Après une classe prépa économique et commerciale, Myriam Benadda a intégré Audencia, une école dans laquelle est aujourd’hui incubé son projet d’entreprise : Enyo Women’s Fightwear. Entre sa vie de salariée, d’entrepreneuse et de sportive de haut niveau, ses journées sont bien remplies. Elle a tout de même pris le temps de répondre aux questions de Diplomeo pour évoquer son quotidien et les combats qu’elle a menés, tant dans le MMA que dans l’entrepreneuriat.
Pourquoi avoir choisi de te former dans une école de commerce ?
Je ne savais pas trop quoi faire quand j’étais au lycée. Mes parents m’encourageaient à faire des études. Pour eux, c’était médecine, droit ou prépa. J’ai donc intégré une classe préparatoire ECS (ECG aujourd'hui), car j’aimais bien les mathématiques, mais aussi parce que c’était généraliste. La suite logique étant l’école de commerce, j’ai rejoint Audencia. Finalement, ce choix était plus celui de mes parents que le mien. Il est difficile de s’orienter quand on a 17 ou 18 ans et qu’on n’a jamais travaillé.
Tu n'as pas choisi de te former en école de commerce, mais as-tu tout de même apprécié ?
Avec du recul, l’expérience était chouette. J’ai pu rencontrer plein de monde, découvrir les associations et partir à l’étranger. Sur le plan professionnel, j’aurais gagné à être directement dans l’action, car j’aime tester et faire concrètement les choses. Mais si j’en suis là, c’est grâce aux rencontres que j’ai faites. Ma formation m’a aussi conféré une rigueur de réflexion qui m’est très utile au quotidien.
Tu es également combattante de MMA, depuis combien de temps pratiques-tu ?
Bientôt quatre ans, mais cela fait un an et demi que je combats. J’ai débuté en amateur, un circuit qui s’est beaucoup développé en France depuis la légalisation du MMA en 2020. Il est presque aussi exigeant que celui des professionnels. Aujourd’hui, je m’entraîne dur deux fois par jour avec une prépa physique le matin et le MMA l’après-midi. Ça rythme ma vie. Cette année, mon objectif est d’intégrer l’équipe de France, mais je souhaite avoir un beau parcours en amateur avant de devenir pro.
C’est une passion relativement récente. Comment est-elle née ?
Au lycée, j’étais attirée par la boxe, mais mes parents ne voulaient pas. J’ai enchaîné avec la prépa où j’ai dû arrêter le sport et ce n’est qu’en école de commerce que j’ai repris. Je me suis entraîné avec une amie qui pratiquait la lutte au sol. Quand je me suis inscrite dans son club, je ne voulais pas me retrouver dans un cours mixte où il y a majoritairement des hommes. Les seuls cours proposés uniquement aux femmes étaient en MMA. J’ai testé et j’ai adoré ! Aujourd’hui, je suis très heureuse d’avoir fait ce choix.
Il faut prouver qu’on a le niveau quand on est une fille, sinon certains hommes vont nous mettre de côté.
N’était-ce pas trop difficile de jongler entre études et sport ?
Ce double entraînement s’est mis en place après mes études. Quand j’étais à Audencia, je pratiquais le MMA uniquement trois fois par semaine. Aujourd’hui, je dois m’organiser avec mon travail pour caler mes entraînements. C’est très intense !
Tu as créé Enyo Women’s Fightwear. Comment décrire cette aventure entrepreneuriale ?
Ce projet émane d’une idée que j’ai eue durant mes études, mais je ne me suis lancée à 100% qu’après mon diplôme, il y a 2 ans. Enyo Women’s Fightwear est une marque de vêtements de sports de combat (kickboxing, MMA, boxe…) qui s’adapte à la morphologie féminine. Les produits qu’on retrouve sur le marché ne sont pas pensés pour les femmes. Nous sommes moins nombreuses, donc les marques ne prennent pas la peine de s’adapter. Pourtant, c’est une discipline exigeante, donc on ne peut pas se permettre d’avoir un short qui entrave notre pratique.
