À 22 ans, Tiphanie Plichet a choisi de consacrer huit mois de sa vie à aider d’autres jeunes à mieux comprendre et gérer leur santé mentale, leur bien-être et leurs addictions. Elle a travaillé auprès de collégiens et lycéens sur la santé mentale, le bien-être, la vie affective et la prévention des addictions, aidant ses pairs à mieux comprendre ces sujets et à adopter des comportements responsables.
Cette mission lui a permis de prendre confiance en elle, de développer ses compétences et de voir l’impact concret de son engagement. Unis-Cité, l’association à l’origine du service civique, mobilise chaque année des milliers de jeunes de 16 à 25 ans sur des missions d’intérêt général. Parmi eux, environ 450 se consacrent à la santé mentale, formés et accompagnés pour sensibiliser leurs pairs, prévenir l’isolement et soutenir ceux qui en ont besoin.
Aujourd’hui ambassadrice de l’association, Tiphanie revient sur sa mission auprès des collégiens et lycéens, ses moments marquants et ce que cet engagement lui a apporté.
Pourquoi avoir choisi le service civique ?
Je cherchais quelque chose d’enrichissant, qui puisse être dans la continuité de mon projet professionnel et qui m'apprend plein de choses. Des amis qui avaient fait un service civique chez Unis-Cité m’en ont parlé, j’ai découvert l’association, j’ai postulé et j’ai fait mon service civique.
En mars 2024, je me suis inscrite sur la plateforme Mon Master pour intégrer un master en psychologie à l’université de Rouen, dans la continuité de ma licence, mais je n’ai essuyé que des refus. J’ai donc choisi de me diriger vers cette mission à la rentrée.
Qu’est-ce qui t’a amenée vers le domaine de la psychologie ?
J’ai toujours été très anxieuse depuis petite. J’ai cherché à m’informer sur la santé mentale, dans les livres et sur Internet. C’est comme ça que j’ai découvert les études de psychologie. Je me suis orientée vers cette voie pour apprendre davantage, parce que la santé mentale est essentielle, surtout pour notre génération.
Pourquoi avoir choisi de travailler avec les collégiens et les lycéens ?
Le collège et le lycée, ce sont des périodes où l’on se construit. C’est pendant ces années-là que la personnalité se forme, que la maturité se développe, souvent brutalement, avec la puberté. C’est une période où il peut y avoir beaucoup de vulnérabilité. C’est donc essentiel de sensibiliser les collégiens et les lycéens à la santé mentale, à l’estime de soi et au bien-être, pour qu’ils sachent prendre soin d’eux, physiquement et mentalement, et s’épanouir du mieux possible. Il y a un vrai manque de sensibilisation à ces sujets.
Peux-tu me raconter une journée type au sein de ton service civique ?
Nos journées étaient très variées. Généralement, on était mis en lien avec un établissement scolaire. On faisait un premier rendez-vous pour cerner leurs besoins et les thématiques souhaitées. Ensuite, avec mes collègues, on préparait l’intervention.
Avant le début de la mission, on a un mois de formation sur tous les sujets abordés. On préparait nos interventions en créant des activités, des jeux, des animations pour rendre le tout vivant et participatif.
Sur le terrain, on se présentait, on parlait de nos parcours, de l’association, puis on ouvrait un temps d’échange avec les jeunes. On avait une trame de base, mais elle changeait souvent selon leurs questions. C’était un vrai moment d’échange.
Quel a été le moment le plus marquant pour toi ?
Une intervention sur les violences sexistes et sexuelles, avec des lycéens. On a abordé la question du consentement : si ton ou ta partenaire change d’avis pendant un rapport, que fais-tu ?
Certains ont répondu qu’ils continueraient, parce qu’ils en avaient envie. Ce sont des propos alarmants. Il a fallu prendre beaucoup de recul, essayer de comprendre pourquoi ils pensaient comme ça et les amener à réfléchir à la gravité de ce genre d’actes, à l’impact d’une agression sexuelle ou d’un viol, physiquement et psychologiquement.
Un autre moment qui m’a marquée, c’était une intervention sur le harcèlement avec des élèves de troisième. À la fin, une élève est venue nous voir pour nous dire qu’elle se faisait harceler dans sa classe. Ses camarades et même ses professeurs étaient au courant, mais personne ne faisait rien.
On a pris le temps de l’écouter, de valider ses sentiments, de lui montrer de l’empathie. Mais on ne pouvait pas l’aider directement : nous ne sommes pas des professionnels de santé. On est là en tant que jeunes, dans une démarche de pair à pair.
On l’a donc redirigée vers des professionnels, des numéros verts, des sites où elle pouvait parler à des psychologues gratuitement et on lui a conseillé d’en parler à ses parents.
