Les inégalités sociales et territoriales continuent de déterminer le futur des jeunes Français. Les élèves issus de milieux modestes (CSP -) aspirent beaucoup moins à faire des études supérieures que leurs pairs issus de catégories socio-professionnelles plus aisées (CSP +). Ils doutent aussi plus fortement de leur capacité de réussir.
Voici, en substance, l’enseignement d’une étude Viavoice* pour 6 associations (Afev, Article 1, Chemins d’avenirs, JobIRL, Tenzing et 100.000 Entrepreneurs) parue ce lundi 8 janvier. On y apprend que 6 jeunes ruraux sur 10 issus de familles CSP - se sentent incapables d’obtenir une licence. 49% des jeunes urbains de familles CSP- sont aussi dans cette situation, contre seulement 28% des jeunes urbains de familles CSP+.
Face à ce risque plus grand de « décrochage en orientation », les 6 associations qui œuvrent pour l’égalité des chances auprès des étudiant tirent la sonnette d’alarme. Elles appellent le gouvernement à une « stratégie nationale en faveur d’une orientation choisie ».
Les jeunes défavorisés « ne parviennent pas à se projeter vers une orientation réaliste et ambitieuse »
Les élèves scolarisés dans les quartiers populaires ou dans des territoires ruraux, dont les parents sont employés, ouvriers ou inactifs et n’ont pas de diplômes « cumulent les difficultés sociales et territoriales », expliquent les associations. « Pour cette raison, ils ne parviennent pas à se projeter vers une orientation réaliste et ambitieuse. Ainsi font-ils des choix d’orientation différents de la moyenne des élèves », ajoutent-elles.
> Scolarité : 68% des élèves d’établissements scolaires aux Indices de position social (ISP) les plus faibles souhaitent poursuivre leurs études après le bac, contre 90% des élèves d’établissements socialement favorisés. > Famille : 44% des enfants dont aucun parent n’est diplômé du supérieur pensent pouvoir prétendre à une licence ; contre 64% de ceux dont au moins un parent est diplômé > Mobilité : 57% des élèves issus de familles CSP – ne peut pas déménager, par manque de moyens, pour accéder à un diplôme en lien avec un projet de métier.
Les élèves sont en effet conditionnés par leur environnement social et territorial, souligne l’étude. Les enfants de familles CSP+ souhaitent s’orienter vers des métiers de médecin ou professeur ; ceux de familles CSP - visent plutôt des métiers de l’artisanat, de l’industrie et du BTP. Quant au niveau d’études, 72% des jeunes urbains de familles CSP+ se sentent en capacité d’obtenir une licence contre 51% des jeunes urbains de familles CSP-, et seulement 40% de jeunes ruraux issus de CSP-.
« Les dés sont pipés dès le départ »
« Alors que ces jeunes sont assis sur les mêmes bancs de l’école de la République, dont l’une des promesses est l’égalité de traitement et d’apprentissage, on voit bien que les dés sont pipés, dès le départ », note Salomé Berlioux, fondatrice et directrice générale de Chemins d’avenirs. « En 2023, si vous êtes jeune d’origine modeste dans un territoire rural ou un quartier dit sensible, accéder aux métiers de la tech, devenir journaliste, médecin ou écrivaine vous est trop souvent interdit », poursuit-elle.
Alors que les jeunes interrogés dans l’étude citent plusieurs pistes pour mieux réfléchir à leur orientation, comme l’échange avec des professionnels, la réalisation de stages, une meilleure information sur les formations ou la visite d’universités ou d’entreprises, les associations appellent à l’action. Elles interpellent le gouvernement pour co-construire une stratégie nationale de lutte contre les inégalités sociales et territoriales en orientation.
Le but : garantir à ces jeunes un « accès renforcé à une information claire, assurer une médiation avec le monde de la formation et de l’emploi et permettre à chacun de construire pas à pas un parcours qui lui ressemble ».
*Enquête menée par Viavoice, auprès de 1000 jeunes français âgés de 15 à 16 ans. Les interviews ont été réalisés en ligne du 23 octobre au 5 novembre 2023 auprès d’un échantillon représentatif de cette tranche d’âge (quotas sur le sexe, l’âge, la catégorie socio-professionnelle, la situation géographique…).