Étudiant en ingénierie et grimpeur en salle d’escalade, Paul allie ses deux passions pour atteindre le sommet. À 20 ans, le jeune homme mène une vie rythmée par les cours à Polytech Grenoble-INP et les entraînements pour l’escalade.
Actuellement en troisième année de cycle préparatoire scientifique, Paul troque très rapidement les bouquins et l’ordinateur portable par les cordes et le harnais. Deux salles, deux ambiances, sans lesquelles le jeune homme ne se voit pas évoluer.
Disposant du statut d’étudiant sportif de haut niveau, mais aussi sacré champion d’escalade à plusieurs reprises, Paul nous raconte comment il gère son quotidien.
Peux-tu te présenter et me parler de ton parcours scolaire ?
Mon parcours est assez ordinaire. Au lycée, j’étais dans une classe avec des sportifs. Je n’avais pas d’horaires aménagés, mais l’emploi du temps était établi de manière à ce que l’on puisse continuer de pratiquer notre activité sportive en parallèle des cours.
Je pourrais aussi bien devenir grimpeur professionnel qu’ingénieur.
Par exemple, le mardi et le jeudi je finissais à 15h30, donc j’avais en quelque sorte des après-midi libres. En terminale, j’ai passé mon bac spécialité maths-physique.
Pourquoi as-tu choisi d’intégrer une école d’ingénieurs ?
Une fois le bac en poche, j’ai cherché un cursus où je pouvais aménager mes études, mais aussi un domaine qui me plaisait, donc je me suis dirigé vers la prépa intégrée en école d’ingénieurs à Polytech Grenoble-INP.
L’ingénierie a toujours été un domaine que je voulais découvrir et je suis clairement plus doué dans les matières scientifiques. Le métier d’ingénieur m’attire particulièrement et me donne envie d’en apprendre davantage sur le secteur. Cependant, mes projets dépendent de mes notes. Je ne me ferme pas de portes, j'attends de voir ce que le futur me réserve. Je pourrais aussi bien devenir grimpeur professionnel qu’ingénieur.
D’où vient ta passion pour l’escalade ?
J’ai commencé l’escalade à l’âge de 7 ans. La première fois que j’ai grimpé j’avais environ 3 ou 4 ans, mais c’était en falaise et je n'avais pas accroché, ça me faisait peur. Un jour, un mur d’escalade a été monté dans ma ville et je m’y suis remis, après avoir essayé pas mal de sports comme le vélo, le triathlon ou encore le ski. Mais, je cherchais un sport que je pouvais faire toute l’année et l’escalade se présentait comme une bonne option.
Pour parvenir à gérer les deux, il y a une chose très importante : il faut arriver à se construire une routine.
Aujourd’hui, c’est toujours un plaisir, mais c’est aussi bien plus que ça. Je m’entraîne entre 20 et 25 heures par semaine. En période de compétition, je peux faire des semaines de 15 heures, car je dois aussi me reposer.
Comment gères-tu tes deux activités ?
C’est beaucoup d'organisation. Pour arriver à gérer deux plannings, il faut être méticuleux, mais ça se fait progressivement. J’ai appris à m'organiser avec des agendas et des rappels sur mon téléphone avec tout ce que j’ai à faire. Par exemple, j’ai essayé d’augmenter petit à petit mon volume d’entraînement, sans trop diminuer celui dédié aux cours.
Pour parvenir à gérer les deux, il y a une chose très importante : il faut arriver à se construire une routine. Même s’il y a souvent des imprévus, avec des cours qui s’ajoutent ou qui s’annulent par exemple, j'essaie quand même de faire en sorte que mes semaines soient assez semblables. Une fois dans le bain, ça devient automatique et je sais ce que je dois faire chaque jour.
Peux-tu nous raconter une journée type ?
Les journées où je n’ai pas cours ou juste un seul, je m’entraîne le matin pendant trois heures. Si j’ai cours entre midi et deux, je me rends à l’école, puis je me réentraîne le soir à nouveau pendant trois heures. C’est un rythme qui peut être fatiguant et il y a forcément des moments où j’ai moins envie, mais une fois qu’on se lève, qu’on s’échauffe et qu’on commence, on y arrive.
Sans l’escalade, je serais peut-être moins motivé à l’idée de me rendre en cours, donc je pense que les deux fonctionnent bien ensemble.
Je veux réussir mes études, donc manquer des cours n’est pas envisageable. Pour l’escalade, c’est pareil : la mise en route peut être compliquée, mais après je sais que je vais prendre du plaisir.
