Un outil puissant, qu’il faut apprendre à maîtriser. Alors que l’intelligence artificielle apparaît comme un marqueur de plus en plus différenciant sur le marché du travail et bouscule les codes de l’enseignement supérieur, les étudiants dans le monde n’ont pas les mêmes perceptions, compétences ou attentes vis-à-vis de cet outil. Les jeunes français sont ainsi moins formés à l’IA dans leurs études, et plus sceptiques vis-à-vis de celle-ci que leurs homologues italiens, espagnols ou colombiens.
🔎 Combien d’étudiants utilisent l’IA générative ?
|
Des disparités révélées par une enquête internationale menée par le groupe Planeta Formation et Universités et l’institut en recherche sociale et en communication GAD3. 3 200 étudiants, âgés de 18 à 35 ans en France, Espagne, Colombie et Italie ont été interrogés pour réaliser ce rapport. Ce jeudi 6 février, le groupe a présenté les résultats de cette enquête, commentés par plusieurs professeurs et responsables de formations invités pour l’occasion.
Alors que s’ouvre, en France, le sommet pour l’action sur l’intelligence artificielle, cette étude met en lumière les enjeux de l’intégration de l’IA dans les programmes académiques tricolores. On fait le point.
Comment en faire son alliée dans ses études… sans se faire piéger ?
27% des étudiants français formés sur l’IA
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : alors que l’usage de l’IA est massif partout dans le monde, seulement 21% des étudiants français déclarent être capables de créer et d’appliquer des outils d’IA, contre 35% des étudiants colombiens, révèle l’enquête. Un écart qui reflète un retard français dans l’acquisition des compétences technologiques liées à l’IA.
Cela se traduit aussi dans l’accès limité aux formations sur l’IA en France, et en Europe plus généralement : 27% des étudiants français ont reçu une formation dans ce domaine, contre 28% en Espagne et 39% en Colombie. Une disparité qui se ressent particulièrement selon les domaines d’études, souligne l’enquête : moins de 20% des étudiants français en sciences de la santé sont initiés à l’IA contre 40% de leurs homologues colombiens.
Un manque de formation qui s’accompagne d’un niveau de confiance limité des jeunes français dans ce domaine. En France, seuls 40% des étudiants se disent ainsi confiants dans leur capacité à acquérir les connaissances nécessaires pour travailler avec des outils d’IA, contre 65% en Colombie et en Espagne. Un degré de confiance qui dégringole pour les étudiants français en arts et sciences humaines (30%, contre près de 60% pour les étudiants colombiens et espagnols dans ce domaine).
💬 L’IA, un outil pas si intuitif “Il ne faut pas surestimer la capacité des jeunes générations à s’approprier les outils de l’IA de manière intuitive”, prévient Maya Stoilova, responsable du Pôle projets & innovation pédagogique à l’EDC Paris Business School. “En cours, nos profs constatent que les étudiants ont une approche très basique de l’IA, sans esprit critique ni capacité de synthèse. Les étudiants ont besoin d’un vrai accompagnement à ce sujet”. |
Des étudiants français plus prudents et inquiets que leurs pairs internationaux
Ce manque de confiance dans la capacité des étudiants français à appréhender l’intelligence artificielle traduit une certaine méfiance et une inquiétude envers cet outil. Si la majorité des étudiants français interrogés voient en l’IA un gain de productivité, 43% d’entre eux craignent la destruction d’emplois provoquée par l’automatisation des tâches. En comparaison, cette crainte concerne 33% des étudiants espagnols et italiens et 30% des étudiants colombiens.
La question de la confidentialité des données est aussi un facteur bloquant pour de nombreux français. 39% des étudiants tricolores se montrent sensibles aux risques liés à la protection de leurs données et 30% sont préoccupés par des questions éthiques. Une perception pessimiste, qui éclipse les bénéfices apportés par l’IA. 36% des étudiants français saluent ainsi l’efficacité et la productivité de l’outil, contre près de 40% des étudiants espagnols et italiens et 44% des étudiants Colombiens.
💬 En France, le “biais culturel de toujours envisager le pire” Pour Fabrice Frossard, enseignant à l’École de guerre économique, la méfiance des étudiants français vis-à-vis de l’IA s’explique d’un point de vue culturel. “On a ce biais culturel de toujours envisager le pire, alors que l’IA peut aussi être perçue comme un bénéfice qui révolutionne l’accès au savoir. Cela explique que l’on avance beaucoup plus lentement qu’ailleurs dans ce domaine”. |
Les établissements du supérieur ont une carte à jouer
Dans ce contexte, une grande partie des étudiants français a besoin d’être rassurée : la moitié d’entre eux attend des mesures réglementaires et des programmes de formation pour s’adapter aux transformations sur le marché du travail. Alors que 58% des étudiants tricolores considèrent l’intégration de l’IA dans les cursus comme une priorité (contre 73% des étudiants colombiens), les établissements du supérieur ont une carte à jouer dans ce domaine.
C’est en tout cas la conclusion de Planeta Formation et Universités, à l’issue de la restitution de son rapport. Et le réseau international d’enseignement supérieur, qui regroupe 22 établissements à travers le monde a déjà pris les devants. Les différents campus du groupe organisent des ateliers de formation et de réflexion à destination des enseignants, pour qu’ils adaptent leurs méthodes pédagogiques. En parallèle, le groupe encourage l'apprentissage de l’IA et la sensibilisation de ses étudiants à ce sujet. Un premier pas vers une meilleure maîtrise d’un outil qui n’a pas fini de bouleverser les attentes dans le monde du travail comme dans celui de la formation.
💬 L’importance de démocratiser l’usage de l’IA en France “Il faut intégrer des modules d’IA dans tous les cursus, toutes disciplines confondues, dans le but d’en démocratiser l’usage”, estime Wael Dammak, professeur assistant à l’ESLSCA Business School. “De là, on pourra créer des programmes de formation continue. Pour cela, il faut commencer par former les enseignants et les sensibiliser aux applications pédagogiques de l’IA. C’est ce qui permettra de donner confiance en cet outil”. |