C’est une formule d’enseignement qui a fait ses preuves et qui s’est largement démocratisée en seulement quelques années dans le supérieur. Avec plus d’un million de contrats d’apprentissage signés en 2024 en France, contre 290 000 en 2016, l’alternance s’impose aujourd’hui dans l’ensemble des cursus, quelles que soient les filières ou le niveau d’études, comme un choix privilégié auprès des étudiants et des employeurs.
Un élan pour ce dispositif qui permet de combiner études et pratique en entreprise, mais qui pourrait connaître un ralentissement à compter de cet été. En cause : l’annonce de la réduction des aides de l’État au recrutement des apprentis pour certains cursus du supérieur. Elle intervient après la suppression de l'aide au recrutement des alternants en contrat de professionnalisation, début mai.
Alors que la période de recherche d’alternance bat son plein, cette décision, si elle prend effet, risque d’être "très pénalisante" pour de nombreux étudiants, alerte Arnaud Lacan, professeur de management à KEDGE business school. Explications.
L’alternance, un "très bon rythme d’apprentissage"
Pour l’enseignant, l’alternance "doit être proposée au plus grand nombre". D’abord, cette formation propose un "très bon rythme d’apprentissage des connaissances et des compétences professionnelles, qui correspond aux attentes des jeunes générations", souligne Arnaud Lacan.
"Les apprentis apportent de la fraîcheur et de l’innovation au sein d’une entreprise"
Ensuite, cette hybridation des temps permet un apprentissageplus rapide, selon Arnaud Lacan. Car les périodes en entreprise permettent aux étudiants de "tester tout ce qu’ils voient en cours, avec une approche concrète". Une formule motivante qui peut faire la différence dans les études, avance l’expert. Enfin, du point de vue des entreprises et des managers, l’alternance apporte son lot d’avantages. "Les apprentis amènent de la fraîcheur et de l’innovation au sein d’une entreprise : ça pousse les managers à actualiser leurs pratiques", souligne Arnaud Lacan.
L’enseignant insiste toutefois sur l’implication nécessaire de l’entreprise en retour. "Il faut que les entreprises osent demander aux étudiants des retours et leur confier des responsabilités, pour profiter au mieux de ces jeunes qui sont de vrais talents". En cas de mauvaise expérience, ce qui peut arriver, Arnaud Lacan recommande surtout d’en parler à son école et à son manager, pour débloquer les situations.
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Une décision "contradictoire" et "absurde" de réduire les fonds
Autant de raisons qui décrivent un dispositif d’alternance "très efficace". Mais les aides accordées à l’embauche des apprentis n’échappent pas à la recherche d’économies de la part du gouvernement, qui prône pourtant une politique du plein emploi, regrette Arnaud Lacan. "C’est contradictoire", souffle-t-il. "Côté étudiants, c’est socialement terrible : une bonne partie d’entre eux ont accès aux études supérieures et aux écoles de commerce et d’ingénieur grâce à l’apprentissage, qui est un moyen de financer ses études", rappelle l’enseignant. "Ça va être un frein à l’ascenseur social et à la mixité sociale", redoute-t-il.
Et les entreprises ne seront pas en reste. "Cela va réduire leur capacité à étoffer leurs compétences, parce que l’apprentissage c'est aussi un moyen d’avoir de la main d’œuvre à coût faible", ajoute Arnaud Lacan. "Ça va aussi couper les entreprises du monde réel des jeunes générations". Si cette mesure de réduction budgétaire est loin de mettre fin à l'alternance, l’expert regrette simplement qu’après "avoir réussi le pari de faire de la France la championne de l’alternance, couper les fonds. C’est absurde".
À 10 jours des élections législatives anticipées, la majorité à l’Assemblée pourrait changer, ainsi que le gouvernement. De quoi rebattre les cartes des décisions politiques en cours, telles que celle sur la réduction des budgets alloués à l’embauche des apprentis. À suivre.