Avoir la tête dans les nuages n’est pas toujours négatif. Orlène est étudiante en Master 2 Étude des climats de la Terre à l’université Paris-Saclay. Un cursus qui lui vaut très souvent d’avoir les yeux rivés vers l’atmosphère de la planète bleue, mais aussi vers celle de Mars, Vénus ou Jupiter.
Le domaine d’études de la jeune femme appartient plus largement à l’exobiologie ou l’astrobiologie. C’est la science des phénomènes liés à l’apparition et au développement de la vie sur Terre et dans l’univers. Du Big Bang, il y a environ 13,8 milliards d’années, aux conditions de vie terrestre de demain, dans 50 ans ou dans un milliard d’années, Orlène se pose des questions fondamentales, avec au centre, le climat.
Quel est le rôle du climat dans les origines de la vie sur Terre ? La vie ailleurs dans l’univers est-elle possible ? Quel avenir les changements climatiques naturels et causés par l’homme nous réservent-ils ? Des thématiques qui dépassent les échelles spatio-temporelles humaines certes, mais sans pour autant être hors-sol. Elles font l’objet de recherches scientifiques accrues qui visent le progrès. Rencontre du troisième type avec Orlène !
Quel est ton parcours académique ?
J’ai obtenu mon bac S, spécialité SVT, en 2017. J’avais pour projet d’effectuer des études en rapport avec les sciences de la Terre ou la biologie, plus particulièrement. Et puis on m’a dit de viser plus haut, alors j’ai opté pour des études de médecine, avec comme nouveau projet de devenir médecin chercheuse en cancérologie.
Je n’ai pas validé ma première année en médecine à l’UPEC. Malgré tout, j’ai remis le couvert durant un semestre, avant de comprendre que ce n’était pas forcément fait pour moi. J’ai alors décidé de renouer avec mon premier projet d’études et j’ai intégré un bachelor Environnement à l’Institut supérieur de l’environnement (ISE), à Versailles.
À la fin de mes trois années de formation, j’avais une idée plus claire de ce dans quoi je voulais poursuivre ma formation : le climat et la pollution atmosphérique.
En quoi consistent tes études ?
Au sein du master Étude des climats de la Terre, on étudie le climat à la fois de façon locale et globale et sur différentes échelles de temps. Pour ce faire, on s’appuie sur des instruments de mesure et d’observation des différents composés de l’atmosphère, parmi lesquels, le dioxyde de carbone (CO2), par exemple. Il est essentiel à la vie sur Terre et également hautement responsable de l’augmentation de l’effet de serre.
Tout cela va nous permettre de mieux anticiper les changements climatiques naturels et ceux causés par l’homme, leurs impacts sur les écosystèmes et les sociétés, mais aussi de repenser les ressources énergétiques.
Quel métier voudrais-tu exercer à terme ?
J’aimerais devenir exobiologiste ou astrobiologiste. C’est un domaine pluridisciplinaire qui constitue aussi le cœur de mes études. On cherche à découvrir les origines de la vie et à répondre à la question suivante : comment passe-t-on de la chimie organique, c’est-à-dire les structures de molécules de carbone, à l’être vivant ?
« C’est un univers où les gens sont généralement ouverts et adorent partager ce qu’ils font. »
C’est passionnant et pour y répondre, on s’intéresse aussi bien à la planète Terre qu’aux autres planètes et même à leurs satellites naturels (les lunes). Sinon, j’aimerais aussi travailler directement sur les questions liées à la pollution atmosphérique.
Comment s’est passé ton éveil aux sciences ?
Aussi anecdotique que cela puisse paraître, je me souviens qu’étant petite, j’adorais regarder le dessin animé Il était une fois la vie. Je considère que notre environnement participe grandement de notre intérêt pour tel ou tel sujet, alors cela compte !
Arrivé à un certain niveau d’études, on peut dire qu’on baigne dans le domaine. Depuis plusieurs années, mes professeurs sont des chercheurs. Ils sont passionnés et aiment transmettre leur passion. C’est un univers où les gens sont généralement ouverts et adorent partager ce qu’ils font. C’est même le principe de la recherche.
« Le tout c’est de persévérer et chercher à combler ses lacunes, sans hésiter à viser plus haut qu’elles. »
D’un autre côté, ma mère m’a aussi toujours encouragé à poursuivre mes rêves, sans manquer de me mettre en garde : « Tu vas parfois devoir redoubler d’efforts pour surmonter tes difficultés, mais aussi pour faire face à certaines discriminations ».
As-tu toujours eu des facilités pour les sciences ?
Je ne peux pas vraiment parler de facilités. Ça a plutôt été le contraire, à vrai dire. J’ai toujours eu un grand intérêt pour le domaine, mais à partir du lycée, j’ai rencontré quelques difficultés dans certaines matières phares, comme les maths ou la physique. Toutefois, rien de dramatique : je parvenais quand même à garder un niveau correct et j’étais plutôt bonne en chimie.
« Après tout, si l’on ne se lance pas, comment savoir qu’on a réellement les capacités pour ce qu’on veut faire ? »
Ensuite, dans mes études supérieures, j’ai eu davantage besoin de physique que de maths. Quoi qu’il en soit, je pense que le tout c’est de persévérer et chercher à combler ses lacunes, sans hésiter à viser plus haut qu’elles. Après tout, si l’on ne se lance pas, comment savoir qu’on a réellement les capacités pour ce qu’on veut faire ? Il ne faut pas hésiter non plus à demander de l’aide à ses camarades.
