HGGSP : l’aspiration grandissante des jeunes pour la géopolitique

L’enseignement de spécialité, qui a vu le jour avec la réforme du bac, attire les élèves et fait naître des ambitions. Dans le supérieur, enseignants et spécialistes se réjouissent de cette appétence, dans un monde où les questions géopolitiques sont plus que jamais essentielles. Enquête.
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© Grecaud Paul / Adobe Stock

Une discipline tendance, dans un monde en transition. L’enseignement de spécialité Histoire, géographie, géopolitique, sciences politiques (HGGSP) s’est glissé dans le cursus des élèves de première et de terminale de la voie générale depuis trois ans. Une matière initiée avec la réforme du lycée et du bac, qui rassemble près de 26 % d’entre eux à la rentrée 2023, selon les données du ministère de l’Éducation nationale. Chez les filles, l’HGGSP se hisse à la deuxième position des spé plébiscitées, derrière les sciences économiques et sociales (SES). 

Avec un climat ambiant où les questions géopolitiques sont au cœur de l’actualité, l’arrivée de la matière dans les programmes des lycéens se présente sous les meilleurs auspices. Dans l’enseignement supérieur, responsables pédagogiques, enseignants et spécialistes estiment qu’il y a une vraie attente des jeunes sur ces sujets. 

Pluridisciplinarité et opportunités

Les raisons du succès de la discipline auprès des lycéens peuvent être nombreuses. Selon les experts, la pluridisciplinarité de l’HGGSP ravit les élèves, car celle-ci englobe l’histoire, les sciences politiques, l’économie, mais aussi la sociologie. « L’interdisciplinarité de la matière plaît aux jeunes, c’est indéniable », juge Thomas Amadieu, enseignant-chercheur et directeur adjoint chargé du Programme grande école (PGE) à l’ESSCA School of Management. « Ils ne veulent pas se spécialiser trop vite et bénéficier d’une diversité de points de vue afin de saisir les problèmes par tous les bouts », renchérit-il. 

Une pluridisciplinarité qui se traduit par un enseignement riche, dès le secondaire, pour des adolescents qui se construisent et qui ont besoin d’outils et de ressources utiles pour leur future vie de citoyen. « L’HGGSP permet de leur ouvrir des fenêtres sur le monde », estime Elda Nasho Ah-Pine, docteure en science politique à l’université Grenoble-Alpes et enseignante en géopolitique et responsabilité sociétale des entreprises (RSE) à ESC Clermont Business school. « Aujourd’hui, les jeunes sont bombardés d’informations sur tous les canaux de communication. Il est nécessaire pour eux de trouver des pistes pour comprendre les principaux enjeux pour leur vie citoyenne », poursuit-elle. Ainsi, cette formation proposée aux élèves de la voie générale leur donne envie « de décrypter ce monde complexe », car ils en ressentent le besoin. La politologue suggère même de commencer à s’intéresser à ces questions « dès le collège » pour se forger un esprit critique, à l’adolescence. 

« Si un élève a étudié l’HGGSP, cela montre qu’il a une ouverture d’esprit, une appétence pour la culture générale, l’histoire et l’actualité », Thomas Amadieu, enseignant-chercheur, directeur adjoint chargé du PGE à l’ESSCA

Opter pour cet enseignement de spécialité au lycée est aussi gage d’opportunités. Pour les enseignants-chercheurs, la géopolitique ouvre des portes et décuple les possibilités d’études dans le supérieur. « Si un élève a étudié l’HGGSP, cela montre qu’il a une ouverture d’esprit, une appétence pour la culture générale, l’histoire et l’actualité », affirme l’enseignant-chercheur de l’école de management, avant d’ajouter : « Pour l’ESSCA, ce sont des profils pertinents, car ils ont une vraie capacité à penser le monde ». Ce dernier précise que la curiosité et l’intérêt pour les questions contemporaines constituent des « éléments clés de réussite ». 

Un engouement de la jeunesse pour les questions géopolitiques 

L’HGGSP introduite dans les programmes du lycée lors de la réforme du bac aurait induit une véritable attente des jeunes âgés entre 16 et 18 ans. C’est ce que veut croire Fabrice Ravel, l’un des enseignants emblématiques de géopolitique à l’ESCE (École supérieure du commerce extérieur). « L’appétence est bien présente chez les étudiants, notamment sur les questions internationales », concède-t-il. L’école de commerce, tournée vers l’international, est l’un des premiers établissements du supérieur à avoir intégré en 2014 la géopolitique et les sciences sociales dans ses maquettes pédagogiques. « Il s’agit d’une science humaine qui, paradoxalement, est très ancienne. C’est l’historien grec Thucydide [né en 460 avant J.-C], avec son ouvrage sur la guerre du Péloponnèse, qui a la réputation d’avoir inventé la géopolitique », narre-t-il. Pour lui, l’engouement des étudiants a pris de l’ampleur avec l’arrivée de l’HGGSP. Une curiosité et une posture qui a changé, à l’instar des précédentes générations, issues d’un baccalauréat économique et social [l’ancien bac ES, NDRL].

