas un plan pour le logement, on ne lâchera pas. On réclame la création de 150 000 logements à court terme et de 600 000 dans les quatre années à venir.
Le 18 septembre dernier, la Première ministre, Élisabeth Borne s’est engagée à construire 30 000 nouveaux logements étudiants d’ici 2027.
Le loyer représente 56 % du budget des étudiants, selon notre enquête. Le rapport de l’inspection de l’enseignement supérieur sur le service public du CROUS nous invite à s’intéresser à ces questions-là. On se dirige vers un logement qui permettra de compenser les pertes de la restauration. Cela prendrait la formation d’un service comme l’établissement public expérimental (EPE), géré par les universités. Une externalisation du service restauration, ce serait la fin de ce qu’est le CROUS, un service public pionnier créé par et pour les étudiants.
Quels retours avez-vous des étudiants sur le mal-logement et le manque de logement ?
Des collectifs d’étudiants dans les résidences universitaires (RU) n’ont pas été acceptés d’une année à l’autre, d’autres aussi ont rencontré des problèmes pour des renouvellements. Enfin, certains n’ont pas eu accès à des logements alors qu’ils étaient boursiers échelons 6 et 7.
« Il reste 12 000 logements CROUS vétustes. Je viens de débloquer 300 millions d’euros planifiés pour rénover ces logements avant la fin du quinquennat » : Sylvie Retailleau, dans l’émission Backseat.
Par exemple, à la résidence l’Hermitage à Saint-Denis (Seine–Saint-Denis), lors d’un point avec la direction du CROUS de Créteil sur la sécurité et l’insalubrité, on a constaté qu’il y avait des blattes, des punaises de lits et des rats. Aujourd’hui, le sous-financement chronique du service du CROUS fait que les étudiants, logés en RU, rencontrent ce type de problèmes. On nous a rapporté des cas similaires à Lille et à Lyon.
Karel Talali, secrétaire général de l’Union étudiante
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Vous avez lancé une grande enquête sur le mal-logement étudiant. Quel est son objectif ? Quel message souhaitez-vous porter pour les étudiants ?
On reçoit énormément de sollicitations d’étudiants et il faut quantifier ça et montrer tout ce qu’il se passe. On demande une allocation d’autonomie ou un système de bourses qui n’est pas calculé sur le revenu des parents, mais sur celui de l’étudiant, dans un souci d’émancipation. Et c’est à cela que notre enquête servira, à se rendre compte de la pertinence d’une allocation d’autonomie. La tribune du Monderédigée par 10 présidents d’université évoque aussi la mise en place d’une allocation d’études.
Avez-vous déjà assisté à des concertations avec la ministre de l’Enseignement supérieur ? Qu’est-ce qui en ressort principalement ?
Oui, on discute évidemment avec Sylvie Retailleau. Nous avons eu une concertation avec la ministre à la mi-septembre et on l’a interpellée sur un nouveau système de bourses, qui serait une fusion entre le système actuel et les APL.
L’Union étudiante propose cette idée à la ministre depuis longtemps, mais elle semble faire la sourde oreille. La preuve : nous sommes seulement sur 37 € de plus par mois, mais pas d’indexation des bourses alors que l’on est dans un contexte inflationniste.