Une évidence qui demeure un combat. Sur les bancs de la fac et des grandes écoles en France, la présence des filles est aujourd’hui la norme. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas. Pendant des siècles, l’enseignement supérieur était tout simplement interdit aux femmes.
Pour accéder au savoir, des pionnières ont ouvert le chemin. De la première bachelière à l’ouverture totale des universités, en passant par les premières étudiantes en médecine ou en droit, de nombreuses batailles législatives et sociétales ont été menées. Des avancées qui permettent désormais aux femmes d’étudier librement et d'accéder aux mêmes diplômes et carrières que leurs homologues masculins.
Malgré cela, les inégalités persistent dans l’enseignement supérieur et partout ailleurs. À l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, samedi 8 mars 2025, Diplomeo remonte le fil de l’histoire. Voici cinq choses à savoir sur le droit des femmes dans l’enseignement supérieur.
Julie-Victoire Daubié, première “bachelière” en 1861
Jusqu’au XIXe siècle, l’éducation des filles est limitée à l’apprentissage des tâches domestiques et à des savoirs jugés « appropriés » à leur rôle dans la société. L’accès aux études secondaires et supérieures leur est fermé.
Pas de quoi intimider Julie-Victoire Daubié. En 1861, à 37 ans, cette essayiste et journaliste, issue d’une famille bourgeoise, devient la première "bachelier" - le terme bachelière n’existe pas - de l’histoire de France. Elle passe cet examen en candidat libre à Lyon, après avoir essuyé un refus de l’université de Paris. Un succès qui reste isolé, car aucune loi ne garantit encore aux femmes le droit de passer l’examen.
Julie-Victoire Daubié, © Pierre Petit — Bibliothèque Marguerite Durand, Paris, Domaine public
Il faut attendre la loi Camille Sée (juriste et homme politique français), en 1880, pour que les jeunes filles accèdent à l'enseignement secondaire, jusque-là placé sous la tutelle de l’Église. Il s’agit de lycées laïcs payants non mixtes, qui ne préparent pas immédiatement au baccalauréat. L’obligation d’instruction pour tous les enfants, de 6 à 13 ans, avec les lois Jules Ferry, en 1882 démocratise ensuite l’accès à l’éducation de base, même si la mixité est toujours interdite et que les filles restent cantonnées à un enseignement genré.
Avant de recevoir le Prix Nobel de Physique en 1903, Marie Curry décroche, en 1893, une licence ès sciences physiques et une licence ès sciences mathématiques l’année suivante. © Archivist - Adobe Stock
Ce n’est qu’au siècle suivant, en 1924, avec le décret Léon Bérard, que les filles et garçons accèdent enfin, dans le secondaire, à un enseignement identique. Les jeunes filles peuvent désormais passer le bac, et donc accéder aux études supérieures. Un tournant historique.
👩🏫 Les dates à retenir
|
Une ouverture timide à l’université dès 1868
Malgré leur exclusion institutionnelle, quelques femmes déterminées - et souvent issues de l’aristocratie ou de la bourgeoisie - parviennent à s’inscrire à l’université dès la fin du XIXe siècle. En 1868, la Faculté de médecine de Paris accepte timidement certaines étudiantes, dont Madeleine Brès, qui devient la première femme médecin diplômée en 1875.
Dans les décennies suivantes, d’autres disciplines commencent à accueillir des femmes, notamment les sciences et les lettres. On retrouve d’ailleurs Julie-Victoire Daubié, qui décroche, de nouveau en candidat libre, une licence de lettres en 1871.
En 1896, l’Université française est officiellement fondée et s’ouvre progressivement aux femmes. L'enseignement supérieur devient alors un levier d’émancipation féminine, même si leur présence reste très minoritaire et contestée par une partie du corps professoral. Les résistances sont fortes, et certaines filières, comme le droit ou les écoles d’ingénieurs, leur restent encore largement inaccessibles.
Jeanne Chauvin, première doctorante en droit, en fait les frais. Durant sa soutenance en 1892, des étudiants envahissent la salle, en protestation contre les revendications de la jeune femme pour l’égalité d’accès à l’éducation. Elle deviendra, en en 1901, la toute première femme à plaider au tribunal, jusqu’alors interdit aux “femmes-avocats”.
