Selon une étude Daress pour le Ministère du Travail, 22% de français ont changé de métier entre 2010 et 2015. Sans surprise, cette décision touche principalement les 20-29 ans. Ces changements touchent aussi les étudiants. De plus en plus d’entre eux décident de suivre des cours sur l’entrepreneuriat. En 2019, ils sont 4 444 a avoir obtenu le statut d’étudiant-entrepreneur selon PEPITE. Abigail fait partie de ces jeunes qui ont décidé de poursuivre vers un projet personnel et de s’affranchir de leur cursus initial.
En mai 2019, alors qu’elle entame son dernier semestre avant l’obtention de son diplôme d’ingénieur en mécanique après trois années en école, elle postule au Statut National Étudiant-Entrepreneur (SNEE). Elle l’obtient pour son projet « TchopTime ». Créé par le ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ce statut a pour but d’encourager les jeunes à entreprendre, au cours de leurs années d’études ou après l'obtention d'un diplôme.
Notre article pour mieux comprendre le Statut National Etudiant-Entrepreneur.
PEPITE France (Pôles Étudiants pour l'Innovation, le Transfert et l'Entrepreneuriat) a été désigné responsable du dispositif. Il possède des succursales présentes sur tout le territoire français. Le pôle national attribue le statut étudiant-entrepreneur et permet à ces jeunes d’accéder à un accompagnement personnalisé de leur projet ainsi et donne accès au Diplôme Étudiant-Entrepreneur (D2E) qui leur fournit des compétences et connaissances supplémentaires.
En septembre prochain, alors qu’elle sera fraîchement diplômée, elle commencera la formation pour obtenir le D2E. Encore en phase de développement, Diplomeo l’a rencontré. Elle nous explique en quoi consiste son projet, directement inspiré de son expérience personnelle et de ses origines ghanéennes, et ce que ce statut va lui apporter.
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Abigail Agyei Boahen, j’ai 25 ans. J’ai obtenu un bac S, puis j’ai effectué une licence en physique-chimie à l’Université Marne-la-Vallée. Après mon diplôme, j’ai intégré une école d’ingénieurs. Aujourd’hui, je suis apprentie-ingénieure en mécanique à l’ESIPE. Je réalise mon apprentissage chez PSA (constructeur automobile), à Vélizy. Et j’ai également un projet personnel en cours.
Est-ce que tu peux me parler de ton projet ?
Je travaille sur ce projet avec une associée (Laetitia Wassa). Il tourne autour de l’Afrique. L’objectif est de créer une plateforme de vente de plats africains entre particuliers, en mettant en relation des personnes qui possèdent de la nourriture en trop et des personnes souhaitant manger ces plats. Grâce à une application, celles-ci retrouvent les plats disponibles et les personnes qui les vendent.
Quel est l’objectif de cette plateforme ?
À travers ce projet, nous souhaitons mettre en avant différentes choses. Tout d’abord, les valeurs africaines à travers la gastronomie. L’Afrique est composée de 54 pays et donc 54 cultures différentes. En plus, un pays a lui-même plusieurs cultures. Puis, nous voulons mettre en relation des habitants d’un même quartier afin de créer du lien social. Ces mêmes personnes n’auraient peut-être jamais eu l’occasion de se rencontrer.
Il permet également de verser un revenu complémentaire aux personnes qui cuisinent. En effet, ce sont généralement des femmes qui n’ont pas une vie facile. Elles sont principalement mères au foyer, des travailleuses à mi-temps ou en arrêt maladie. On veut les aider à percevoir de l’argent grâce à ce qu’elles font déjà au quotidien.
Plus globalement, la plateforme permet de lutter contre le gaspillage.
A-t-il déjà un nom ?
Oui, il s’appelle « TchopTime ». C’est une expression qui provient de l’Afrique de l’Ouest et qui signifie « l’heure de manger ».
Comment cette idée est-elle apparue ?
Elle est inspirée de mon expérience personnelle. Lorsque j’étais petite, je voyais ma mère cuisiner pour toute ma famille (5 enfants plus les parents). Bien que mes grands frères et sœurs soient partis, elle continue à cuisiner en grande quantité. Donc, nous nous retrouvions à jeter la nourriture non consommée.
Ma mère a un travail physique fatigant mais elle a toujours eu du plaisir à cuisiner. L’idée m’est, donc, venue de vendre ses plats en trop afin de lui fournir un revenu supplémentaire. De plus, je pense que des personnes ont cette envie de découvrir la culture ghanéenne.