Considères-tu avoir bien été informée quant aux orientations post-bac qui s’offraient à toi ?
Je pense que l’origine sociale est déterminante dans l’accès à l’information sur l’orientation. Il y a un écart énorme entre les élèves qui ont accès à cette information et ceux qui ne l’ont pas ou alors à moitié.
« J’estime que la connaissance des différentes voies d’accès aux écoles d’ingénieurs peut être très utile pour se lancer dans la carrière de son choix sans s’autocensurer. »
Au lycée, la plupart des élèves au courant de l’existence des classes prépas étaient des garçons ou des personnes plutôt favorisées, ou les deux à la fois. Moi, à l’époque, je n’étais pas du tout informée. Ensuite, quand je les ai entendus en parler avec beaucoup d’assurance, je me suis dit qu’en fin de compte je n’aimerais pas intégrer ce genre d’études en fin de compte. Je ne m’identifiais pas à eux alors, je considérais que ces études n’étaient pas faites pour moi.
Même si j’estime que la connaissance des différentes voies d’accès aux écoles d’ingénieurs peut être très utile pour se lancer dans la carrière de son choix sans s’autocensurer, je ne regrette pas mon parcours.
Dirais-tu que l’univers des sciences est particulièrement masculin ?
En Terminale S, sur 30 élèves, nous étions 6 filles. C’est un effectif qui s’explique aussi par le fait que j’étais dans un lycée polyvalent à dominante technique et la filière scientifique était la seule de la voie générale.
« Les femmes que j’ai rencontrées sont bienveillantes et prônent l’entraide. Elles ont envie que d’autres femmes réussissent aussi. »
Dès que j’ai franchi le cap des études supérieures, la donne a changé. En bachelor, il y avait une parité quasi parfaite. Idem dans mon master actuel.
Personnellement, je trouve qu’il y a beaucoup de femmes, au sein des laboratoires, par exemple. Et mes deux responsables de master 1 étaient des femmes. Elles font partie intégrante des sciences et c’est important de le savoir. Celles que j’ai rencontrées sont bienveillantes et prônent l’entraide. Elles ont réussi dans leur carrière et elles ont envie que d’autres femmes réussissent aussi.
As-tu déjà été confrontée à des commentaires sexistes dans le milieu académique ou professionnel ?
Personnellement, non. En tout cas, je n’en ai pas le souvenir. Dans mon domaine, je n’ai pas l’impression que le genre soit une chose sur laquelle on s’attarde. Nous sommes des gens passionnés avant tout. Tant que tu montres que tu as envie d’apprendre, ça fonctionne.
Par contre, je crois qu’il y a certaines situations du quotidien qui relèvent du sexisme, sans forcément que ce soit conscient. Par exemple, quand je prends la parole pour poser une question au prof, il peut arriver qu’un camarade ou un autre prenne l’initiative de me répondre, et ce, d’une façon assez paternaliste. C’est comme s’il sentait que c’était de sa responsabilité de me répondre.
As-tu un sujet d’étude qui te tient particulièrement à cœur ?
L’année dernière, j’ai effectué un stage au laboratoire d’observation spatiale et atmosphérique LATMOS. J’analysais les aérosols organiques de Jupiter et de Titan (une des lunes de Saturne) par voie expérimentale, grâce à un réacteur qui simulait leurs atmosphères. Les aérosols désignent les suspensions atmosphériques, liquides ou solides, autour de ces astres. Ainsi synthétisées en laboratoire, on les appelle tholins.
La recherche se concentre assez autour de Jupiter dernièrement. En avril 2023, une sonde spatiale y a été lancée : Juice. Alors, je pense que c’est une bonne idée de poursuivre autour de cette planète. On aura accès à des mines d’information dans les prochaines années, grâce à Juice, notamment. Sinon, les autres satellites naturels de Jupiter m’intéressent, comme Europe ou Ganymède. Mais à vrai dire, toutes les atmosphères planétaires pourraient me captiver.
Quels conseils donnerais-tu aux élèves qui hésitent à se lancer dans des études scientifiques ?
Tout d’abord, je leur dirais que les disciplines comme les maths, la physique ou la chimie sont bel et bien accessibles grâce à du travail régulier. Il y a certes des questions de facilités, mais elles ne sont pas le fruit d’un don inné.
Je ne peux que conseiller également de faire des recherches sur les voies d’orientation parce qu’il n’y a généralement pas qu’un seul parcours qui mène à ce qu’on veut faire.
Je pense aussi que c’est important de se familiariser avec la science, qu’on veuille y travailler ou non, car il est question de réalités qui nous concernent. Pour ce faire, il y a des comptes spécialisés dans la vulgarisation scientifique sur les réseaux sociaux. De mon côté, je lis aussi des articles scientifiques et j’assiste à des séminaires.
Pour l’heure, Orlène espère valider son M2 pour poursuivre en doctorat ou s’orienter vers l’ingénierie environnementale. Elle s’octroie également quelques moments sur la lune, en s’adonnant à quelques hobbies : la modélisation 3D, les expositions et les visites de musées. Parfois, elle se promet aussi de sortir son violon de la poussière. Jusque-là, ce sont surtout les poussières d’étoiles qui occupent son temps.