« Aujourd’hui, l’emballement des événements géopolitiques et précisément le déclenchement de la guerre en Ukraine le 24 février 2022 a été un accélérateur », justifie Fabrice Ravel. « Évidemment, on a dû adapter nos programmes et les évolutions académiques n’ont fait qu’amplifier le phénomène et l’intérêt pour ces questions ». Même son de cloche à l’ESSCA : la School of Management a été contrainte de faire évoluer ses programmes suite à la réforme du bac et après avoir pris conscience de l’appétence croissante des néo-bacheliers. « La refonte complète du programme que l’on a opérée il y a trois ans nous a permis de renforcer toutes les disciplines d’ouverture, notamment sur les questions de transition écologique et sociale ou en économie », confirme Thomas Amadieu.

« Quand la géopolitique se réveille, ce n’est pas toujours dans des moments heureux »,Fabrice Ravel, enseignant de géopolitique à l’ESCE

Lors de ses cours à l’ESCE, Fabrice Ravel rappelle que les mécanismes de la géopolitique sont susceptibles, malgré l’appétence, de désemparer les étudiants. « Quand la géopolitique se réveille, ce n’est pas toujours dans des moments heureux : les événements comme ceux qui se déroulent en Ukraine, au Proche-Orient ou à Taïwan qui se multiplient et dont on ne comprend pas forcément les liens de causalité avec les autres », donne-t-il comme exemple.« Les étudiants sont néanmoins impressionnés par les cartes qui ne sont pas immuables, les frontières qui évoluent et toutes les configurations qui ont pu exister sur le continent européen depuis 1900 par exemple ».

Des thématiques qui, malgré le contexte désolant, captivent les apprenants. À l’image de Lorette, étudiante en première année à l’ESCE et qui suit les cours de Fabrice Ravel. Cette dernière a décroché son bac spécialité HGGSP et SES l’année dernière et a souhaité poursuivre dans cette voie. « C’est une matière qui m’a toujours intéressée et j’ai opté pour la spé HGGSP au lycée, car c’est pertinent quand on veut étudier le commerce, connaître les enjeux des relations internationales et les contextes socio-politiques », confie-t-elle. L’étudiante avoue avoir choisi la spécialité pluridisciplinaire, car celle-ci traite de sujets factuels, « omniprésents dans la société ». 

Une discipline qui fait écho à l’actualité

Les enseignements prodigués en HGGSP, comme ceux de géopolitique et de science politique dans les études post-bac, s’articulent autour des fondamentaux : de l’histoire des conflits sociaux aux relations internationales. Une pincée d’histoire-géo par-ci, un soupçon de politique par-là, le tout saupoudré d’exemples sur les enjeux actuels. Avec une actualité plus que jamais tournée vers la géopolitique, s’informer joue un rôle prépondérant dans la réussite des étudiants. « Au lycée, j’étais passionnée par l’analyse des grands enjeux du monde contemporain, particulièrement le chapitre “Faire la guerre, faire la paix” ainsi que celui sur l’environnement et les protections », se souvient Lorette. « Les cours étaient à mi-chemin entre l’histoire et l’actu, ce qui m’a octroyé des bases essentielles pour le cursus dans lequel j’étudie actuellement », poursuit l’étudiante en école de commerce.

« Si on veut anticiper après-demain, il faut déjà commencer par maîtriser avant-hier »,  Fabrice Ravel, enseignant de géopolitique à l’ESCE

Dans ce contexte, Fabrice Ravel organise des émissions très appréciées de ses apprenants : les Rendez-vous de la Géopolitique. Des épisodes d’une trentaine de minutes sous forme d’interviews, diffusés sur YouTube et dont l’initiative a été mise en place par Christophe Boisseau, le directeur de l’ESCE. « Il s’agit d’un format pédagogique, complice et convivial, appuyé d’informations étayées et de beaucoup de références », se réjouit l’enseignant, tout en faisant le parallèle avec le long-métrage Le Cercle des poètes disparus de Peter Weir. « Les étudiants prennent beaucoup de plaisir à regarder ces vidéos basées sur le storytelling et la narration ». Selon lui, les dynamiques géopolitiques actuelles visent à mieux appréhender et anticiper les événements. « C’est ce que je répète sans arrêt à mes étudiants : si on veut anticiper après-demain, il faut déjà commencer par maîtriser avant-hier », soutient-il. 