L’année dernière, j’ai effectué un échange de 6 mois en Hongrie. J’aurais aimé manger des plats de ma mère. Malgré mes tentatives culinaires et les restaurants aux alentours, je n’ai pas pu retrouver le goût de ses plats.
Comment travailles-tu sur ton projet ?
Depuis le mois de décembre, Klesis Consulting nous aide sur notre projet. C’est une cellule d’accompagnementpayant pour les entrepreneurs qui ont l’ambition de monter leur propre entreprise. À la différence des autres structures d’accompagnement, ils interviennent dès le début de ton idée en t’aidant à le construire.
Ensemble, nous avons identifié notre marché, nos clients et notre cible. Ils nous ont épaulés sur la partie administrative et nous aident sur la création d’un cahier des charges solide afin de répondre à toutes éventualités.
Tu as beaucoup travaillé dessus ces derniers temps, comment as-tu géré ton temps entre ton projet et ton alternance ?
C’est très difficile, car je travaille 8h par jour en entreprise. Les seuls moments où je suis libre sont en soirée ou le matin très tôt. Mais à la différence d’un devoir à l’école, je suis motivée pour me réveiller ou me coucher tard, car c’est mon projet personnel.
Pourquoi as-tu décidé de te lancer dans l’entrepreneuriat, au vu de ton parcours très scientifique ?
J’ai toujours été attirée par « l’esprit startup ». Au début, je cherchais mon apprentissage dans une startup. Finalement, je suis arrivée chez PSA qui est une grande entreprise déjà bien établie dans le monde. Je suis heureuse d’avoir fait mon apprentissage, car il m’a confirmé que je ne souhaite pas travailler dans ce type de structure et me diriger vers ce métier. J’ai compris que je veux allier mon travail avec ma passion.
Comment as-tu connu ce diplôme ?
L’idée d’entreprendre m’est venue en fin d’année dernière (2018). Je suis allée voir mon responsable de formation Benoît Jacquet-Faucillon (de Génie Mécanique à l’ESIPE). Il m’a redirigé vers le professeur qui s’occupe du cours entrepreneuriat au sein de l’école. Quand je l’ai contacté, il m’a évoqué le statut étudiant-entrepreneur et les autres possibilités qui s’offraient à moi.
En avril dernier, j’ai assisté à un événement organisé par PEPITE (Pôles Étudiants Pour l’Innovation, le Transfert et l’Entrepreneuriat), sur les femmes et l’entrepreneuriat. J’ai eu l’opportunité de parler avec des personnes en charge du pôle Ile-de-France et des étudiants qui bénéficiaient de ce statut. C’est en échangeant avec eux que j’ai décidé de postuler.
Peux-tu nous expliquer les démarches pour obtenir ce statut ?
Il y a une période de candidature pour postuler. En ligne, tu réponds à un questionnaire sur ton projet, ta motivation et ce que le statut peut t’apporter [le formulaire vous permet de cocher ou non votre envie de suivre le diplôme Étudiant-Entrepreneur].
Après l’examen du dossier, un email est envoyé pour t’annoncer que ton projet est validé et tu es convoqué pour un entretien oral devant un jury. Pendant 5 minutes, tu présentes ton projet et démontres ta motivation. Puis, pendant 10-15 minutes, le jury te pose des questions où ta motivation sera déterminante. J’ai rencontré une étudiante qui a obtenu le statut. Elle m’a évoqué que c’est son envie d’entreprendre qui lui a permis de l’obtenir, car au moment de postuler, elle n’avait pas de projet précis en tête.
Tu commences ton accompagnement au mois de septembre. Sais-tu ce que tu feras pendant cette année ?
Je vais bénéficier d’un espace coworking, donc je n’aurais pas à travailler de chez moi. Il se situe sur le campus de l’Université de Marne-La-Vallée, à la Centrifugeuse.
Je vais être accompagnée par 2 tuteurs, un professionnel et un professeur de l’école. En plus, j’aurai accès à leurs réseaux et à leurs partenaires : banques, entreprises… Et je vais suivre plusieurs ateliers sur la création d’entreprise. Le plus important est que je serai entourée de personnes avec le même état d’esprit, que ce soit des entrepreneurs déjà établis ou des étudiants. Ainsi nous pourrons nous motiver.
As-tu un conseil à donner aux jeunes qui ont peur de se lancer ?
J’encourage les personnes à travailler dans un endroit qui leur donne envie de se réveiller le matin. On a la chance d’être encore jeune, il faut en profiter. Pourquoi attendre d’avoir 50 ans pour changer de travail alors que tu peux le faire à 25 ans ?