Mathématiques au lycée : la grande équation

Tandis que le niveau des élèves tend à baisser au fil des années, le ministre de l’Éducation nationale souhaite remettre les mathématiques au cœur des programmes communs des lycéens. L’APMEP, association des professeurs de mathématiques dans l’enseignement public, dresse un bilan mitigé.
Mis à jour le / Publié en mai 2022
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© pexels.com

Les mathématiques au lycée ont la vie dure depuis quelques années. Avec la réforme du baccalauréat, initiée par le ministère de l’Éducation nationale en 2019, les mathématiques sont devenues un enseignement de spécialité et ne sont plus obligatoires pour les lycéens.

Les aficionados de la discipline peuvent toutefois opter pour la spécialité mathématiques en classe de 1re, puis en classe de terminale, avec les options « mathématiques complémentaires » et « mathématiques expertes », notamment quand les élèves souhaitent se diriger vers des études scientifiques post-bac dans l’enseignement supérieur.

Si les mathématiques restent la spécialité la plus plébiscitée par les élèves — plus de 142.000 d’entre eux l’ont choisi cette année, devant les SES et l’HGGSP — le constat au bout de trois ans de réforme est sans appel : nombreux sont les lycéens qui s’en sont détournés et plus particulièrement les jeunes filles. Avant la réforme du lycée et du bac, en terminale scientifique, 62 % des garçons et 49,7 % des filles étudiaient les mathématiques, selon Libération. Aujourd’hui, c’est en chute libre : 43 % des garçons et à peine 24 % des filles ont encore des mathématiques dans leur programme.

Retour des mathématiques dans le tronc commun : à quel prix ?

Beaucoup de bruit, mais pas pour rien. Face à ce bilan qui a suscité de vives polémiques dans la communauté éducative, mais aussi chez les politiques, le président de la République, Emmanuel Macron, s’est engagé à vouloir remettre les mathématiques dans le tronc commun au lycée, lorsqu’il s’est déclaré candidat pour un second mandat à l’Élysée.

La mesure est désormais actée. Le ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer, a annoncé le 11 mai dernier, le retour de la matière dans le tronc commun, dès la rentrée 2022. En première, « vous avez deux heures d’enseignement scientifique dans le tronc commun, et on y rajoutera très probablement une heure et demie », a-t-il affirmé au micro de RTL. « On a tout fait pour que le système s’organise pour la rentrée prochaine, pour 3 h 30 de sciences et de mathématiques dans le tronc commun pour ceux qui ne font pas un enseignement scientifique de spécialité », poursuit-il.  

🎙️ @jmblanquer : « Nous allons mettre plus de mathématiques dans le tronc commun. 3 h 30 de sciences et mathématiques pour ceux qui ne font pas un enseignement scientifique de spécialité » #RTLMatinpic.twitter.com/nHt5HJFQ0N

— RTL France (@RTLFrance) May 11, 2022

Une décision qui survient un peu trop tard selon le président de l’Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public (APMEP), Sébastien Planchenault, alors que les syndicats et les spécialistes s’échinaient sur le sujet, avant même le lancement de la réforme. « Il a fallu attendre 3 générations sacrifiées pour pouvoir enfin entendre raison juste par les effets politiques et remettre les mathématiques à destination de tous », déclare-t-il.  

Mais selon le président de l’APMEP, le retour des mathématiques dans le tronc commun ne répondra pas à toutes les problématiques qui subsistent autour de la discipline. En effet, le ministre de l’Éducation nationale a rédigé une saisine pour le Conseil Supérieur des programmes (CSP) où il dresse plusieurs objectifs : avoir une culture mathématique suffisante pour le citoyen, réconcilier les élèves avec la matière et permettre à ces derniers de prendre l’option « mathématiques complémentaires » en terminale.

« Ceux qui ne choisissent pas les maths ont connu une difficulté ou une aversion pour les maths, donc comment faire pour leur redonner goût ? », s’interroge Sébastien Planchenault. Puis, « le programme des maths complémentaires est complètement adossé à celui de la spécialité de 1re et il est très exigeant, à raison de 4 h par semaine, car il permet aux élèves de se diriger vers des études supérieures scientifiques comme l’ingénierie », ajoute-t-il. « C’est donc un dilemme et je ne vois pas comment on pourrait répondre à ces objectifs ».