Une démarche qui porte ses fruits auprès de la communauté estudiantine. « Fabrice Ravel se réfère régulièrement aux Rendez-vous de la Géopolitique quand on aborde un sujet sur l’Ukraine et l’Union européenne en cours par exemple », raconte Lorette, qui est friande de ces émissions décontractées. « C’est très pratique d’avoir ce complément quand on révise nos examens. J’aurais apprécié connaître ses vidéos au lycée avec l’HGGSP, car il décrit les problématiques actuelles, le tout classé par thématiques », ajoute-t-elle.

Au-delà de ces ressources pédagogiques, l’étudiante en business school s’en remet à l’actualité pour renforcer ses compétences et sa culture générale. « Comme nous sommes en démocratie et que la France intervient régulièrement à l’international, c’est important de savoir ce qui se passe », assure Lorette. « Je m’informe à travers les réseaux sociaux, ainsi que via des médias comme le Monde Diplomatique ou BFM TV, tout en croisant les sources pour éviter la désinformation ». À l’heure des risques des fake news et de l’intelligence artificielle utilisée à mauvais escient, enseignants comme étudiants redoublent d’efforts pour ne pas tomber dans le panneau.

Sur ce point, Elda Nasho Ah-Pine se veut rassurante. « Ils n’achètent pas tout ce que les politiques et les médias peuvent dire », indique-t-elle. « Ils ont besoin de comprendre les choses avec une démarche plus scientifique, pour se forger une colonne vertébrale ». L’enseignante de l’ESC Clermont consacre du temps dans ses cours de débats et de tables rondes sur les forces et faiblesses des États, les stratégies écologiques, politiques et économiques. À partir de ces notions, les étudiants sont capables de construire des projets d’entreprise, qui leur seront utiles dans leurs futurs métiers. 

Géopolitique et vie professionnelle : des synergies insoupçonnées 

Cerise sur le gâteau : entre la géopolitique et le management, la frontière est mince. En effet, les formations de sciences politiques sont étroitement liées aux métiers du commerce et de la haute finance. En première année de bachelor à l’ESC Clermont Business school, Elda Nasho Ah-Pine anime un cours sur l’éthique et la responsabilité sociale, qui met en exergue des notions autour de la transition écologique et sociétale. 

 « Les étudiants sont attachés aux injustices sociales, au bien-être individuel et aux questions environnementales », Elda Nasho Ah-Pine, enseignante à l’ESC Clermont

Les étudiants se prêtent au jeu, car ils sont en phase avec ces problématiques. « Ils sont attachés aux injustices sociales, au bien-être individuel et aux questions environnementales », remarque l’enseignante. « J’ai donc volontairement choisi de travailler sur ces domaines qui les interpellent, dans la gestion de l’entreprise par exemple ». Récemment, ses élèves se sont questionnés sur les entreprises qui se sentent obligées d’avoir recours au greenwashing, dans un contexte de course contre la montre avec la transition écologique. « On va réfléchir sur ces thématiques et distinguer le vrai du faux, car ils ont parfois du mal ».

Thomas Amadieu travaille avec ses étudiants de première année sur le management des organisations, avec un accent géopolitique porté sur les discriminations et les mouvements sociaux. « On va étudier les manifestations et les grèves en France, d’où ça vient et pourquoi on a une culture des conflits », explique-t-il. « En deuxième année, on se focalise sur les dissensions et les institutions européennes. Comprendre la politique agricole commune (PAC) est crucial, car il vise à comprendre ce sujet brûlant qui a récemment attisé la colère des agriculteurs français », renchérit-il.  

À l’international Business school, le lien entre management et géopolitique s’est fait naturellement depuis plusieurs années. « À l’ESCE, nous avons été dans l’anticipation grâce à notre portée internationale », concède Fabrice Ravel. En master 2, le cours geopolitics and business oscille entre enseignements tactiques et militaires des sciences politiques et performances sur le marché du travail. « Il faut maîtriser l’histoire des grands stratèges comme Machiavel tout en développant des méthodes dans le cadre de son métier », encourage-t-il. Enfin, pour l’étudiante de première année, si elle n’a pas d’idée précise de son métier pour le moment, Lorette reste persuadée que la géopolitique sera un bagage fructueux. « On dit souvent que l’histoire se répète, nos cours nous permettent de gérer des situations de crise, ce qui ne peut être que bénéfique ». 

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