8 jeunes sur 10 ne savent pas comment agir face aux enjeux environnementaux, selon l’Observatoire E.Leclerc. Mais avant même de parler d’action, les comprennent-ils et se sentent-ils réellement concernés ?
Depuis quelques années, l’association Fresque du climat déploie des ateliers dans les établissements supérieurs pour sensibiliser les étudiants au réchauffement climatique. En 2022, Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, a annoncé la « généralisation de l’enseignement des enjeux de transition écologique et de développement durable dans l’enseignement supérieur ». Un an après cette décision, qu’en pensent les futurs diplômés ? Ils nous répondent !
« Des enjeux plus visibles », « aucune action significative » : l’action des écoles suscite des avis mitigés
Le supérieur passe à la vitesse supérieure. Comme tous les étudiants entrants à l’ESDES, Sarah a passé un après-midi sur la fresque du climat en début d’année. Elle, qui dans son quotidien n’avait adopté aucun geste particulier en faveur de l’environnement, s’est surprise à vouloir réduire sa consommation de viande. « Certains disaient qu’ils voulaient réduire leur utilisation de la voiture pour des trajets courts. On a eu un débat, parce que tout le monde n’était pas d’accord ». Un échange que l’étudiante de première année de bachelor in business a trouvé enrichissant.
Depuis cet atelier, la jeune femme qui vit à une heure du campus d’Annecy a choisi de privilégier les transports en commun pour s’y rendre. « Le fait d’avoir des cartes avec des images concrètes a rendu ces enjeux plus visibles. », poursuit-elle. « Au collège et au lycée, c’était surtout de la prévention orale. »
« L’atelier m’a semblé profondément inutile. C’est simplement du greenwashing de la part de l’école. » Miguel, étudiant en 2 ᵉ année de PGE à l’ESSEC
Un avis que Miguel, étudiant en 2 ᵉ année de PGE à l’ESSEC, ne partage absolument pas. Malgré plusieurs séminaires et des cours fréquents qui abordent ces notions, « leur utilité reste à prouver » à ses yeux. Sa fresque du climat, il l’a lui aussi construite en début de première année. « L’atelier m’a semblé profondément inutile. C’est simplement du greenwashing de la part de l’école. » Une conférence de Cécile Duflot (ex-ministre, directrice générale d’Oxfam France, NDLR) « qui n’acceptait aucun débat » s’ensuivit.
L’étudiant, qui se dit intéressé par la cause environnementale depuis son plus jeune âge, a clairement mal vécu l’expérience. Et la première place de l’école de commerce dans le classement des Échos START et ChangeNOW des écoles les plus engagées dans la transition écologique est loin de l’impressionner. « Ils savent très bien faire ce qu’il faut pour avoir une bonne place dans les classements internationaux, mais derrière, il n’y a aucune conviction ni action significative. » Miguel reproche également à son école des sponsorings d’entreprises « complètement déconnectés des enjeux actuels. »
La fresque du climat, Yassir a eu l’obligation de s’y frotter dès sa prérentrée. Cet étudiant en première année du magistère sciences de gestion de l’Université Paris-Dauphine PSL a trouvé l’expérience très intéressante. « Elle nous a fait passer du rôle de simples observateurs à celui d’acteurs engagés. » Grâce à cet atelier, il a compris « les enjeux réels de ce problème mondial et exploré les diverses manières dont on peut contribuer à y remédier à différents niveaux. »
« Pour moi, la fresque est un cours utile. La responsabilité face au changement climatique est une valeur de notre école. » Sarah étudiante de première année de bachelor in business à l’ESDES
« Pour moi, la fresque est un cours utile. La responsabilité face au changement climatique est une valeur de notre école. », relate Sarah. Émilie Sotton, directrice RSE de l’ESDES, chargé de l’atelier fresque du climat, affirme que des enseignements sont prévus dans la suite de son programme.
🌡️ Arts et Métiers sensibilise ses étudiant.e.s aux enjeux climatiques avec la Fresque du Climat sur les campus d'Aix-en-Provence, de Bordeaux-Talence, de Chambéry, de Cluny, de Lille et de Metz !
👫 La bienveillance, l’écoute et l’empathie sont au cœur de la @FresqueDuClimatpic.twitter.com/RtfGzd1gPp
— Arts et Métiers - ENSAM (@ArtsetMetiers_) October 10, 2023
Une fresque comme premier pas pour développer les sujets du climat ?