Le niveau des élèves en mathématiques chute, dès l’école maternelle

Depuis plusieurs années, les études se succèdent et se rassemblent : les jeunes sont moins bons en maths. En 2019, l’enquête internationale TIMSS classe l’Hexagone dernier des pays de l’Union européenne en maths. Les élèves de 4ème d’aujourd’hui auraient le même niveau que ceux de 5ème en 1995. Sébastien Planchenault indique qu’en réalité, « c’est difficile d’avoir un suivi, car on abaisse le niveau et les exigences ». D’un point de vue international, « si on regarde la valeur des évaluations PISA et TIMSS, effectivement le niveau des maths a baissé », admet-il. Les conséquences de ces enquêtes s’expliquent par une diminution forte et importante de l’excellence mathématiques en France dans le domaine de la recherche, de l’ingénierie et des technologies. « Ce sont des domaines qui sont nécessaires pour le rayonnement d’un pays ».

« Au fur et à mesure des années vous construisez un mur et si vous avez une année bancale, les constructions ne vont pas être stables et le mur risque de s’effondrer » Sébastien Planchenault, président de l’APMEP

Par ailleurs, pour le président de l’APMEP, les maths reflètent un enseignement cumulatif. « Au fur et à mesure des années, vous construisez un mur et si vous avez une année bancale, les constructions ne vont pas être stables et le mur risque de s’effondrer », explique-t-il, avant d’ajouter que les difficultés commencent dès l’école maternelle. « Les premiers concepts de maths, avec la numérisation, se font à cet âge-là. Ce sont des enjeux forts et cela se poursuit évidemment à l’école primaire ».

La crise sanitaire liée au Covid-19 a également généré des impacts forts sur l’enseignement des mathématiques dans le secondaire, ce que le président de l’association des enseignants de mathématiques résume par un manque de consolidation. « On est passé sur la nécessité de pouvoir transmettre un certain nombre d’informations sans pouvoir en donner suffisamment de sens et de construire véritablement la notion sur un temps plus court », témoigne-t-il. La rupture sociétale, le manque de lien social et les cours à distance répétés ont aussi eu un impact sociologique très important, ce qui « se ressent dans les apprentissages ».

Baisse du nombre de candidats admissibles au CAPES : où sont les profs ?

Autre élément qui risque de donner du fil à retordre à la communauté éducative dès la rentrée 2022 : la baisse du nombre de candidats au concours de CAPES de Mathématiques. Tandis que l’attrait pour les mathématiques s’essouffle, le nombre de postulants au concours diminue : seulement 816 candidats sont admissibles pour 1035 postes. Du jamais vu !

Sébastien Planchenault n’en est pas moins surpris : « c’est assez exceptionnel, mais on s’y attendait ! ». La raison mise en avant par le président de l’APMEP c’est la réforme du CAPES, qui entre en vigueur cette année : il faut avoir un master 2 et non seulement un master 1 pour passer le concours. Les personnes qui ont pu candidater cette année, « ce sont les repiqués de l’an dernier », ainsi que « les personnes qui souhaitent devenir professeurs de maths et qui font des reconversions pour le faire au niveau M2. Forcément, cela réduit fortement le nombre de candidats », prévient-il.

Une baisse qui inquiète particulièrement pour la rentrée de septembre 2022, avec le retour des mathématiques dans le tronc commun. Ainsi, comment pallier le déficit d’enseignants ? « Il n’y a pas de viviers suffisants et on se retrouve à devoir embaucher des contractuels et heureusement qu’on a quand même des personnes qualifiées et performantes qui se dirigent vers l’enseignement », révèle-t-il. Bien que le manque d’enseignants ait été anticipé par l’APMEP, il va falloir répondre aux demandes des établissements scolaires. « On sait déjà qu’il manque 600 enseignants, sans compter les 1 h 30 supplémentaires que souhaite Jean-Michel Blanquer », explique Sébastien Planchenault.

L’éducation nationale va donc avoir recours aux enseignants contractuels, mais aussi demander aux professeurs de mathématiques de prendre des heures supplémentaires, ce qui ne va pas être une mince affaire. Tant du côté des élèves que des enseignants, la grande équation des mathématiques s’avère complexe à résoudre.

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