Colère, incompréhension, découragement. Sur les réseaux sociaux, les réactions d’étudiants défilent depuis le début de la phase d’admission principale de Mon Master, le 2 juin dernier. Si certains accueillent cette étape stressante avec humour et dérision, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer un système de sélection injuste et opaque.
Miroir grossissant des réseaux sociaux, ou sentiment réel, partagé par l’ensemble des candidats ? S’il n’est évidemment pas possible d’avoir la réponse exacte à cette question, Diplomeo a tenté d’y voir plus clair en échangeant avec deux étudiantes concernées par la procédure. Témoignages.
« Loterie »
Tao peut respirer. L’étudiante en troisième année de licence de sciences politiques nous racontait déjà, il y a quelques mois, son stress de ne pas être sélectionnée en bac+4. En se connectant à Mon Master, lundi dernier, elle a eu la bonne surprise d’être acceptée directement dans le master qu’elle voulait, à Rennes. Elle était en attente pour trois de ses vœux et refusée pour sept autres choix.
« J’ai été sauvée sur ce coup-là », estime-t-elle. Autour d’elle, rares sont ceux qui ont connu le même dénouement. « La plupart de mes amis sont sur liste d’attente ou ils ont été pris dans des cursus qui ne les intéressent pas ou peu », explique-t-elle. Pourtant, certains d’entre eux ont de meilleurs dossiers qu’elle, très bonnes notes et expériences professionnelles à l’appui, mais se retrouvent à des centaines de places sur liste d’attente. Aussi, Tao a été refusée dans un de ses choix où le taux d’admission est de 70 %, alors que, dans celui où elle a été retenue, il est d’à peine 40 %.
« On ne comprend pas comment la sélection est faite. Ça donne un sentiment de loterie. C’est frustrant parce que c’est impossible de savoir quels indicateurs font la différence dans nos dossiers », déroule l’étudiante rennaise. Une situation préoccupante selon elle, car ce manque de transparence génère des inégalités entre étudiants, qui n’ont pas tous le même niveau d’accès aux informations.
« Ultra démotivant »
Pour les étudiants qui n’ont pas eu ce qu’ils voulaient ou qui sont encore sur liste d’attente, le stress monte. C’est le cas de Rozenn, étudiante en L3 de sociologie à Toulouse. Elle est sur liste d’attente pour deux masters de sa propre faculté.
« Je vois beaucoup d’étudiants autour de moi recalés alors qu’ils ont 15 ou 17 de moyenne. On voit bien que le problème, ce ne sont pas nos notes ou notre motivation », Rozenn, candidate Mon Master
« On est en fin d’année, pour nous c’est plus le moment de chercher un job d’été que de se relancer dans des dossiers de candidature interminables », explique l’étudiante. La perspective de devoir refaire des dossiers en quelques jours seulement, pour la phase d’admission complémentaire, la décourage et l’épuise.
« À côté de nos boulots étudiants, on a déjà pris le temps de faire toutes les démarches administratives, de préparer nos CV, lettres de motivation, de répondre à des questionnaires… c’était presque comme des partiels », retrace-t-elle. « Devoir refaire ce parcours-là, alors qu’on a pas été retenus ou sur liste d’attente, c’est ultra démotivant », regrette-t-elle, pointant un « parcours du combattant qui démoralise et casse les espoirs des étudiants ».
« Victimes de la sélection et du manque de moyens »
Sur Mon Master, les étudiants sont « victimes de la sélection et du manque de moyens des facs », dénonce Rozenn. « Je vois beaucoup d’étudiants autour de moi recalés alors qu’ils ont 15 ou 17 de moyenne. On voit bien que le problème, ce ne sont pas nos notes ou notre motivation. Le problème c’est qu’il n’y a pas de places et que les moyens alloués à l’université dégringolent chaque année ».
L’étudiante est prête à tout pour entrer en master l’an prochain. Si elle doit postuler de nouveau en phase complémentaire, elle n’hésitera pas à aller contacter les profs, responsables de formations ou l’administration sur les réseaux pour soumettre sa candidature en direct. « Sur les réseaux sociaux, les anciens de Mon Master partagent leurs tips pour faire du forcing. Certains disent même qu’ils ont été à la fac à la rentrée, ont suivi les cours et passé les exams, jusqu’à se faire inscrire dans leur formation », illustre-t-elle.
Mais, pour la Toulousaine, le plus efficace reste, selon elle, de s’organiser et de se mobiliser ensemble. « Si 50 étudiants font un dossier commun pour réclamer leur droit à étudier, on peut réussir à ouvrir de nouvelles places en master », assure-t-elle. C’est en tout cas ce qu’il s’était passé dans sa fac, au Mirail, à la rentrée universitaire de 2024.