Elle “pourrait faire plus”, mais les journées ne durent “que 24 heures”. Entre ses cours, son travail associatif et ses actions sur le terrain, le quotidien de Manon est très, très chargé. Et ça tombe bien : l’étudiante de 21 ans “aime avoir toujours quelque chose à faire”, ça lui donne “l’impression d’agir”. Depuis son adolescence, Manon Guyonnet a fait de la cause climatique le combat de sa vie. Elle le mène de front, sur plusieurs plans.
Au niveau local, Manon est co-présidente de l’association Echo’Logik, qui sensibilise les jeunes à la cause climatique. Au niveau national, elle est co-vice-présidente Plaidoyer du RESES, le Réseau étudiant pour une société écologique et solidaire, dont les arguments devraient être présentés par la délégation française à la COP 28 qui s’est ouverte jeudi 30 novembre, à Dubaï (Emirats Arabes Unis). Quant à ses études, elle est inscrite depuis septembre 2023 en Master 1 gouvernance de la Transition écologique à Sciences Po Bordeaux.
Au cœur de son action pour la protection de la planète : la sensibilisation de la jeunesse, en laquelle elle croit dur comme fer, pour faire bouger les lignes à grande échelle et auprès des décideurs. Portrait d’une femme engagée et pétillante, qui refuse de baisser les bras.
Un combat qui la “fait tenir” depuis son anorexie
C’est depuis une chambre d’hôpital que Manon a eu le déclic pour l’écologie. Soignée pour anorexie en classe de seconde, la jeune fille n’était “pas sûre de vouloir vivre”. Si elle était déjà sensibilisée à la question climatique par ses cours à l’école et les différents pays où elle a vécu jusqu’au lycée - notamment en Afrique et au Moyen-Orient, son père étant expatrié - c’est pendant cette période critique qu’elle se renseigne beaucoup sur le climat.
"Si je devais me battre pour vivre et pour guérir, ça devait être pour une cause"
“Je me suis dit que si je devais me battre pour vivre et pour guérir, ça devait être pour une cause : j’ai choisi l’environnement, c’était le plus urgent”, explique la jeune femme. “C’est un combat qui me fait tenir depuis”, ajoute-t-elle. Six ans plus tard, Manon a parcouru du chemin et c’est toute sa vie qui est dédiée à la lutte pour le climat. Son objectif à terme : “travailler dans l’écologie”.
“Le climat est mondial, il va impacter tout le monde”
Bonne élève, Manon tente sa chance à Sciences Po Bordeaux après son bac. À l’image de son engagement à plusieurs échelles, elle avait besoin d’une “appréhension pluridisciplinaire du monde”. La jeune femme est convaincue que “pour que l’écologie soit socialement acceptable sur le long terme, elle doit prendre en compte plusieurs facteurs : politiques, sociaux, économiques…”.
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Pari réussi : Manon est désormais en Master 1 gouvernance de la Transition écologique, un cursus qui lui donne des “clés de lecture” des enjeux environnementaux. Décryptage des Cop et Traités internationaux ; étude de l’impact du changement climatique sur les villes ; enjeux de la biodiversité dans les pays du sud… “Ce master nous décentre et nous pousse à nous intéresser à d’autres échelles”, se réjouit-elle. “C’est fondamental, car le climat est mondial et il va impacter tout le monde”, poursuit Manon.
À côté de ses cours, qui s’étalent sur 20 heures dans la semaine, l’étudiante s’implique dans ses deux associations, à raison d'une quinzaine d'heures hebdomadaires. Chez Echo’Logik, “on fait beaucoup de sensibilisation, des conférences ou des ateliers”, explique-t-elle. Récemment, elle a participé à l'organisation d'un atelier de revalorisation des déchets alimentaires. “On a appris aux étudiants et étudiantes à faire un pesto de fanes de radis. C’était un carton !” raconte-t-elle.
Côté Reses, elle s’est concentrée ces derniers mois à la rédaction d’un plaidoyer pour la Cop.“On a co-construit ce texte avec une centaine de jeunes pendant un weekend fin septembre”. Dans celui-ci, “on exhorte les décideurs et décideuses à appliquer certains principes d’équité, de justice ou encore d’inclusion dans leurs politiques climatiques", énumère-t-elle, espérant que ces arguments, présentés à la délégation française, seront restitués à Dubaï.
“Le plus important, c’est de continuer à se battre”
Si elle reconnaît que l’histoire des Cop se révèle “souvent décevante”, Manon croit quand même à cette action. “Il faut aller aux Cop, car on doit représenter la jeunesse”, affirme-t-elle. “On essaie d’inverser le cours des négociations et de les rendre plus ambitieuses, on verra bien ce qu’il en ressort”, ajoute la jeune femme. “Le plus important, c’est de continuer à se battre, sinon ça revient à abandonner”, souffle-t-elle.
"La jeunesse est une force motrice pour changer le monde"
Pour elle, cela ne fait aucun doute : “la jeunesse est une force motrice pour changer le monde”, s’anime-t-elle. “C’est la philosophie principale du Reses : s’il y a une sensibilisation et une prise de conscience écologique dès les études, les jeunes considèreront ce prisme dans leur vie professionnelle. Donc il y aura un impact majeur sur les activités économiques et sociales futures”.
Vu son entourage et son engagement, Manon est consciente d’être dans un “microcosme” et que la cause écologique n’est pas forcément dans toutes les têtes des jeunes. “Mais il y a de plus en plus d’étudiants et d'étudiantes - 70% selon une récente étude - qui se considèrent en soutien au mouvement écologique, qui sont concernés et qui s’inquiètent”, souligne l’étudiante. “Après, qu’ils agissent, c’est un peu moins fréquent”, reconnaît-elle.
Fuir l’éco-anxiété “pour ne pas sombrer et être paralysée”
Le rythme effréné de Manon nécessite une organisation rigoureuse, qu’elle doit à sa mère. Pour réussir à mener de front son combat, tout en gardant une vie d’étudiante normale, elle “note tout” dans son agenda. Des journées bien remplies, qui ne l'empêchent pas de douter parfois.
"Je reste dans l’action et je fais mon maximum"
“Tous les jours, on apprend des infosencore plus déprimantes sur l’état de la biodiversité, du climat, sur les réactions politiques”, rappelle la jeune femme. “Ça peut générer beaucoup de stress et de colère”, ajoute-t-elle. Une forme d’éco-anxiété qu’elle fuit à tout prix pour ne “pas sombrer et être paralysée”. “Donc je reste dans l’action et je fais mon maximum”, assure Manon. “Pour l’instant, je suis étudiante. Après, je choisirai un métier qui a un impact. C’est vraiment ça le défi”, ajoute-t-elle.
Manon s’intéresse notamment à la transition alimentaire, vers une alimentation plus végétale. Cela serait à ses yeux une “variable clé pour réduire massivement et rapidement nos émissions de CO2”. Une thématique que la jeune femme souhaiterait développer en alternance, l’année prochaine. Elle compte soumettre sa candidature notamment au CROUS, qu’elle considère comme un “acteur bien identifié et une aide fondamentale contre la précarité étudiante”.
Et, si elle est consciente que les mentalités et la société seront difficiles à changer, elle ne perd pas espoir : “ça ne servirait à rien”, conclut-elle.