Ce sont les artisans fromagers de demain. Marius, 17 ans, originaire de Villemoisson-sur-Orge (Essonne), et Margaux, 23 ans, de La Rochelle (Charente-Maritime), sont les grands gagnants de l’édition 2024 du concours des meilleurs apprentis de France crémier-fromager.
Les deux lauréats ont été sélectionnés parmi neuf finalistes en lice du concours qui s’est déroulé le 29 mai dernier, à la Maison du Lait, dans le 9e arrondissement de la capitale. Si Margaux et Marius aspirent au même métier, leurs ambitions diffèrent et leurs parcours respectifs sont loin d’être similaires. Diplomeo est allé à la rencontre de ces aficionados du fromage !
Quel est votre parcours et pourquoi avoir décidé de vous orienter vers le domaine du fromage ?
Margaux : Je suis titulaire d’un bac ES et j’ai commencé à travailler dans le milieu du fromage en 2020, comme job étudiant, en parallèle de mes études de LEA. Puis j’ai vraiment pris goût à ce métier et j’ai voulu me qualifier tout en faisant une formation à côté.
J’ai commencé par hasard dans ce domaine, le commerce me tentait bien et je n’avais pas une appétence particulière de prime abord. Puis, c’est en découvrant le terrain que ma vocation est arrivée naturellement. Je me suis rendu compte que c’était ce métier qui me convenait et finalement pas celui de professeure d’anglais comme je le pensais au départ. Depuis la rentrée 2023, j’ai fait un CAP et CQP crémier-fromager au Cifca de Toulouse tout en exerçant à l’Epicurium de La Rochelle.
Marius : J’ai fait toute ma scolarité dans le privé et j’ai poursuivi par un CAP fromager-crémier. En septembre prochain, je rentre en bac pro et j’étudie actuellement au Cifca de Paris à Porte de la Chapelle.
Le fromage est une tradition familiale qui se perpétue de génération en génération. Mon père, mon grand-père sont fromagers et mon arrière-grand-père l’était aussi. Attention, cela ne veut pas dire que c’est une obligation pour reprendre le flambeau. Mais comme j’aime ce métier et que je travaillais déjà le week-end pour me faire de l’argent de poche, c’est ce parcours que je me suis dirigé.
Marius, à quoi ressemble le quotidien d’une famille qui travaille dans le même métier ?
Eh bien, les conversations et les sujets tournent autour de ça (rires) ! Ce qui est normal quand toute ta famille travaille dans ce domaine. J’ai commencé à faire les marchés avec mon père, les week-ends, à l’âge de 12 ans. Nos voisins font les marchés aussi et, quand on rentre à la maison, on fait les débriefs de la matinée, des clients que l’on a pu rencontrer et des histoires farfelues qui ont pu nous arriver.
Et toi Margaux, comment est-ce que tu gères les allers-retours entre ton travail à La Rochelle et ton lieu de formation à Toulouse ?
Mentalement, c’est très compliqué. Avec les allers-retours incessants, je n’arrive pas à trouver mon rythme de croisière, car quand je vais à Toulouse, c’est beaucoup de route et cela me pèse. Je fais des trajets soit en voiture, soit en train et je loue des Airbnb à Toulouse, en parallèle de mon loyer sur La Rochelle. Puis, tous les trajets sont à ma charge alors que je ne gagne que 1 000 euros par mois avec mon salaire d’alternante.
Si je me suis retrouvée dans cette situation, c’est parce que mon patron est un ancien Toulousain et voulait absolument que je passe par le Cifca de la ville Rose. J’ai hâte que ça se termine, bien que mes cours se passent bien avec des apprenants et des personnels administratifs qui sont agréables.
Vous avez participé au concours du meilleur apprenti de France en crémerie-fromagerie. Comment cela s’est passé et est-ce que tu as été stressé pendant la compétition ?
Margaux : J’ai connu le concours via mon établissement. J’avoue que je n’étais pas très branchée concours et je ne m’étais pas trop renseignée à ce sujet. Le concours du Meilleur Apprenti de France je le connaissais de nom, mais c’est tout. Et c’était ma dernière opportunité si je voulais le faire, car il fallait avoir moins de 23 ans au moment de l’inscription. Le jour J, quatre épreuves se sont succédé et j’étais en confiance.