Dans la mythologie grecque, Enyo est une déesse des batailles. Elle est mariée à Arès, dieu de la guerre.
Avec Enyo, tu as créé plus qu’une startup, mais une véritable communauté. Était-ce une volonté de ta part ?
L’objectif originel n’était vraiment pas de créer une communauté. Au début, j’ai fait beaucoup de personal branding afin de montrer les dessous de l’entrepreneuriat. J’ai finalement passé mon compte Instagram perso en public, afin de raconter ma vie qui est partagée entre le MMA et mon entreprise. De nombreuses filles ont commencé à me suivre. Elles ont besoin d’un espace où elles se retrouvent avec d’autres personnes qui partagent le même état d’esprit.
Il y a beaucoup de parallèles entre le sport de haut niveau et l’entrepreneuriat.
Aujourd’hui, je développe Enyo en co-création avec un groupe de 60 utilisatrices qui testent mes produits en avant-première. Je réfléchis aussi à créer des événements autour de la marque pour rendre cette communauté physique. Mais ce n’est qu’au stade de projet.
Le MMA est un sport souvent perçu comme masculin. As-tu déjà rencontré des obstacles ou subi des préjugés ?
Généralement, je fais face à deux types de réflexion. Il y a toute une catégorie de personnes qui ne connaissent pas le milieu et chez qui il y a une forme d’admiration et de curiosité. J’aime m’apprêter, donc quand je leur dis que je fais du MMA, cela surprend ! Mais ce n’est pas malveillant.
En revanche, dans certaines salles, il faut prouver qu’on a le niveau quand on est une fille, sinon certains hommes vont nous mettre de côté. Ça me demande beaucoup plus d’efforts pour trouver un partenaire afin de ne pas rester seule parce que personne ne va me choisir.
Et dans l’entrepreneuriat ?
Je n’ai jamais eu de problème en tant que femme. Au contraire, cela m’a plus servi, car je mène un projet qui est dans l’ère du temps. Ça me permet d’obtenir des subventions puisqu’on a des garanties dédiées aux femmes. En revanche, c’est plus compliqué d’obtenir des prêts bancaires parce que je suis jeune.
As-tu appris des leçons dans le MMA qui te sont utiles dans ta vie d’entrepreneuse ?
Il y a beaucoup de parallèles entre le sport de haut niveau et l’entrepreneuriat. Je pense que ce qu’on retrouve le plus, c’est cette logique de tester plusieurs fois une idée, de rater et de finir par y arriver. Au MMA, on nous enseigne une technique et il est fréquent de ne pas réussir à l’exécuter dans l’immédiat et de devoir répéter jusqu’à ce qu’on puisse la placer en combat. C’est normal.
Avec Enyo, je me suis mis beaucoup de pression pour sortir le produit parfait. Je n’étais pas dans une démarche d’itération, comme dans le sport. Puis, j’ai réalisé que c’était normal de faire des erreurs et qu’il ne fallait pas attendre que tout soit parfait avant de le lancer.
Quelle est la suite pour Enyo ?
Pour l’heure, je ne peux pas vivre de ce projet. J’ai moins de temps, car, en parallèle, j’ai un autre travail dans la communication qui me permet de monter en compétence. Je souhaite continuer à itérer sur les produits, les designs et améliorer l’expérience client, pour pouvoir vivre pleinement de ma marque. D’ailleurs, je lance une nouvelle collection qui sort fin mars ou début avril.
Un conseil pour les femmes qui souhaitent se lancer dans le sport de combat ou l’entrepreneuriat ?
Ça fait peur à tout le monde de commencer. La première fois que je suis allée dans une salle de MMA, j’étais terrifiée. Il faut oser, même si on est effrayé. C’est ça faire preuve de courage. Si jamais tu n’es pas à l’aise, tu peux toujours tenter les cours dédiés aux femmes ou y aller avec une amie.
En ce qui concerne l’entrepreneuriat, je conseille de ne pas tout abandonner pour se lancer à fond. Il faut y aller de manière mesurée et itérer tout au long de sa vie entrepreneuriale. Le plus important, c’est de tenter.