Coup de tonnerre dans les facultés de médecine, le président de la République vient d’annoncer la suppression du numerus clausus dès la rentrée 2020. Ce nombre de places limité attribué chaque année dans les différentes universités de médecine entraîne une sélection ardue des étudiants qui tentent leur chance en PACES. Le concours actuellement en place serait remplacé par des partiels classiques, comme dans tous les autres cursus et le numerus clausus par un « numerus apertus », soit un nombre minimal de places pour les étudiants médecins dans toute la France qui dépendraient des besoins de la profession.
Un système injuste
Cette annonce n’a pourtant rien de surprenant, car Emmanuel Macron, lors de sa campagne n’avait jamais caché son souhait de mettre fin au numerus clausus mis en place en 1971 et avait plusieurs fois déclaré trouver ce système profondément « injuste ». Le président de la République et la ministre de la Santé ont déclaré vouloir en finir avec « le gâchis humain » que représente cette première année. Cette réforme veut également endiguer la fuite des étudiants pour les universités belges, espagnoles ou encore roumaines pour passer cette fameuse PACES, avant de revenir en France pour poursuivre leur cursus. Ce système a vu l’explosion du recours aux prépas privées, assez onéreuses et loin d’être à la portée de toutes les bourses. Le gouvernement doit aussi faire face à la multiplication des déserts médicaux en France dont la réforme des études de médecine pourrait être un début de réponse. Cette fin du numerus clausus est réclamée depuis de nombreuses années par les médecins eux-mêmes et le corps enseignant qui regrettent que cette sélection se fasse sur des capacités de bachotage et d’apprentissage par cœur, au point d’en oublier les capacités humaines et le raisonnement.
Suppression du numerus clausus en 2020 : la fin d’une « boucherie pédagogique » #PlanSanté pic.twitter.com/2HUfhCQTxE
— Ina.fr (@Inafr_officiel) 18 septembre 2018
Les chiffres sont impressionnants, 80 % des élèves redoublent leur première année, sans avoir la garantie de réussir l’année suivante à passer le cap de la PACES. Les universités ont fait le constat qu’un trop grand nombre d’élèves, après deux ans de sacrifices, se retrouvaient sans diplôme et sans possibilité d’équivalence, même si certaines facultés, notamment de biologie acceptent les déçus de la PACES sous réserve d’avoir un bon dossier. Cinq d’entre elles ont décidé d’arrêter les frais et de mettre fin au redoublement. Les nouveaux étudiants des universités de Paris-Descartes, Paris-Diderot, Sorbonne-Université, Paris-Est Créteil et de Brest n’auront donc plus qu’une seule chance pour réussir pour le concours. Cette expérimentation est rendue possible grâce à une loi de 2013 qui permet aux universités de tester des alternatives à la PACES, qui si elles obtiennent des résultats concluants, seront ensuite généralisées à tout le pays. Cette expérimentation est pourtant loin de faire l’unanimité, car les étudiants considèrent qu’à la sortie du bac, il faut un certain temps avant d’être pleinement efficace pour intégrer toutes les connaissances de la première année des études de médecine. Un temps de rodage que les étudiants parisiens et brestois n’auront pas le luxe de s’accorder cette année.
Une nouvelle voie d’accès et une poursuite d’études facilitée
Les ministres de la Santé et de l’Enseignement supérieur viennent de faire publier les décrets qui organisent ces nouvelles études de santé. L’accès à la fac de médecine pourra se faire par deux voies différentes. Il y aura toujours une première année, comme la PACES, mais qui prend le nom de PASS, ouverte aux étudiants qui viennent d’obtenir le bac, à la seule différence que le numerus clausus et la compétition féroce que ce dernier engendrait, disparaîtront (normalement). Les futurs médecins devront également se plier à des épreuves finales un peu plus diversifiées, prenant en compte leurs capacités orales et rédactionnelles, qui ne miseront donc plus uniquement sur la capacité de bachotage voulue par les QCM.