🧀 Les épreuves du concours des meilleurs apprentis de France crémier-fromager 2024
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Marius : J’ai connu le concours grâce à mon établissement, qui nous a proposé de participer. Ensuite, cela passe par beaucoup de coaching, ils nous préparent aux épreuves. Le jour du concours, honnêtement, c’était stressant. On arrive dans une salle où l’on ne connaît personne, on a pas les mêmes couteaux que l’on utilise habituellement. Puis, on est 9 finalistes venant de toute la France, avec les jurys qui tournent tout autour pendant toutes les épreuves, donc beaucoup de pression. En ce qui me concerne, j’ai préféré l’épreuve orale lors de laquelle il fallait débattre avec les candidats, où il fallait avoir les bons arguments au bon moment et ça, c’était vraiment intéressant.
Marius Verdot pendant l’épreuve de composition du plateau de fromages lors du concours © Cifca
Vous faites partie des meilleurs apprentis crémier-fromager de France. Êtes-vous satisfait ?
Margaux : Sur les 9 concurrents, on est 4 à avoir remporté le titre. Donc, ce n’est pas une question de hiérarchie, mais c’est juste une moyenne à avoir et à partir du moment où tu es au-dessus, tu es meilleur apprenti de France.
La cérémonie officielle se déroulera en février prochain pour recevoir une médaille et une tenue officielle. Mais ce n’est pas que matériel. Pour moi la plus grande récompense est personnelle, la fierté de mon entourage et la reconnaissance dans le milieu puisque c’est un titre qui t’ouvre pas mal de portes. Pour moi qui me suis réorientée, cela m’a confortée dans le choix de partir dans cette voie-là.
Margaux Bats, qui présente son plateau de fromages lors du concours. © Cifca
Marius : J’ai ressenti énormément de satisfaction, car c’était beaucoup de travail, de préparation, toute l’année. C’est aussi du sacrifice, car on n’arrive pas jusque là sans un important investissement personnel. C’est beaucoup de joie, car on se dit que c’est terminé et que l’on a réussi.
Ma famille est très fière de moi, bien que mon grand-père ait toujours été contre les écoles et les concours. Il a toujours pensé que l’on réussissait en apprenant sur le tas. Mais avec ce concours, je lui ai montré que forcément on peut gagner autrement et apprendre d’autres choses, d’autres méthodes de fonctionnement par le biais des concours.
Après avoir remporté ce concours, quelles sont vos aspirations pour la suite ?
Margaux : À court terme, je vais prendre un poste chez un recruteur pour retourner à ce que j’aime : les tournées des marchés dans les Deux-Sèvres, vers Niort. À plus long terme, j’aimerais bien créer mon propre business, mais c’est encore en réflexion. Pour le moment, je continue en tant que salariée, mais peut-être qu’un jour je sauterai le pas et aurai ma propre fromagerie ou serai en gérance.
Marius : J’aimerais bien partir dans d’autres fromageries pour voir comment ça se passe, connaître de nouvelles techniques et être à la perfection pendant mon bac pro en alternance.
Ensuite, reprendre le business de ma famille, ce serait un rêve. Ce n’est pas prévu, car chez nous on ne reprend pas « le business » comme cela, mon grand-père aime toujours autant travailler comme quand il était jeune et lui veut voir sa famille travailler ensemble. Reprendre un business, pourquoi pas, mais avec ma famille.
Avec les réseaux sociaux, il existe aujourd’hui des leviers pour se faire connaître. Est-ce que vous souhaitez sauter le pas en réalisant du contenu sur les plateformes ?
Margaux : C’est vrai que cela se fait de plus en plus, ça crée de l’ampleur, il y a Christophe Fromager qui le fait par exemple. Cette année, je n’avais pas vraiment le temps, mais pourquoi pas développer cela dans les mois à venir, ça pourrait être amusant, à la fois dans le domaine du fromage et de la communication. L’équipe que je vais rejoindre est assez jeune, donc ça pourrait être sympathique de passer par les réseaux sociaux pour informer les gens.
Marius : Oui j’y ai déjà pensé, après c’est toujours un peu compliqué, car je suis la nouvelle génération qui apporte de la nouveauté et ça passe moins bien auprès des anciens. Et si cela fonctionne, il faudrait quand même essayer, mais je n’ai jamais eu le courage jusqu’à présent. C’est sûr que ça boosterait et cela pourrait moderniser la clientèle. Plus de jeunes viendraient sur les marchés, car aujourd’hui on a l’image des marchés avec seulement des visites de retraités. J’incite les plus jeunes à venir au marché, car c’est avant tout familial.