Julie Pinet a 17 ans. Élève en terminale ES dans un lycée privé catholique du 15e arrondissement de Paris, elle est déléguée de sa classe et passe cette année les dernières épreuves du bac organisées sous forme de filières. Le confinement national a quelque peu changé la donne des révisions pour l’ensemble des lycéens. Julie nous raconte cette nouvelle organisation, à laquelle il a fallu s’adapter pour éviter un trop gros retard.
Comment as-tu vécu l’annonce de la fermeture des établissements ?
Avant l’annonce, on plaisantait de cette possibilité, mais une fois actée, tout le monde était perdu. Étudier seul nous inquiétait, mais on prévoyait de réviser en groupe réduit, sur conseil de nos professeurs. Cela aurait permis de contrer l’éventuel manque de motivation tout en gardant un minimum de vie sociale et de s’entraider en cas de difficulté.
Et celle du confinement total ?
Mal. Je le dis sincèrement : mal. L’école à la maison ce n’est pas fait pour moi. En temps normal, j’ai déjà du mal à travailler en autonomie chez moi. Là ça ne pouvait donc qu’être pire : s’organiser, travailler, comprendre seule. Sans les profs, c’est de la débrouillardise et les lacunes risquent de s’installer. Les évaluations sont également à distance. Il y a donc moins de surveillance. Ce système est différent, mais je le trouve surtout bizarre.
Quel est ton rôle en tant que déléguée de classe dans ces circonstances ?
Les délégués sont les relais entre l’équipe pédagogique et les élèves dans cette période trouble. Créer différents groupes de travail ou transmettre des informations fait donc partie de mes attributions. Le conseil de classe aussi s’est tenu à distance. Il en ressort des commentaires parfois peu flatteurs, or ces bulletins constituent une part conséquente de l’évaluation des dossiers, devenue prioritaire dans ces circonstances. Je ne comprends donc pas la logique de la démarche.
Les cours à distance se font sur quels supports ?
Tout dépend des professeurs : l’anglais est sur WhatsApp, la philosophie sur Discord et les cours d’histoire sont des polycopiés à mettre sous forme de fiches. Chacun a sa propre organisation, ce qui complexifie le déroulement de la journée. On passe plus de temps à vérifier qu’aucune information ne nous a échappé sur l’ensemble des plateformes qu’à travailler efficacement. C’est assez perturbant. Le problème est que l’Éducation nationale n’a pas donné de directives claires sur le schéma à suivre pour la « continuité pédagogique » d’après notre lycée.
Ces supports sont-ils maîtrisés par tous ?
Pas du tout ! Ce matin c’était notre premier cours sur Discord et tout le monde était perdu, moi la première. Pendant vingt minutes, professeur comme élèves ont bataillé avec le micro et les différentes fonctionnalités pour accéder au cours. Excepté WhatsApp que l’on utilisait déjà, il faut apprendre à maîtriser ces plateformes et personne n’est égal sur ce sujet.
Quel système préfères-tu entre le cours en présentiel et le travail à distance ?
En temps normal, on rêve tous de pouvoir rester trois jours à la maison pour dormir, regarder des séries ou des vidéos, mais le confinement nous fait prendre conscience qu’être scolarisé est une vraie chance. Les programmes sont majoritairement vus en cours, ce qui nous laisse peu de travail en autonomie et donc le temps de voir nos amis, de sortir librement. Là c’est beaucoup de travail, bien plus complexe que d’ordinaire donc moi je préfèrerai revenir à l’école « normale », mais bon… ce n’est pas pour demain !
Comment sont organisées les évaluations ?
S’il s’agit de QCM, on se rend sur « Socrative ». On se connecte à l’application grâce à des identifiants, ce qui nous permet de compléter le questionnaire anonymement. Par contre, tout autre type de sujet nous est envoyé par mail. On renvoie alors notre copie en format Word ou PDF au professeur concerné. La constante de ces évaluations est le temps très restreint que nous avons pour rendre notre devoir. Le but est de limiter la triche, plus tentante en composant à la maison.
Comment t’es-tu organisée face à cette absence de directives claires ?
Pour lutter contre la sensation de vacances et garder un rythme, je me suis créé un rétroplanning que je mets à jour tous les soirs. Réparti en date et heure, j’y note les cours, les interrogations et les devoirs à rendre, mais aussi les supports qui sont à utiliser pour ne pas m’emmêler les pinceaux. Je réussis ainsi à rendre certains devoirs en avance, ce qui me laisse du temps pour réviser mon bac ou réaliser des projets personnels.
Comment prépares-tu ton bac et ton trimestre encore en cours ?
Je n’ai pas vraiment changé ma manière de réviser excepté l’utilisation plus accrue du groupe de classe. Il ne servait que très peu avant le confinement, mais cette annonce a créé un élan de solidarité dans la classe. Chacun essaye d’expliquer au mieux ce que certains n’ont pas compris. Ce qui devait se faire de visu s’est reporté sur les réseaux. Autrement, on utilise nos « Annabac ». Cela permet d’avoir des cours plus synthétiques pour faire des fiches et des exercices supplémentaires. Le but est de mémoriser sur le long terme tout en préparant nos évaluations.
Sur ce groupe de classe, un avis commun ressort-il sur la situation ?
Une majorité se plaint de la multitude de plateformes et du manque d’organisation. Comment être productif quand le planning de la journée est chamboulé par un cours placé en milieu d’après-midi. Il faut retrouver une motivation qui n’est pas toujours au rendez-vous. Toutes ces problématiques créent une certaine animosité dans nos échanges, mais bon il faut s’adapter, on n’a pas le choix.
Que penses-tu de la gestion de la situation ?
La communication de l’Éducation nationale a manqué de concret. Qu’il s’agisse des supports à utiliser ou des directives à suivre, les enseignants se sont retrouvés un peu démunis. Certains ont tout de même trouvé des solutions innovantes comme ma prof de maths qui a créé une chaîne YouTube où elle explique les points incompris du cours. Progressivement, on trouve nos marques, mais c’est autant de temps perdu sur les programmes et tout le monde a hâte que la situation revienne à la normale, car l’école à la maison ce n’est pratique pour personne.
Que ressens-tu dans ces circonstances et quels conseils donnerais-tu aux terminales ?
C’est flou ! Le bac, entre les rumeurs et les craintes on ne sait plus quoi penser. Tout ce qu’on espère c’est qu’il ne soit pas déplacé en juillet, août si ce n’est septembre. Ce dernier été avant les études supérieures, on l’attend avec impatience. Quant à l’avenir, c’est encore plus flou ! L’annulation des concours d’écoles de commerces m’a dépitée. J’avais intégré une prépa à l’année en parallèle de ma terminale. Maintenant, tout le travail personnel investi depuis septembre est anéanti par l’étude des dossiers Parcoursup®. L’espoir d’être pris est moindre.
Quels conseils donnerais-tu aux terminales pour réussir leur bac malgré le confinement ?
Je dirais que s’organiser le plus possible est vital, tant au niveau des cours à travailler que des devoirs à rendre. Pour cela, créer un planning est une bonne option, car il donne un rythme. Avant tout, pensez révisions du bac ! Ce contexte a au moins l’avantage de nous laisser beaucoup de temps. Le cours étant sous forme de polycopié, faire des fiches en même temps que l’on apprend est tout à fait possible et permet de retenir plus facilement. Enfin, en cas d’incompréhension, n’hésitez pas à demander de l’aide et à acheter des manuels complémentaires.