Ces dernières années, de plus en plus de classements concernant l’engagement des écoles dans la transition écologique voient le jour. Mais que valent-ils réellement ? Quels critères sont pris en compte et qui les définit ? Les critères environnementaux sont-ils inclus dans les classements classiques ?
Qu’est-ce qu’une école « écologique » ?
Une école en fait-elle assez pour l’écologie si elle inclut un certain pourcentage de cours dédiés au changement climatique dans son programme ? Ou est-ce plutôt si elle agit concrètement en bâtissant un campus durable ? Dans tous les cas, les enjeux de transition écologique se généralisent de plus en plus dans l’enseignement supérieur, notamment depuis les fortes mobilisations étudiantes pour le climat à partir de 2019.
En 2022, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a présenté de grandes mesures suite au rapport d’un groupe d’experts co-présidé par Jean Jouzel et Luc Abbadie sur la prise en compte de l’écologie dans le supérieur.
Il repose sur plusieurs principes, notamment le fait d’intégrer la question écologique dans toutes les formations du supérieur via des enseignements spécifiques et un socle commun de compétences, mais aussi la création de nouveaux cursus pour former aux métiers de la transition écologique.
📕 En février, @JouzelJean et L.Abbadie remettaient un rapport pour sensibiliser aux enjeux de la transition écologique dans l’enseignement supérieur.🌿 6 mois plus tard j’ai présenté à Bordeaux la méthode pour généraliser ces enseignements 👉 https://t.co/ixbp23KwQgpic.twitter.com/IqNHpKBcxS— Sylvie Retailleau (@sretailleau) October 22, 2022
Il n’y a donc pas d’écoles « écologiques » à proprement parler, mais c’est plutôt un ensemble d’actions pour contribuer à la transition écologique qui peuvent être plus ou moins révélatrices, selon les critères choisis et l’engagement de chaque école.
Quels sont les critères utilisés pour ce type de classement ?
Nombreuses sont les écoles qui comptent sur les classements pour maintenir leur renommée au beau fixe et avoir de la visibilité à l’international. De fait, il n’est pas rare qu’elles acceptent de se prêter au jeu. Mais les critères varient très clairement d’un classement à l’autre.
Méthodologie du classement Times Higher Education Impact Rankings
Les classements Times Higher Education Impact Rankings ou THE sont probablement les plus connus et partagés. Ils évaluent les universités du monde entier par rapport aux ODD (Objectifs de développement durable) des Nations Unies.
Les universités peuvent soumettre autant de données que possible sur ces ODD. Toute université qui fournit des données sur le 17e objectif « Partenariats pour la réalisation des objectifs », et au moins trois autres ODD, est incluse dans le classement global.
La note totale d’une université pour une année donnée est calculée en combinant sa note pour l’ODD 17 avec ses trois meilleurs résultats pour les 16 ODD restants. L’ODD 17 représente 22 %* du score total, tandis que les autres ODD ont chacun une pondération de 26 %*. Cela signifie que les différentes universités sont notées en fonction d’un ensemble différent d’ODD, selon leur orientation. La note pour le classement global est une moyenne des notes totales des deux dernières années.
Méthodologie du classement QS World University Rankings Sustainability
Le classement mondial des universités QS est publié annuellement par la société Quacquarelli Symonds. Il existe en version « sustainability » afin de distinguer les universités engagées dans la transition écologique.
700* universités à travers le monde sont évaluées pour déterminer leur impact environnemental et social. L’impact institutionnel est évalué par huit indicateurs divisés en deux catégories.
Impact environnemental :
- institutions durables
- éducation durable
- recherche durable
Impact social :
- indicateur d’égalité
- indicateur d’échange de connaissances
- éducation de qualité
- indicateur d’employabilité
- qualité de vie
S’il est vrai que les critères sociaux sont plus nombreux, la plateforme n’indique pas le pourcentage alloué à chacun.
Méthodologie du classement des écoles les plus engagées dans la transition écologique
En France, ChangeNOW, en partenariat avec Les Échos START, a lancé un classement annuel des écoles les plus engagées dans la transition écologique. Pour le réaliser, ils se sont appuyés sur le Grand Baromètre de la Transition écologique du collectif Pour un réveil écologique.
« Ce baromètre nous a permis de constituer un questionnaire sur la base d’un grand corpus de réponses qualitatives. On s’est basé sur elles pour trouver une manière de chiffrer le tout et d’en faire un classement. », nous expliquait Santiago Lefebvre, co-fondateur de ChangeNOW au printemps 2023.
« Depuis la première édition du classement, nous avons aidé les Échos START à trouver les critères qu’ils allaient mettre en place pour le suivant. », affirmait, quant à elle, Amélie Deloche, consultante en communication et influence responsable à Pour un réveil écologique.