« Les jeunes se confient plus facilement à nous, parce qu’on est dans la même tranche d’âge. On sert de passerelle entre les jeunes, les professeurs et les parents »
À cet âge-là, les parents ne sont généralement pas les premiers interlocuteurs vers qui l’on se tourne…
Tout à fait. C’est la raison pour laquelle on prône l’approche du pair à pair. Les jeunes se confient plus facilement à nous, parce qu’on est dans la même tranche d’âge. On sert de passerelle entre les jeunes, les professeurs et les parents. Notre rôle, c’est de poser un cadre bienveillant et respectueux, de libérer la parole, pour qu’ils puissent s’exprimer.
En quoi le service civique complète-t-il le travail des professionnels de santé ?
On apporte quelque chose de complémentaire, sans remplacer les professionnels. : une posture de jeunes, d’égaux, avec des animations et des jeux qui ouvrent la discussion. Ça sort du cadre scolaire, ce qui aide beaucoup. Dès le début, on précise qu’on est des volontaires en service civique. On est légitimes pour discuter, mais on n’est pas là pour donner des leçons.
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Quels signes de mal-être as-tu observé le plus souvent ?
Beaucoup de comportements non verbaux : les jambes qui tremblent, les mains qui s’agitent, les cheveux qu’on triture. Et puis des jeunes qui nous disaient qu’ils stressaient pour un contrôle, un examen, une discussion avec leurs parents ou professeurs ou même pour un jeu vidéo. On observe beaucoup d’anxiété, souvent sans qu’ils sachent mettre un mot dessus. Le fait de leur expliquer ce que c’est les aide à comprendre et à chercher des solutions.
Qu’est-ce qui aide, selon toi, à libérer la parole ?
Le cadre bienveillant, et le fait de ne pas obliger la personne à en parler de vive voix. Par exemple, on leur demandait de faire un brainstorming sur ce que représente la santé mentale, avec des mots ou des dessins. Le fait de ne pas parler à voix haute tout de suite aide beaucoup : leurs feuilles se remplissent.
« On entend souvent dire que la santé mentale, c’est seulement de la dépression et de l’anxiété. Mais c’est aussi le fait d’être heureux, de prendre soin de soi, d’être inquiet ou triste »
Y a-t-il des idées reçues sur la santé mentale que tu aimerais corriger ?
Oui, celle qui dit que la santé mentale, c’est seulement la dépression ou l’anxiété. C’est beaucoup plus que ça : c’est aussi le fait d’être heureux, inquiet, triste ; de prendre soin de soi, bien dormir, bien manger, avoir une bonne hygiène de vie. La santé mentale est présente dans tous les aspects de la vie.
As-tu constaté un impact du pair à pair sur le bien-être des élèves ?
Oui, clairement. Les jeunes se livraient, parlaient de leurs inquiétudes. On voyait une vraie réflexion naître. Certains professeurs nous rappelaient ensuite pour qu’on revienne, parce que ça avait beaucoup plu et que les élèves se posaient encore des questions. D’autres nous remerciaient car leurs élèves s’ouvraient davantage à eux.
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Le contexte scolaire influence-t-il la santé mentale ?
Oui. Les examens et les contrôles créent beaucoup d’anxiété. Les jeunes ont tendance à penser que s’ils échouent, ils sont nuls, qu’ils ne réussiront jamais leur vie. Ce sont des pensées négatives qui conduisent à détester l’école.
Je l’ai vécu moi-même : à la fac, j’adorais mes matières, je connaissais mes cours, mais avant un examen, je faisais une crise d’angoisse, je perdais mes moyens, et je finissais avec un 4 sur 20. On perd confiance, on se dévalorise : “j’ai raté avant, donc je raterai encore”. C’est un cercle vicieux.
Quelles compétences ou qualités as-tu développées ?
La bienveillance, le respect des différences, l’écoute et le partage. On apprend aussi à exprimer ses émotions quand c’est nécessaire. C’est un environnement qui m’a beaucoup aidée.
Quels changements aimerais-tu voir dans les établissements scolaires dans les années à venir ?
Je plaide pour qu’il y ait plus de sensibilisation à la santé mentale dans les établissements scolaires. Cela peut prendre la forme d’un atelier ou d’un cours, pour que ce soit intégré au quotidien des élèves. Il faut aussi plus de moyens pour soutenir les initiatives comme le service civique, qui est un constitue un véritable levier d’apprentissage pour les étudiants.
Personnellement, j’ai appris beaucoup sur moi et sur le monde. Cette expérience a renforcé mon envie de travailler dans le domaine de la psychologie et de l’action sociale.
En tant qu’ambassadrice, quel conseil donnerais-tu à un jeune qui hésite à s’engager ?
Qu’il ne faut pas hésiter. Il ne gagnera que des choses positives : des rencontres, des amis, de la confiance en soi, une expérience unique. Il va apprendre sur le terrain, découvrir énormément de choses. C’est de la richesse, du plaisir, et on se sent utile.