Chaque journée qu’elle passe en cours est une “victoire”. Et le soir, Clémence a besoin de repos. Plus que les autres. L’étudiante de 20 ans, en prépa vétérinaire, n’a pas une scolarité classique. Une semaine sur trois, elle quitte son appartement où elle vit en colocation, près de Clermont-Ferrand, et rentre chez ses parents, pour se rétablir de sa chimio contre le cancer du sein.
Un combat qui a commencé il y a deux ans. En février 2022, la jeune femme apprend que les douleurs au thorax qui la gênaient pour respirer depuis plusieurs mois sont un cancer du sein à un stade avancé, très rare à son âge. Si le cancer du sein est le plus répandu chez les femmes en France, seuls 10% des cancers se développent avant 35 ans (80% après 50 ans). D’emblée, son médecin et ses profs lui conseillent d’arrêter ses études pour se concentrer sur ses soins.
Impensable pour Clémence, qui a prévu un parcours millimétré pour réaliser son rêve de travailler avec les animaux : un stage pour valider son DUT, suivi d’une année de prépa dans un lycée agricole avant de tenter les concours d’entrée aux écoles vétérinaires. Un objectif qui deviendra son "moteur" dans sa lutte contre la maladie.
"Quand on est dans la maladie, tout est un combat"
"Si j’avais écouté mes profs ou mon premier médecin, je n’aurais pas continué mes études, alors qu’en fait, c’est possible", retrace Clémence depuis sa maison familiale, en Auvergne. Au téléphone, la jeunesse de sa voix dénote avec l’assurance qu’elle dégage. Très vite après l’annonce de son diagnostic, l’étudiante, qui refuse que le cancer la définisse choisit de poursuivre son cursus.
"Si j’avais écouté mes profs ou mon premier médecin, je n’aurais pas continué mes études, alors qu’en fait, c’est possible"
"On s’est vite rendu compte que, quand on est dans la maladie, tout est un combat", glisse-t-elle. "Heureusement, j’ai été aiguillée par la cellule AJA pour mes démarches administratives". Cette équipe médicale et sociale accompagne les adolescents et les jeunes adultes atteints d’un cancer. "C’est comme ça que j’ai pu avoir des aménagements pour mes cours, puis ma prépa, après avoir déclaré mon cancer au service université handicap (SUH)", explique Clémence.
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Une double vie entre les cours et un traitement "à durée indéterminée"
Entre chimio, cours et repos, elle parvient à valider son BUT. Puis, Clémence se bat pour suivre son stage, en partie à distance. Un parcours du combattant administratif à l'issue duquel elle arrive à intégrer sa prépa vétérinaire, en septembre 2022, avec le droit de redoubler si besoin. "Au début, je voulais essayer de terminer la prépa en un an, sauf que j’ai été arrêtée par la maladie, en décembre 2022", souffle-t-elle.
"J’ai dû apprendre à être énormément sage et savoir m’arrêter tout de suite, pour aller plus loin"
À la rentrée 2023, elle a pu reprendre ses cours, aménagés autour de son traitement. "Dès que j’ai ma chimio, je rentre chez mes parents parce que pendant deux-trois jours, je suis incapable de me lever de mon lit", explique la jeune femme. "Et après, pendant quinze jours, je refais ma vie à fond les ballons" poursuit-elle. Pour elle, la prépa est "vraiment un plaisir", et les jours où elle peut y aller "c’est déjà une victoire", insiste-t-elle.
Bien sûr, Clémence a des moments de "craquage", mais ceux-ci lui permettent de "faire le point" quand ça se passe mal. "J’ai appris par la force des choses que si je tire énormément sur la corde un jour, le lendemain je vais être encore plus mal", raconte-t-elle. Pour gérer sa fatigue, Clémence a dû apprendre à être "énormément sage et savoir s’arrêter tout de suite, pour aller plus loin", explique-t-elle. "C’est vraiment un combat intérieur", estime la jeune femme.
"A chaque réévaluation de mon traitement, j’espère qu’on me libère"
"Ce qui est le plus dur, finalement c’est mon traitement, qui est à durée indéterminée", poursuit-elle. Celui-ci comprend des cycles de trois chimiothérapies, suivis d’une évaluation par scanner. "A chaque réévaluation, j’espère qu’on me libère", explique Clémence, alors que la fatigue liée au traitement lui fait "perdre en concentration et en mémoire". Toutes les trois semaines, elle a le sentiment d’avoir une "remise à zéro" dans sa formation.
La prépa est une "grosse épreuve en elle-même", estime la jeune femme. Elle avoue remettre en question son choix de poursuite d’études dans ces conditions à chaque fois qu’elle repart en traitement. "Mais en même temps, mon objectif est vraiment là, donc j’arrive à me remobiliser", affirme-t-elle.
Prépa
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"Choisir ce pour quoi on lutte"
Clémence n'a pas l'impression d'être "particulièrement courageuse", confie-t-elle. "Je pense que dans ma situation, il y en a plein qui auraient réagi de la même façon", estime l’étudiante. "Quand on vous annonce un cancer, il faut tout recomposer : la vie est remise en jeu", explique-t-elle. "Donc il faut choisir ce que l’on garde et ce pour quoi on lutte" déroule la jeune femme. Si la maladie est "propre à chacun", il est primordial de "s’écouter", selon elle.
En dehors des cours, Clémence s’est engagée auprès de l’association Jeune et Rose, un réseau de d’entraide entre jeunes patientes atteintes d’un cancer. Un soutien de taille pour la jeune femme, qui lui permet "de faire quelque chose d’utile". De même que lorsqu’elle est seule, aller en cours ou voir ses copines lui permet quelques bulles d’air. L'espace d’un instant, elle redevient une simple étudiante "qui fait sa vie et qui n’est pas malade".