Une formation décorrélée de la réalité du métier. Pour l’écrasante majorité des étudiants en pharmacie (88,2%), leur cursus ne prépare pas suffisamment aux attentes du secteur, qui ouvre à de multiples débouchés sur le marché du travail. C’est la conclusion du baromètre de l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (ANEPF), présentée à la presse lundi 3 février, six ans après la publication de son précédent baromètre.
Intitulée “Grand Entretien 3.0”, cette étude a interrogé 3 786 étudiants des 24 facultés de pharmacies en France, durant l’hiver 2024. Trois grands thèmes ont été abordés : l’orientation et le contenu des études de pharmacie, les stages et la vie universitaire ainsi que les discriminations, le handicap et les VSS dans ce milieu. Un état des lieux large et nécessaire selon l’ANEPF, afin de faire bouger les lignes de ce cursus, qui peine encore à faire le plein. On fait le point.
🔎 Une méconnaissance des débouchés de la pharmacie dès le lycée Selon l’ANEPF, 94,8% des étudiants en pharmacie sont insatisfaits du niveau d’informations sur la pharmacie au lycée. Une lacune qui explique en partie le nombre de places vacantes en deuxième année d’études de pharmacie (après une première année de PASS ou de L.AS), même si ce chiffre s’améliore (300 en 2024 contre 1000 en 2022). Pourtant, les débouchés en pharmacie sont nombreux, rappelle l’ANEPF : industrie pharmaceutique, biotechnologies, hôpital, recherche, régulation, startup… |
Une pédagogie à revoir
Alors que 41% des étudiants souhaitent se lancer dans un parcours officinal (soit 11 points de plus qu’en 2018 - un engouement qui s’explique par l’élargissement des missions telles que la vaccination, les entretiens pharmaceutiques ou la prescription d’antibiotiques), 48% des étudiants interrogés regrettentl’absence de formation sur le comptoir et le manque de cas pratiques. Ce chiffre traduit les lacunes du cursus dans la préparation des étudiants aux attentes du monde du travail.
Prise en main des outils numériques, notions de management, prise en charge des patients en situation de détresse psychologique ou encore gestiond’entreprise : les étudiants réclament une révision de la pédagogie dans leur formation. En sixième année de pharmacie, 72% des étudiants estiment même que leurs cours “manquent de thématiques avec différents aspects de la profession”.
D’une manière générale, tout au long du cursus, c’est la formule pédagogique proposée qui coince, selon le rapport. 69,07% des étudiants interrogés souhaitent ainsi réduire le volume des amphis magistraux au profit des enseignements dirigés. Cette formule pédagogique ne convainc en effet pas, en témoignent ces chiffres :
- 45% des étudiants se disent insatisfaits de leurs cours magistraux
- 70% estiment qu’ils sont monotones
- 61% pensent que leur format est trop long
- 53% jugent l’apport pédagogique des CM insuffisants
💊 La pharmacie évolue, sa formation doit suivre !🎓
📉 D'après le #GrandEntretien3 : 69,07% des étudiants veulent réduire le volume des cours magistraux au profit des enseignements dirigés.
📈 Aujourd'hui : @Pharma_ANEPF demande une évolution de ces enseignements ! ⤵️ pic.twitter.com/bmVeeJvpPn
— Clara Pagel (@Clara_ANEPF) February 3, 2025
Les stages et les enseignements pratiques : impératifs pour s’orienter
Si un quart des étudiants interrogés, toutes années confondues, n’assistent pas aux cours magistraux par “manque de pédagogie de leur enseignant”, ils sont beaucoup plus assidus pour les enseignements dirigés en petits groupes, bien plus concernants et pratiques. C’est d’ailleurs l’une des revendications de l’ANEPF, qui appelle à une innovation pédagogique afin de faire évoluer les CM, avec, par exemple, l’intervention d’experts.
Dans le sillage d’une pédagogie revisitée pour avoir une meilleure appréhension de la réalité du terrain, plus de 70% des étudiants souhaitent un renforcement de la proportion de stages, impératifs pour s’orienter. La moitié des futurs pharmaciens interrogés dans l’enquête pointent du doigt des terrains de stage peu diversifiés, et qui limitent la connaissance des différents débouchés possibles en pharmacie.
Face à ce manque, l’ANEPF propose de mettre en place des unités d’enseignement optionnelles afin de “s’adapter aux demandes de la profession”, ainsi qu’une “uniformisation nationale des durées de stage industriel sur une durée de six mois”. Le but : permettre une meilleure connaissance du secteur et faire en sorte que chaque étudiant ait la même expérience professionnelle.
VSS : “les violences ne peuvent plus être ignorées”
Sur le volet des violences sexistes et sexuelles, l’ANEPF brosse un portrait sombre des études de pharmacie. Sexisme (740 étudiants victimes), gestes inappropriés (399 victimes), agressions sexuelles (137 étudiants), viols (43 victimes) : les violences existent bel et bien et il ne faut pas les ignorer, estime l’association nationale.
VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES : la honte doit changer de camp
Les résultats du #GrandEntretien3 sont alarmants. Derrière chaque chiffre, il y a une personne, une histoire, une souffrance.
⁰Ces violences ne peuvent plus être ignorées. ⬇️
🚨TW : VSS, viols
— Tarrillon Clémence (@Clemence_ANEPF) February 4, 2025
Alors que les agresseurs sont les étudiants (71%), le personnel pédagogique (21%) et les maîtres de stage (3%), l’organisation exige dès lors des actionsconcrètes. À commencer par des campagnes de sensibilisation, des formations pour les étudiants et le personnel, des cellules d’écoute et d’accompagnement, des sanctions renforcées pour les agresseurs et la fermeture des terrains de stage en cas de violences avérées.