Une jeune femme au parcours pas comme les autres, qui lutte pour atteindre ses objectifs. Voilà ce que représente Eva, celle qui a récemment reçu le prix de l’élève-ingénieure France 2025 du concours Ingénieuses, pour son implication dans son cursus, mais surtout dans l’égalité des chances.
Étudiante à Chimie ParisTech - PSL, engagée dans un double cursus en études de pharmacie, Eva a dû se battre pour en arriver là. Issue d’un lycée en réseau d’éducation prioritaire, elle a souvent entendu que ses capacités n’étaient pas suffisantes pour entamer des études scientifiques.
Pourtant, la jeune femme ne s’est pas laissée abattre et a décidé de poursuivre ses rêves. Après un bac S (ancien baccalauréat scientifique), elle intègre la première année de PACES (ancienne voie pour accéder aux études de santé) et poursuit en études de pharmacie. Aujourd’hui, Eva suit un double diplôme : elle est en dernière année d’études de pharmacie et en deuxième année d’école d’ingénieurs.
Le concours Ingénieuses a été créé par la CDEFI pour mettre en avant les étudiantes, femmes ingénieures et écoles qui luttent contre les stéréotypes de genre dans le monde de l’ingénierie. Le but de cette opération est de promouvoir l’égalité femmes-hommes à l’école et dans le monde professionnel et de sensibiliser les jeunes filles aux formations scientifiques et technologiques.
Qu’est-ce qui t’a amenée à te diriger vers des études d’ingénierie et pourquoi à Chimie ParisTech - PSL ?
J’ai toujours voulu travailler dans la chimie appliquée à la biologie. Au lycée, j’hésitais entre l’école d’ingénieurs et les études de pharmacie, et j’ai fini par me lancer dans la pharma. Sauf que, même si j’adorais mon programme, je trouvais qu’il me manquait quelque chose. J’avais le sentiment de ne pas avoir suffisamment de temps pour comprendre en profondeur certaines notions.
C’est cette frustration qui m’a guidée vers l’ingénierie, pour explorer davantage, approfondir mes connaissances, découvrir une approche plus innovante, plus logique, plus créative. Alors qu’en études de pharmacie on privilégie le par cœur, en école d’ingénieurs on va pratiquer, modéliser, innover, développer son esprit critique et c’est ça qui est captivant.
L’autocensure chez les femmes est très présente et il faut les aider à reconnaître, mais surtout à surmonter leurs propres doutes et craintes.
J’ai visé Chimie ParisTech - PSL pour sa réputation, sa qualité d’enseignement, son ouverture à l’international, ainsi que pour sa forte orientation vers l’innovation et vers la recherche.
Qu’a pensé ton entourage de ton envie de suivre des études d’ingénierie ?
Ma famille m’a vraiment donné tous les moyens possibles d’arriver là où j’avais envie d’aller. Mes parents ont toujours fait en sorte que je puisse poursuivre mes études dans les meilleures conditions.
Ils m’ont toujours épaulée et poussée à suivre mes envies. Par exemple, en terminale, le conseil d’orientation n’était pas favorable à mes choix, puisque je n’avais pas forcément les notes pour accéder à ce type d’études. Mais c’est ce que j’aime et ce que j’ai envie de faire. Mes parents m’ont toujours dit « si tu te sens capable de le faire, fais-le ».
Les filles représentent environ 30 % des effectifs en écoles d’ingénieurs. Qu’est-ce que tu en penses ? Est-ce un phénomène que tu observes au quotidien ?
J’ai la chance d’être dans une école de chimie ou la mixité est quasi parfaite, donc je ne le remarque pas forcément dans mon quotidien.
Toutefois, certains domaines, comme celui des procédés industriels, au vu des tailles des machines utilisées, sont jugés plus masculins. Et, effectivement, dans ces domaines les femmes sont très peu représentées. Cela doit évidemment grandement changer, car le genre n’a pas à déterminer où l’on doit se placer et encore moins notre avenir professionnel. Il faut avant tout penser à nous avant de penser aux autres.
Selon toi, quelles initiatives pourraient attirer davantage les femmes vers les études d’ingénierie ?
Le pouvoir des témoignages est incroyable. C’est la raison pour laquelle je pense qu’il est essentiel que les étudiantes en écoles d’ingénieurs continuent de se rendre dans des collèges, des lycées, pour discuter et informer les jeunes filles sur les métiers de l’ingénierie.