Malgré ton rythme, parviens-tu à suivre correctement les cours et à avoir de bonnes notes ?
Je ne sais pas si je pourrais mieux réussir si je ne faisais pas de l’escalade, car je me dis aussi que sans cette activité, je serais peut-être moins motivé à l’idée de me rendre en cours, donc je pense que les deux fonctionnent bien ensemble. Je ne m’imagine pas faire que de l’escalade ou n’allez qu’à l’école, car les deux m’apportent du positif.
J’ai conscience que mon parcours n’est pas parfait, mais je pense que l’équilibre est assez bon. Je me fixe d’entrée un niveau de performance et si je ne l’atteins pas, je peux être amené à réduire mes entraînements pour mieux réussir au niveau des cours et vice versa. Mais pour l’instant, je suis assez satisfait de ce que j’ai accompli.
Qu’apporte exactement le statut d’étudiant sportif de haut niveau (ESHN) ?
Ce statut me permet de pouvoir aménager mon temps de cours. Mon parcours en école d’ingénieurs diffère de celui des autres. Je réalise mon cycle préparatoire en quatre ans au lieu de deux. J’ai donc du volume horaire en moins. Par exemple, mes camarades ont environ 30 h de cours par semaine et moi je suis à 15 h. Selon les événements auxquels je participe, ce volume horaire peut être adapté.
Un étudiant peut être sportif de haut niveau s’il a des contraintes d'entraînements et de compétitions suffisamment importantes pour justifier des besoins d'aménagements.
De plus, je n’ai pas l'obligation d'assiduité sur certains cours. Si j’ai besoin d'en louper un pour des raisons sportives, j’ai la possibilité de le rattraper chez moi. À Grenoble-INP, on a également le droit de payer quelqu’un qui fait de la prise de notes pour les étudiants sportifs de haut niveau.
Je peux aussi décaler les épreuves. Par exemple, si j’ai une compétition le même jour qu’un examen, je peux changer la date et les professeurs me donnent un autre sujet. Je peux aussi les réaliser à distance si besoin.
Te sens-tu accompagné par ton école, Polytech Grenoble-INP ?
Les enseignants prennent vraiment du temps pour m'aider. En revanche, leur rôle n’est pas d’être plus ou moins indulgents avec moi, car certes je suis sportif de haut niveau, mais j’ai aussi le statut d’étudiant, donc il faut quand même que j’ai un diplôme qui a la même valeur que celui des autres. Ceci dit, ils sont très présents et s'adaptent volontiers à ma situation.
J’ai un esprit compétitif, je ressens l’envie de me challenger et le fait de le faire sur des gros événements donne encore plus de saveur.
Par exemple, à mes débuts dans l’école, je n’ai pas pu me présenter au concours d’entrée, car j’étais au Championnat d’Europe. C’était compliqué, mais j’ai quand même eu le droit de repasser le concours.
Tu as été champion d’Europe en 2017 à 15 ans, peux-tu me raconter ton expérience ?
J’ai fait mes premières années en équipe de France assez jeune, j'avais 14 ans. J’ai ensuite commencé mes premières Coupes du monde en classe de première. En terminale, j’ai intégré l’équipe de France senior. J’ai également participé au Championnat de France à plusieurs reprises et remporté le titre de champion d’Europe. Cette année, j’ai fini 3e en Coupe du monde et j’ai aussi fait deux finales en Championnat du monde.
Ces dernières années, j’ai participé à presque toutes les compétitions qui avaient lieu dans le domaine de l’escalade. Je fais aussi quasiment toutes les compétitions au niveau international, chez les seniors. J’ai déjà été au Japon, en Corée, en République Tchèque, en Autriche, en Suisse, aux États-Unis et je pars en Chine dans deux mois.
J’aime beaucoup participer à des compétitions. J’ai un esprit compétitif, je ressens l'envie de me challenger et le fait de le faire sur des gros événements donne encore plus de saveur.
D’un point de vue personnel, que signifient pour toi tous ces titres ?
Je ne m’en rends pas forcément compte, parce que je ne sais pas ce que je serais sans ça. Dans la vie en général, ça m’apporte de la confiance en moi, des capacités organisationnelles et évidemment ça m’aide dans la vie de manière financière. J’ai aussi énormément gagné en maturité, parce que j’ai vite été plongé dans le monde professionnel. C’est d’ailleurs un très bon point pour moi, car je vais finir assez tard mes études.