Fidèle à la volonté des ministres de diversifier les profils des étudiants qui entrent en fac de médecine, l’État vient d’annoncer la création d’une licence avec une option accès santé, qui s’appellera LAS. Les étudiants choisiront une discipline majeure telle que droit, SVT, économie etc. et une mineure santé qui leur permettra de passer le concours pour être admis en 2e année d’études de médecine. S’ils échouent, ils auront la possibilité de repasser le concours une seconde fois, après avoir suivi une 2e ou une 3e année de licence, dans la continuité du parcours qu’ils auront débuté. Sinon, ils pourront toujours faire appel à Parcoursup® pour se réorienter dès la fin de la 1re année de licence.
#Étudesdesanté : Qu’est-ce qui change ? Une réforme visant à développer de nouvelles voies d’accès, à décloisonner les études de santé, et à accueillir un nombre accru d’étudiants. En savoir : signe_d’addition_trait_plein::index_vers_la_droite : https://t.co/5kMh7apjS5 À retenir : index_vers_le_bas : pic.twitter.com/TdQqNHeuW5
— Sup-Recherche-Innov (@sup_recherche) November 5, 2019
Même si le redoublement ne sera plus possible, les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Santé vont créer une passerelle entre la première année de médecine et la poursuite d’études. L’étudiant qui échouait au bout de deux ans de PACES devait jusqu’à maintenant recommencer une formation depuis le début, comme s’il sortait du bac. Désormais, s’il a réussi ses partiels, mais n’a pas pu décrocher de place pour poursuivre en médecine, il pourra rejoindre la licence de son choix directement en deuxième année. Une solution pour les étudiants qui étaient jusqu’ici enfermés dans les études de santé. Reste à savoir si les universités auront suffisamment de moyens pour mettre en place cette réforme et si les mentalités des étudiants, des professeurs, mais aussi des professionnels de santé qui interviennent dans la formation lors des stages évolueront dans le même sens que la réforme.
Les associations étudiantes dubitatives
Durant le mois de novembre 2019, plusieurs acteurs du secteur de la santé ont déclaré leur opposition à la réforme, ou du moins critiqué son manque d’ambition. En effet, si une réforme radicale des études de santé est attendue depuis des années, plusieurs voix se sont élevées pour pointer du doigt certaines insuffisances.
Plusieurs associations étudiantes, notamment l’Anemf (Association Nationale des Étudiants en Médecine de France), l’Anepf (Association Nationale des Étudiants en Pharmacie de France) et la FNEK (Fédération Nationale des Étudiants en Kinésithérapie) ont manifesté leur « désillusion » face à un « texte trop flou » et dénoncé « l’absence de moyens financiers suffisants de la part de l’État ».
Même son de cloche du côté des Doyens des Facultés de Médecine qui considèrent que les 16 millions d’euros débloqués pour la première année de la réforme sont insuffisants. La CDFM (Conférence des Doyens des Facultés de Médecine) a ainsi dressé une liste de 13 mesures à prendre dans le secteur de la santé à l’attention du gouvernement et assuré qu’elle « appellerait a communauté hospitalo-universitaire à agir » si elles venaient à être ignorées...
La PACES jusque dans les salles de cinéma
Hasard du calendrier (ou pas), Thomas Lilti avait choisi la rentrée 2018 pour sortir son film sur la PACES intitulé « Première Année », où l’on retrouve Vincent Lacoste, et son acolyte William Lebghil. Le réalisateur se penche sur deux étudiants qui découvrent l’enfer de la première année des études de médecine et qui, n’étant pas brillants au lycée, se battent toute l’année pour décrocher leur place et devenir médecins. Une plongée dans les études de médecine et ce qu’elle fait subir aux étudiants, devenus des robots qui doivent ingurgiter le plus de connaissances possible pendant quelques mois. Thomas Lilti, lui-même médecin a également réalisé les films Hippocrate (où Vincent Lacoste jouait déjà un jeune médecin) et Médecin de Campagne, dans lequel François Cluzet incarnait un praticien malade. Le film Première Année, que la rédaction a vu et approuvé, permet de se plonger dans l’ambiance particulière et un peu lunaire de la PACES, qui vit ses dernières heures. C’est en tout cas le souhait du gouvernement avec l’annonce de la suppression du concours lié au numerus clausus et l’officialisation de la fin du calvaire des étudiants qui veulent devenir médecin.