À l’ESDES, la fresque du climat est proposée depuis 2020. « On a fait un pilote sur un programme et on a vu que ça plaisait aux étudiants, donc on l’a déployé sur tous les diplômes », explique Émilie Sotton. L’objectif est d’immerger et de sensibiliser les futurs diplômés très tôt. « Parce que l’ESDES est une école engagée sur la construction d’une économie responsable », cette première prise de conscience va permettre d’orienter leur choix de spécialisation. « Ça va leur servir de socle dans leurs cours, leurs réalisations, leurs stages, quand ils seront en mission humanitaire… ».
L’école, 23 ᵉ du classement précité, se donne pour mission de former des managers responsables, c’est-à-dire capables d’accompagner les entreprises dans leurs transitions. Selon la directrice RSE, au-delà du climat, le sociétal, l’inclusion, ou encore la lutte contre les discriminations sont autant de façons de construire une économie responsable. « On a toujours une petite tranche de gens qui ne se sentent pas concernés. Mais au bout de 3 ans ou 5 ans, elle devient vraiment minimale. » Le programme des étudiants de Paris Dauphine ne leur permet certainement pas de tenir ces préoccupations à l’écart.
En début d’année scolaire, par exemple, tous les étudiants de la promo CPES de Léa ont suivi une semaine de cours et un séminaire axé sur le thème de la transition écologique. « C’est une université qui laisse beaucoup de place à l’engagement étudiant et les initiatives en ce sens sont nombreuses. », complète la jeune femme.
Yassir considère sa fac comme « visionnaire en la matière ». Au-delà des ateliers, il a eu droit dès la première année à des cours spécifiques qui abordent ces problématiques. En deuxième année, « le cours “Grands enjeux contemporains” a pour but de développer notre esprit critique et analytique, avec un accent particulier sur les enjeux climatiques. », précise-t-il. Dans le détail, ce cours représente un volume horaire de 18 h par semestre pour un total de 4 crédits ECTS en fin d’année.
L’étudiant est aussi ravi que PSL s’efforce de briser les stéréotypes associés à la finance, par des cours de finance verte intégrés aux programmes de gestion d’actifs. Selon l’étudiant de L3, « ils illustrent l’engagement de l’établissement envers une finance plus durable. »
🌍 Formation Fresque du climat 🌍
Ce lundi 16 octobre 2023, trois de nos étudiants de M2 ont été formés à l’atelier Fresque du climat, une association majeure pour sensibiliser le grand public au réchauffement climatique.
Merci à Pierre-François Berrier pour sa formation ! pic.twitter.com/oErQIIGwVL
— Master CEDDETE - URCA (@MasterCEDDETE) October 17, 2023
Des jeunes qui intègrent naturellement la problématique à leurs projets professionnels
Tout comme Miguel, Yassir n’a pas attendu de faire des études pour être écoconscient. « L’urgence climatique n’est plus un concept abstrait qui se dissipe une fois que l’on termine un cours, un article ou que l’on cesse d’en discuter. Elle ne se résume pas aux rapports du GIEC, mais représente une réalité quotidienne », déclame Yassir. Le jeune homme est convaincu que l’expérience personnelle seule est insuffisante. L’analyse des données climatiques dans le temps et la compréhension des liens complexes entre l’activité humaine, les émissions polluantes et le changement climatique sont essentielles. « J’ai donc effectué des recherches personnelles en lisant des livres, ou en écoutant des podcasts ayant comme intervenants de véritables chercheurs en la matière. », poursuit-il.
De son côté, Miguel lit la presse scientifique et des études sur le sujet. Il trouve les médias de vulgarisation « souvent trop grossiers ». À l’échelle individuelle, il prend peu l’avion, porte beaucoup de vêtements de seconde main. Mais son objectif principal est ambitieux : accéder à un poste de pouvoir, qu’il soit économique ou politique « pour enclencher des changements de bien plus grande ampleur. » Pour Yassir également, il serait difficile d’envisager d’évoluer dans un domaine dans lequel ces préoccupations ne sont pas centrales.
Si l’écolucidité de Sarah est relativement récente, elle, qui s’intéressait à un master dans le marketing textile, a justement eu un cours dans lequel la fast fashion a été abordée. « Ça m’a interpellé et je me suis dit, autant faire des études de commerce sur ça et pouvoir trouver une solution plus adaptable et consciente environnementalement parlant. » La sensibilisation dans les écoles a donc un effet direct dans le choix de poursuite d’études et d’orientation pro.