Notes, appréciations : Parcoursup pousse-t-il les profs à revoir leurs copies ?

Au lycée, l’année de terminale est jalonnée par deux grandes étapes incontournables : le bac et la procédure Parcoursup. Tandis que chaque note compte et que le stress monte, les notes et les appréciations fournies reflètent-elles vraiment le niveau des lycéens ?
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L’année de terminale, c’est un peu le sprint d’un marathon lancé dès la rentrée. Si chaque note a son importance, chaque évaluation constitue une épée de Damoclès qui plane au-dessus de la tête des élèves. Ce qui n’était qu’un simple contrôle de connaissances en seconde devient une pièce maîtresse du puzzle Parcoursup. 

Cette dernière année au lycée marque ainsi un tournant : celui où les choix d’orientation s’affinent et où les bulletins scolaires jouent un rôle essentiel. Entre les différentes étapes clés de la procédure Parcoursup et la préparation du baccalauréat, les élèves doivent jongler entre révisions, lettres de motivation et pression. 

Certains d’entre eux peuvent être tentés de solliciter leurs enseignants pour enjoliver leurs notes, dans l’espoir d’optimiser leur dossier de candidature et d’assurer leur admission dans l’enseignement supérieur. S’agit-il d’exceptions ou d’un phénomène plus large ? 

« Les notes et les appréciations, ça met une grosse pression »

Dans la jungle que représente Parcoursup, ce sont surtout les bulletins de première et de terminale qui pèsent dans la balance. Lucie*, 17 ans, en terminale générale spécialité SES et HGGSP dans un lycée de campagne en Lorraine, en sait quelque chose. Pour elle, chaque évaluation compte. ​​« Le fait que tes notes, tes bulletins, tes appréciations, tes absences depuis la première soient pris en compte, ça met une grosse pression puisque tu te dis qu’il faut absolument que tu gères partout », confie la lycéenne. Si elle s’estime plutôt bonne élève et tourne autour de 16 à 17 de moyenne, certaines données comme le rang du lycéen dans la classe sur la plateforme peuvent avoir un effet démotivant. 

​​« Parcoursup, c’est très crispant et ça stress tout le monde » juge de son côté Johan, 17 ans, en terminale générale dans un lycée de montagne à Font-Romeu (Pyrénées-Orientales). Il ne cache pas son scepticisme face à la plateforme. ​​« J’en ai déjà parlé avec mes professeurs, et eux, comme moi, trouvent que Parcoursup est une invention complètement absurde qui génère plus de stress que de clarté », assène-t-il. 

Le jeune homme estime que la procédure ne l’aide pas à s’orienter comme il le voudrait. ​​« Je suis un élève plutôt moyen, avec 12 de moyenne. Beaucoup de portes se ferment pour moi car certaines facs sont très sélectives », explique-t-il. Il cite l’exemple de la faculté de sciences politiques de Montpellier : « 6 000 candidatures pour 70 places, je n’ai aucune chance ». Johan a tenté de contacter l’établissement qui lui a rétorqué ​​« qu’ils ne regardaient que les notes ». Une réponse qui est tombée comme un couperet pour lui. 

« Je me suis déjà dit : si j’avais eu ce prof-là ou ce lycée-là, j’aurais eu une meilleure note », Lucie, 17 ans, en terminale générale spécialités HGGSP-SES 

À cette pression s’ajoute parfois un sentiment d’injustice. « Vu que les notes comptent dans notre dossier, le fait que certains trichent pour chaque contrôle ou devoir en utilisant ChatGPT, c’est encore pire », regrette Lucie, qui a aussi l’impression que certains sont mieux notés selon leur établissement ou leur prof. « Clairement, je me suis déjà dit : si j’avais eu ce prof-là ou ce lycée-là, j’aurais eu une meilleure note », déplore-t-elle. En anglais par exemple, la jeune fille raconte avoir eu des notes moyennes à cause d’une enseignante souvent absente et aux évaluations déconnectées des cours. « Je suis pénalisée, alors qu’en première, dans ma spé LLCER que j’ai abandonnée cette année, j’avais 18/20 »

Parcoursup : l’évaluation au prisme de l’orientation ? 

Le ressenti des élèves vis-à-vis des notes et de la procédure Parcoursup trouve parfois un écho chez certains enseignants. « Le système de notation a été influencé par la mise en place de Parcoursup », confirme une enseignante d’HGGSP dans un lycée parisien. « Les élèves et leurs parents surveillent de près leurs notes et les contestent éventuellement », ajoute-t-elle.