Surprise ! On a envoyé un cadeau de Noël à + de 400 directeurs et directrices de l’enseignement supérieur 🎁Un guide en 10 mesures pour transformer leur établissement face aux enjeux écologiques. pic.twitter.com/RZRpNIhyit– Pour un réveil écologique (@ReveilEcolo) December 13, 2022
Officiellement, l’idée était de faire un classement des écoles et universités, bien que très peu d’entre elles aient répondu à l’appel. Plus de 250* établissements d’enseignement supérieur ont été sollicités, pour 65* répondants au total. Parmi eux : 26 écoles de commerce, 35 écoles d’ingénieurs. Ils ont été évalués sur l’ensemble des diplômes préparant au grade de master.
Le questionnaire comporte 43 questions réparties dans 6 thématiques de notation :
- Formation (52 points, 8 questions)
- Stratégie et gouvernance (27 points, 14 questions)
- Employabilité et excellence académique (29 points, 4 questions)
- Diversité et inclusion (26 points, 10 questions)
- Vie associative (14 points, 4 questions)
- Réseau d’alumni et accès au marché du travail dans l’impact (12 points, 3 questions).
« Ce qu’on a essayé de faire avec le classement rentre complètement dans le cadre d’un changement systémique. », assure Santiago Lefebvre. Néanmoins, selon des professionnels, cette thématique ne doit pas être traitée à part. Au contraire, il faudrait que ces critères soient intégrés dans les grands classements.
Transition écologique : que valent réellement les classements ?
Les classements font sans aucun doute avancer les débats sur les questions écologiques. Mais un ranking basé sur des déclarations a forcément ses limites. « Pour qu’un classement soit vraiment solide, les déclarations de l’établissement devraient être croisées avec un regard sur les enseignants et éventuellement une évaluation des étudiants pour voir s’ils confirment que ce travail est fait. », affirme Clémence Vorreux, coordinatrice enseignement supérieur et mobilité du Shift Project.
De son côté, THE affirme exiger des universités qu'elles fournissent des preuves à l’appui de leurs déclarations. Le classement Change Now, quant à lui, se concentre sur une analyse poussée des enseignements. « C’est assez innovant par rapport à d’autres », soutient la coordinatrice du Shift Project.
En effet, l’impact environnemental est le critère le plus important dans ce classement. « Il regarde aussi la quantité d’ECTS dédiés à ces sujets, ce qui montre de manière très concrète si c’est pris au sérieux dans les formations. », reprend-elle. Le fait que les cours optionnels soient distingués des cours en tronc commun est aussi un élément favorable pour la spécialiste.
Mais, alors, faut-il faire un classement à part ou intégrer l’écologie aux grands classements ? Amélie Deloche et son équipe travaillent régulièrement avec d’autres grands médias pour que leurs classements intègrent des critères écologiques, qui soient « vraiment discriminants ». Par exemple, « le pourcentage de cours qui intègrent les enjeux de transition écologique, le pourcentage d’étudiants formés à ces enjeux, etc. », précise la consultante. Selon elle, le caractère spécialisé de ces classements en limite l’aspect systémique. « ll faudrait qu’ils soient inclus dans les classements mainstream pour vraiment infuser dans tous les autres paramètres, acteurs, méthodologie de la société et de l’économie. C’est vraiment ça l’enjeu. »
Au-delà de l’intégration, Amélie Deloche pense qu’il faut aussi supprimer certains critères existants comme le salaire à la sortie. « C’est l’un des premiers critères dans les classements de grandes écoles, mais ce n’est plus pertinent, surtout que souvent, ce sont uniquement les plus hauts salaires qui sont pris en compte et pas la moyenne globale. », déplore-t-elle.
Quel est le rang des écoles dans les classements sur le critère écologique ?
Aujourd’hui, très peu de classements existent sur le sujet, même si quelques-uns intègrent certains critères liés aux actions RSE. Les classements internationaux THE et QS sont largement dominés par les universités anglo-saxonnes.
Pour ce qui est du classement des écoles les plus engagées dans la transition écologique édité par Les Échos START et ChangeNOW, à ce jour, il recense principalement les écoles du secteur privé.
The Times Higher Education Impact Rankings 2023
Cette année, comme les précédentes, aucune université française n’apparaît dans le top 10. Elles en sont d'ailleurs bien loin, puisque la première n'apparaît que dans le top 100.
Rang France | Rang mondial | Université | Ville |
1 | 101-200 | IMT Atlantique | Nantes |
1 | 101-200 | Université de Montpelier | Montpelier |
1 | 101-200 | Université PSL | Paris |
2 | 201-300 | Université de Bordeaux | Bordeaux |
2 | 201-300 | École des Mines de Saint-Étienne | Saint-Étienne |
2 | 201-300 | IMT Mines Alès | Alès |
2 | 201-300 | Institut Mines-Télécom BS | Évry-Courcouronnes |
3 | 301–400 | Excelia | La Rochelle |
3 | 301–400 | IMT Nord Europe | Douai |
3 | 301–400 | Nantes Université | Nantes |
4 | 401–600 | Centrale Nantes | Nantes |
4 | 401–600 | EMLyon BS | Lyon |
4 | 401–600 | INSA Lyon | Lyon |
4 | 401–600 | Sorbonne Université | Paris |
5 | 601-800 | CY Cergy Paris Université | Cergy-Pontoise |
5 | 601-800 | École Centrale de Lyon | Lyon |
5 | 601-800 | Université de Rennes | Rennes |
6 | 801-1000 | Université Polytechnique Hauts-de-France | Valenciennes |
6 | 801-1000 | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne | Paris |
QS World University Rankings Sustainability 2024
À méthodologie différente, classement différent. Par rapport aux universités du monde entier, les françaises sont un peu à la traine en termes de durabilité et d'impact social. En effet, la première n'apparaît qu'à la 111e place du classement QS.