👩🏫 1896 : refonte de l’organisation des universités Réorganisation institutionnelle qui facilite indirectement l’inscription des femmes aux facultés. Il faudra attendre 1924 pour que les filles passent le bac comme les garçons et accèdent un peu plus facilement aux études supérieures. |
L’accès (très) tardif aux grandes écoles : l’autorisation de la mixité dans les années 1970
Plus encore que les universités, les portes des grandes écoles de l’enseignement supérieur restent verrouillées longtemps pour les femmes. En réponse à cette exclusion, l’État crée l’École normale supérieure (ENS) de jeunes filles à Sèvres, en région parisienne, en 1881, permettant aux femmes de se former, en cinq ans, dans un cadre distinct de celui des hommes. Ce n’est qu’en 1974 que l’ENS de la rue d’Ulm, auparavant réservée aux hommes, devient mixte.
👩🏫 ENS Sèvres : quels débouchés pour les étudiantes du XIXe siècle ? Les diplômées de Sèvres pouvaient passer le certificat d’aptitude à l’enseignement secondaire, pour devenir “chargée de cours dans les lycées”, ou le certificat de professeur de collège. En 1883, elles obtiennent le droit de passer une agrégation féminine. Après la Première Guerre mondiale, elles peuvent prétendre à certaines agrégations masculines. Jusqu’à l’autorisation de la mixité aux concours de l’ENS, en 1974, le statut des étudiantes de l’ENS Sèvres reste fragile et incertain, avec de nombreuses régressions. |
D’autres établissements mettent encore plus de temps à s’ouvrir aux étudiantes. L’École Polytechnique, par exemple, n’accueille sa première promotion mixte qu’en 1972. Dans certaines disciplines, la parité peine encore à être atteinte aujourd’hui : les femmes restent minoritaires dans les écoles d’ingénieurs et les formations scientifiques d’élite.
Années 1980 : la lutte contre les inégalités s’institutionnalise
Peu à peu, la prise de conscience des inégalités persistantes entre hommes et femmes dans l'enseignement supérieur se transforme en mise en place de dispositifs institutionnels et législatifs. À partir des années 1980, plusieurs lois ont renforcé l’accès des femmes aux filières scientifiques et techniques, où elles restaient sous-représentées.
La loi Roudy, du 13 juillet 1983, pose, pour la première fois, les bases de l’égalité professionnelle hommes-femmes. Le texte encourage un meilleur accès des femmes aux formations et métiers traditionnellement masculins.
Trente ans plus tard, des initiatives spécifiques voient le jour pour lutter contre le sexisme et le harcèlement dans les établissements d’enseignement supérieur. La loi du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes a renforcé l’obligation des établissements de mettre en place des actions de sensibilisation et des cellules d’écoute pour les victimes de violences sexistes et sexuelles.
Aujourd’hui, des plans d’action sont déployés dans les universités et grandes écoles pour promouvoir la parité dans les instances dirigeantes, encourager les carrières féminines dans la recherche et garantir un environnement d’étude sécurisé pour toutes et tous.
Des bancs de l’école à l’entrée dans la vie active, l’origine sociale plombe encore les inégalités
Les femmes aujourd’hui majoritaires dans le supérieur, mais les inégalités demeurent
Aujourd’hui, les femmes sont majoritaires dans l’enseignement supérieur : en 2023, elles représentent 56 % des étudiants en France. Malgré cette avancée, les inégalités persistent. Elles restent sous-représentées dans certaines filières, comme l’ingénierie ou l’informatique, et elles peinent à atteindre les plus hauts postes académiques.
La question de la parité se pose également dans les fonctions de direction : les femmes restent minoritaires à la tête des universités et des grandes écoles. Si la loi impose désormais des quotas dans certains conseils d’administration et encourage l’égalité des chances, il reste encore du chemin à parcourir pour atteindre une véritable égalité dans l’enseignement supérieur.
👩🏫 Août 2019 : adoption de la loi sur la transformation de la fonction publique, qui introduit les objectifs de parité dans l’enseignement supérieur et la recherche. |