Lorsque l’on demande aux élèves concernés s’ils ont déjà essayé de gonfler leurs notes, ils affirment ne pas avoir vécu ce phénomène. « Les profs ne font pas ça. Je n’ai jamais entendu parler de cela. Ni pour moi-même ni pour les autres », assure Johan.« Je n’ai jamais vu quelqu’un faire ça dans mon lycée et quand bien même, je ne pense pas que les profs auraient été d’accord », concède Lucie. 

« Dans ma classe, les élèves négocient toujours leurs notes, mais je ne le fais pas »

Pourtant, la tentation peut être palpable, tant du côté des enseignants que de celui de leurs élèves. « Certains enseignants, dont je fais partie, sont inconsciemment tentés de noter un peu plus souplement pour ne pas pénaliser les élèves », confie une prof d’HGGSP, avant d’ajouter : « Dans ma classe, les élèves négocient toujours leurs notes, mais je ne le fais pas ».  

Pour Christine Guimonnet, enseignante d’histoire-géographie et professeure principale dans un lycée du Val-d’Oise, adapter les notes dépend des classes et des profils de ses apprenants. « Parcoursup, ça phagocyte l’esprit de nos élèves. On a l’impression qu’ils sont tellement stressés qu’ils ne sont plus disponibles pour apprendre », remarque-t-elle. 

« Comme on a tous les profils d’élèves, il y en a qui travaillent très bien dans toutes les disciplines, qui sont très sérieux et d’autres qui ont des fragilités », poursuit-elle. « Une fois un élève m’a dit : « Madame, mais pourquoi vous avez mis tel coefficient ? Là, j’ai l’impression que ma moyenne baisse, je suis dégoûté », Selon ce dernier, ce dernier peur pour ses candidatures dans le supérieur. 

Les parents d’élèves peuvent aussi influencer les enseignants lors des rencontres parents/profs, car ils craignent que leurs notes ne soient pas suffisamment bonnes pour leurs dossiers Parcoursup. « Je ne suis pas pour répondre en permanence aux sollicitations des parents, parce qu’on n’est pas un service. Selon les années, il peut y avoir des parents qui peuvent être très pénibles sur cela », avertit Christine Guimonnet.

« C’est normal que les parents soient inquiets. Je suis passée par là en tant que mère d’élève de terminale aussi », renchérit une enseignante de spécialité en région parisienne. « Nous sommes là pour leur expliquer notre notation, mais pas nous justifier et expliquer que nous essayons d’aider leurs enfants à trouver la voie qui leur convient le mieux ».

« L’objectif n’est pas d’enfoncer les élèves »

Pour les enseignants, les notes en première et en terminale qui comptent dans les dossiers Parcoursup doivent refléter l’investissement et les progrès des élèves. Pourtant, derrière une même moyenne, il existe des disparités significatives. « Quand vous avez deux élèves qui ont 8 de moyenne, l’un a des difficultés, mais fournit de gros efforts, l’autre a 8 parce qu’il ne travaille pas. Ce n’est pas la même chose », note Christine Guimonnet. « L’objectif est de ne pas enfoncer les élèves ni de les piéger, mais de rendre compte de leur réelle progression ou manque de travail ».

Sans surprise, un élève qui ne fournit pas un travail régulier, qui accumule les absences ou les stratégies d’évitement, verra ses notes refléter cette absence d’implication, avec des répercussions sur son dossier Parcoursup. « Les élèves qui ne travaillent pas, qui sont souvent absents, sont sanctionnés ». 

Cependant, le sujet des inégalités entre les élèves reste prégnant. Christine Guimonnet explique que les discussions entre collègues en salle des profs abordent fréquemment le parcours de chaque année. « Les véritables inégalités, ce sont celles du capital culturel », avance-t-elle, tout en soulignant l’impact d’un manque d’accès à la culture et à l’information sur les élèves. Certains jeunes ignorent même l’existence de certaines formations comme les classes préparatoires, « faute d’être exposés à ces possibilités dans leur entourage ».

Les différences entre les lycées peuvent accentuer cette injustice. Alors que certains établissements privilégiés offrent davantage d’heures de soutien scolaire, de cours préparatoires ou de ressources pour leurs élèves, d’autres n’ont pas les moyens de proposer le même niveau d’accompagnement. « On doit rester juste : évaluer le parcours de chaque élève en fonction de son point de départ et de son cheminement », insiste-t-elle.

Ces disparités entre les élèves de terminale rappellent que l’évaluation ne peut être « totalement uniforme », selon les enseignants, tant les contextes et les parcours ne sont pas les mêmes. Si tous les professeurs ne modifient pas leurs notations pour Parcoursup à la demande des élèves, beaucoup cherchent à les accompagner dans cette période charnière, en valorisant leurs efforts et en les guidant dans leurs choix d’orientation.

*Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée

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