Je pense aussi qu’il serait intéressant de créer davantage un environnement éducatif inclusif, qui valorise cette diversité et qui encourage la participation des femmes. Par exemple, pourquoi les professeurs de matières scientifiques ne seraient pas davantage des profils féminins ? Les enfants verraient que c’est un secteur dynamique qui offre de nombreuses opportunités aux femmes.
Il ne faut pas qu’elle ait peur des stéréotypes ou de poursuivre ses passions.
Et enfin, évidemment, il est primordial de lutter contre les barrières qu’on se met à soi-même. L’autocensure chez les femmes est très présente et il faut les aider à reconnaître, mais surtout à surmonter leurs propres doutes et craintes.
Que dirais-tu à une fille qui souhaite se lancer dans les études d’ingénierie mais qui n’ose pas le faire ?
Je l’encourage à croire en elle et à prouver à ceux qui lui mettent des barrières qu’elle est complètement capable de réussir dans ce domaine. Il ne faut pas qu’elle ait peur des stéréotypes ou de poursuivre ses passions. C’est important d’être fière de soi, de ses ambitions, de sa détermination et de sa curiosité. Ce sont vraiment des atouts très précieux qui nous aident à aller de l’avant et à atteindre nos objectifs.
Tu accordes une importance particulière à l’égalité des chances. Quelles actions mènes-tu dans ce sens ?
Je suis membre de l’association humanitaire Huma Pharma, au sein de laquelle je participe à des actions de soutien aux personnes sans domicile fixe, à travers la distribution de denrées alimentaires. Je réalise aussi des activités dans les hôpitaux, pour enjoliver la vie des personnes malades et je m’investis dans des projets qui visent à améliorer les conditions de vie des personnes en situation de précarité, notamment les femmes.
Je participe aussi à de nombreux témoignages pendant les journées portes ouvertes de mes établissements ou dans mon ancien lycée en zone prioritaire. Je discute avec des élèves pour leur raconter mon parcours et leur présenter toutes les opportunités dans le monde des sciences. J’essaie de me rendre principalement dans des quartiers défavorisés, car c’est là que les études d’ingénierie semblent inaccessibles aux jeunes.
Enfin, j’ai également pu faire quelques maraudes dans des associations humanitaires et c’est pendant ces actions que j’ai été confrontée à la réalité concernant la difficulté d’accès à l’éducation.
Tu es cofondatrice de l’Association de Tutorat de Pharmacie. Quel est son objectif ?
Avec cette asso, on met en place des sessions de tutorat gratuites. Des étudiants accompagnent ceux qui rencontrent des difficultés dans leur parcours. On joue un peu un rôle d’aînés, puisque l’association permet aux étudiants de se confier sur des sujets aussi variés que leur parcours, l’éducation ou encore la vie au quotidien.
Ce prix permet aussi de me rappeler qu’on peut tracer son propre parcours malgré ses différences et qu’avec persévérance, passion et curiosité tout devient réalisable.
En tant que vice-présidente de la pédagogie, mon rôle est principalement de rendre l’information accessible et de transmettre la confiance en soi, tout en luttant contre l’autocensure.
Tu as reçu le prix de l’élève-ingénieure France du concours Ingénieuses. En quoi ton profil a-t-il convaincu le jury selon toi ?
Je pense que c’est mon parcours pluridisciplinaire et le fait que je touche vraiment à tout. Ma vision de l’égalité sociétale a très certainement aussi eu son rôle à jouer. Généralement, ce qui est mis en lumière est surtout l’égalité des genres, alors que, dans mes actions, je mets davantage l’accent sur les opportunités pour tous, peu importe de quel milieu ils viennent.
Qu’est-ce que ce prix représente pour toi ?
C’est bien plus qu’une simple récompense. C’est un message d’espoir pour une égalité des chances sans faille. Ce prix permet aussi de me rappeler qu’on peut tracer son propre parcours malgré ses différences et qu’avec persévérance, passion et curiosité tout devient réalisable.
Je viens d’un milieu où les études ne sont pas forcément mises en avant. Cela ne m’a pas empêchée de faire ce que je voulais et de créer des choses importantes comme le tutorat, qui me permet de tendre la main comme d’autres ont pu le faire pour moi auparavant.
Le concours Ingénieuses me donne encore plus envie de me battre pour plus d’égalité, plus de diversité et plus de solidarité au sein des filles, de la population et du monde scientifique.