Avec la présence d’Agnès Buzyn, ministre de la Santé, et de Frédérique Vidal, ministre de l’Enseignement Supérieur et de l’Innovation, le CNA a été créé pour répondre à la problématique du mal-être des étudiants en section médicale. Cette structure fait partie des 15 engagements de la loi Santé, qui vient d'être définitivement adoptée avec l'accord du Sénat ce mardi 16 juillet.
Depuis des années, les associations étudiantes et les services sociaux ont lancé des appels pour dénoncer la santé dégradante et l’environnement des étudiants en santé. Au printemps 2018, un rapport, mené par le Dr Donata Marra, est remis au gouvernement, concernant cette problématique. La conclusion a été sans appel : il existe une réelle souffrance chez les étudiants.
Un constat alarmant
Des chiffres inquiétants ont été rappelés par William Chastel, président de la Fédération Française des Etudiants Orthoptiste (FFEO) et membre du comité de direction du CNA, lors de cette cérémonie de lancement :
- 23,7% d’entre eux annoncent avoir déjà eu des pensées suicidaires
- 27,7% étudiants sont dans un état de santé dépressif, soit 3 fois plus que la moyenne nationale
- 7 étudiants sur 10 en maïeutique présentent des troubles dépressifs
Ces données, recueillies par d’ISNI (InterSyndicale Nationale des Internes) et l’Association nationale des étudiants sages-femmes sur la santé des étudiants, ont été mises en avant dans le rapport et alertent sur l’importance d’agir sur le mal-être des étudiants en santé. La rude compétition que connait les étudiants, à cause du numerus clausus, se conclut par un isolement profond et une obligation de réussite. « Cette sélection par l’échec » soumet l’étudiant à un état d’esprit proche du burn-out voire du suicide.
Ce mal-être ne s’arrête pas à l’université. Il se poursuit dès l’entrée dans le monde hospitalier. Julie Kerbart, présidente de l'association nationale des étudiants sage-femme et également membre du comité du CNA, a rappelé les nombreux abus que les internes vivent durant leur stage. Face à « une culture du silence » qui s’est imposée petit à petit, elle appelle à le remplacer par « une culture du bien-être ».
Grâce à la mobilisation des étudiants et des acteurs de la santé, le projet de loi Santé (ou loi à l’organisation et à la transformation du système de santé) porté par Agnès Buzyn comprend des réponses à ces problèmes. La loi comprend 15 engagements de natures différentes dont le CNA fait partie.
Le Centre National d’Appui (CNA) : une structure au plus proche des étudiants
La première réunion entre les différentes parties a eu lieu à la suite du lancement du centre.
Comment fonctionne-t-il ?
Lancé officiellement durant cette conférence de presse, le CNA est une structure tripartite de niveau national. Il est composé de :
- Un comité de direction : qui comprend les représentants des professionnels de la santé, d’enseignants et d’étudiants. Le CNA est fondé sur l’importance donnée au terrain, aux témoignages et à l’implication des étudiants.
- Un comité plénier : qui rassemble toutes les représentations étudiantes et enseignantes, des structures universitaires et du monde hospitalier ainsi que d’autres experts de santé.
- Un comité scientifique : de niveau international, il regroupe des experts de domaines différents comme la sociologie, l’éthique de l’enseignement…
Un rôle d'assistance et d’action
Le but premier est d’apporter une structure de soutien et qui doit être identifiable par tous. C’est un lieu de réflexion collective et un centre de ressources où l’étudiant est, encore une fois, au centre des attentions. Il répond, à la racine, à la problématique du mal-être, qui se poursuit dans la suite de leurs études ainsi que dans leur carrière professionnelle.
Le CNA s’appuie sur 4 grandes missions :
- Prévention : afin de mettre en lumière les problématiques, les problèmes doivent être connus de tous.
- Formation : pour répondre à ce mal-être, le CNA préconise des formations auprès des formateurs sur leur comportement, les bonnes pratiques à appliquer ainsi que la détection de symptômes. Ils ont eux-mêmes baigné dans cet environnement de mal-être et ne connaissent pas forcément d’autres alternatives. Une pédagogie de l’apprentissage doit être mise en place, car les internes font face à des situations qu’ils n’apprennent pas l’université comme l’erreur, la mort ou le besoin d’empathie face à autrui.