Rang France | Rang mondial | Établissement |
1 | 111 | Sorbonne University |
2 | 196 | Université PSL |
3 | 201 | Université Paris-Saclay |
4 | 290 | Institut Polytechnique de Paris |
5 | 485 | IMT Atlantique |
6 | 493 | Aix-Marseille University |
7 | 505 | Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne |
8 | 525 | Université Grenoble Alpes |
9 | 537 | University of Bordeaux |
10 | 557 | Université Côte d'Azur |
Le classement des Échos START et ChangeNOW des écoles les plus engagées dans la transition écologique
Le classement français édité par Les Échos START et ChangeNOW classe les écoles principalement selon l’impact de la transition écologique dans leur programme.
Classement 2023 des écoles de commerce sur les critères écologiques
Les écoles de commerce Essec Business School, ESCP BS et Iéseg se classent respectivement 1re, 2e et 3e du classement.
Rang | Établissement | Points (sur 160) |
1 | Essec Business School | 139 |
2 | ESCP Business School | 138 |
3 | Iéseg | 133 |
4 | Emlyon business school | 129 |
5 | Excelia Business School | 122 |
6 | HEC Paris | 119 |
6 | Kedge Business School | 119 |
8 | Neoma Business School | 116 |
9 | Audencia | 115 |
10 | Edhec Business Scholl | 114 |
11 | Institut Mines-Télécom Business School | 113 |
11 | Montpellier Business School | 113 |
13 | TBS Education | 109 |
14 | Rennes School of Business | 108 |
15 | Grenoble Ecole de Management | 106 |
15 | Kedge Business School | 107 |
16 | Igap Business School | 104 |
17 | ESC Clermont | 101 |
17 | Skema Business School | 101 |
19 | Essca | 99 |
20 | EM Normandie | 97 |
21 | ICN Business School | 94 |
22 | ISC Paris | 89 |
23 | ESDES | 87 |
24 | Burgundy School of Business | 86 |
25 | South Champagne Business School | 75 |
26 | ESI Business School | 54 |
Classement 2023 des écoles d’ingénieurs sur les critères écologiques
Rang | Établissement | Points (sur 160) |
1 | Centrale Nantes | 119 |
2 | École Centrale de Lyon | 113 |
3 | Mines Nancy | 112 |
4 | Esilv | 109 |
5 | EIVP | 108 |
6 | ENTPE | 101 |
7 | Télécom Paris | 100 |
7 | Grenoble INP - Ense | 100 |
9 | Centrale Méditerranée | 99 |
10 | INP - Ensat | 96 |
11 | Université de technologie de Compiègne | 95 |
11 | CentraleSupélec | 95 |
13 | École nationale Supérieure d'arts et métiers - Ensam | 94 |
13 | Isae-Supaero | 94 |
15 | Toulouse INP - Enseeiht | 93 |
16 | Junia (HEI ISA Isen) | 92 |
16 | École des Ponts ParisTech | 92 |
18 | Institut polytechnique UniLaSalle | 90 |
19 | École nationale supérieure de Géologie | 88 |
19 | Builders École d’ingénieurs | 88 |
21 | Polytech Montpellier | 83 |
21 | ESTP Paris | 83 |
23 | ISARA Lyon | 81 |
24 | ESB | 79 |
25 | CPE - Lyon | 77 |
26 | ECE | 73 |
26 | Grenoble INP - Pagora | 73 |
26 | ENSAIA | 73 |
29 | EPITA | 72 |
30 | Grenoble INP - Ensimag | 69 |
31 | EFREI | 67 |
32 | ENSIIE - Evry | 61 |
33 | Polytech Lille | 57 |
34 | ENSI Poitiers | 55 |
35 | ESIEA | 49 |
Le label DDRS : une référence qui s’inscrit dans l’agenda 2030
À ce jour, 37 grandes écoles sont labellisées DD&RS (Développement durable et responsabilité sociétale). Ce label est né en 2015 de la CGE (Conférence des grandes écoles) notamment.
Il permet de récompenser les démarches en faveur du développement durable et de la responsabilité sociétale des établissements du supérieur et de la recherche française, sur le plan national ou transnational. Parmi les lauréates, on peut citer CentraleSupelec, l’INSA, MBS, l’Université Paris Nanterre, l’université Toulouse III, ESCP, etc.
Pour rappel, l’Agenda 2030 ne contient pas moins de 5 objectifs de l’ODD dédié à la préservation de l’environnement :
*Ces chiffres sont susceptibles d’évoluer.