- Accompagnement : dans une démarche d’entraide, le CNA veut faire le lien entre les étudiants et les professeurs ainsi que les professionnels pour mener à bien les actions.
- Évaluation : les étudiants contribuent à ces changements par l’évaluation systématique sur leur ressenti afin d’apporter des pistes d’amélioration ou de détecter les actions efficaces.
Le Centre national d’appui est la quatrième initiative réalisée dans le cadre de ces 15 engagements et de la loi Santé.
[Dossier de presse] Lancement du Centre national d'appui à la qualité de vie des étudiants en santéRetrouvez notamment l'état d'avancement des engagements pris au printemps 2018 pour favoriser la qualité de vie des étudiants en santé ???? https://t.co/OpEug1k4XJpic.twitter.com/ar9ARN9Bkn
— Sup-Recherche-Innov (@sup_recherche) 15 juillet 2019
La loi Santé : un renouvellement du système de santé français qui commence par les études en santé
Ce projet de loi fait suite aux annonces faites par Emmanuel Macron en septembre 2018 sur son « plan santé 2020 » et dont la loi reprend quelques principes. Elle marque un changement radical du système de santé que l’on connaît actuellement en commençant par une refondation des études qui mènent aux professions médicales. Les deux premiers articles les concernent directement.
La fin de la « sélection par l'échec »
Le premier article a d’emblée un impact significatif avec la fin de la PACES, une annonce qui date de septembre 2018. Le très décrié numerus claususest donc supprimé dès la rentrée 2020, remplacé par un numerus apertusi, c’est-à-dire que c’est l’université qui va fixer le nombre de places pour la deuxième année en fonction des besoins du territoire. Jusqu’à présent, 80% des étudiants étaient éliminés dès la première année.
Ce nouveau processus d’admission a pour but de proposer une orientation progressive et une diversification des profils. Ce point justifie également la fin des concours en IFSI et son inscription directe sur Parcoursup®. Ce changement a d’ailleurs engendré une nouvelle polémique dès la première phase des résultats. Agnès Buzyn souligne que cette mesure permet « un respect des vocations » et répond à « une meilleure justice sociale ».
Des critères qualitatifs plutôt que quantitatifs
Le deuxième article concerne également une évolution majeure avec la fin des ECN (épreuves classantes nationales), dès 2020. Cette réforme vise à modifier les critères d’entrée en 3ème cycle pour se rapprocher des envies de l’étudiant et de son projet professionnel.
Dans le même sens, les critères d’entrée en 2ème cycle sont aussi modifiés pour favoriser les compétences acquises en milieu professionnel et dans d’autres activités en plus des résultats finaux. Un des points des engagements est l’encouragement aux activités culturelles et sportives, souvent dévalorisées et jugées « inutiles » dans leur cursus.
Ces deux mesures veulent mettre les compétences au cœur des critères de sélection et mettre fin à une logique de « compétition et de bachotage ».
C’est, donc, une véritable transformation qui attend les étudiants actuels et futurs de la filière santé concernant leur environnement quotidien. L’objectif est bien la ré-humanisation d’un domaine basé sur la compétition intensive et la nécessité de réussir. Comme l'a rappelé Agnès Buzyn, cette question nous touche tous, car la santé des étudiants et des soignants est directement liée à celle de ses futurs patients et du système de santé en général.
Alors que rien ne le prédestinait dans une carrière médicale, Jean-Louis Etienne (médecin, explorateur et écrivain) s’est retrouvé par hasard vers cette voie, qu’il n’aurait jamais empruntée dans la situation actuelle. Ainsi, le CNA semble être un pas en avant pour faire bouger les choses et redonner envie aux étudiants de poursuivre leur rêve qui, pour beaucoup, a été brisé en cours de route.
#Santé : suppression du numerus clausus, création d'#hôpitaux de proximité, dossier médical sur internet... le projet de #LoiSanté a été présenté par @agnesbuzyn et @VidalFrederique. #MaSanté2022 ???? pic.twitter.com/Qa8kiXuM0N
— Gouvernement (@gouvernementFR) 14 février 2019