Après un bachelor en droit administratif à Sciences Po Rennes et une première année de master en sécurité-défense, Ana s’est naturellement dirigée vers l’École de l’Air et de l’Espace. De son côté, Clément a décidé de partir en Australie grâce à un PVT (Programme Vacances Travail), juste après l’obtention de son bac STMG. Cuisinier pendant six ans, en tant que chef de partie à l’étranger, il a décidé de parfaire sa formation en rejoignant l’École de maistrance, un établissement qui forme les officiers-mariniers en complément de la Marine nationale.
Qu’est-ce qui vous a attirés vers l’univers militaire ?
Ana : J’ai toujours été intéressée par la thématique de la défense. J’ai pu découvrir cet aspect à travers les associations à l’image de l’IHEDN [Institut des hautes études de défense nationale, NDLR] qui rassemble des jeunes autour de ce sujet. Me diriger vers une carrière militaire était pour moi une évidence.
Clément : La Marine m’a énormément intéressé, car je pouvais allier mon désir de voyage et d’aventure avec un métier qui me passionne. C’est un environnement atypique. Le seul qui propose ce genre de cadre de travail unique.
Je suis également venu chercher la discipline et la hiérarchie, un aspect qui m’intéresse et que je n’ai pas retrouvé dans le civil. C'est un environnement exigeant qui pousse à l’excellence. J’ai toujours été attiré par l’armée, mais il m’a fallu du temps avant de réaliser ce que j’avais envie de faire.
Un moment clé ou une rencontre a-t-il influencé vos décisions ?
Ana : J’ai réalisé un stage auprès du général Laurent à Sciences Po Bordeaux, au sein d’une chaire sur l’étude de l’aérospatial. Nous recevions des auditeurs de l’école de guerre ou des aviateurs. Ça a créé un intérêt et un lien avec l’armée de l’Air et de l’Espace.
Clément : C’est le conseiller en recrutement qui m’a accueilli lors de ma première visite au CIRFA [Centre d’information et de recrutement des Forces Armées, NDLR] qui m’a vraiment donné envie de m’engager.
Comment s’est déroulé le processus de sélection pour intégrer votre école ?
Clément : Mon parcours est atypique, car j’ai intégré l’École des matelots avant de rejoindre maistrance. Quand je suis arrivé au CIRFA, il fallait attendre 8 mois avant de commencer la formation d’officier-marinier à maistrance. Intégrer l’École des matelots me permettait de débuter mon cursus plus tôt.
Le processus de sélection est similaire pour les deux écoles : il faut passer des tests d’aptitude médicale, des tests d’aptitude physique, des tests psychotechniques et un entretien avec une psychologue. C’est spécifique à la Marine. Il s’agit d’un échange rapide autour des raisons qui nous motivent à rejoindre l’École de maistrance, nos craintes ou nos attentes. Il faut ensuite attendre un à deux mois avant d’obtenir une réponse.
Mes parents étaient ravis de mon engagement et ont tout de suite vu un changement. Je suis plus épanoui et c’est ce qui leur importe. - Clément
Ana : Il faut d’abord envoyer son dossier qui comprend nos notes et une lettre de motivation. Il va déterminer notre admissibilité. L’an dernier, il y avait une quinzaine d’étudiants admissibles. En mars, on passe les épreuves orales (anglais, géopolitique, motivation) et sportives (tractions, abdos, piscine et course). Les résultats arrivent assez vite. Sur les 15 candidats admissibles, 5 d’entre nous ont été admis.
Se préparer à cette candidature était complexe, car je réalisais mon master en parallèle. Je n’avais pas la chance d’être dans une prépa militaire, donc je me suis disciplinée en faisant du sport le matin et en révisant régulièrement à la bibliothèque. Cela demande beaucoup de motivation.
Comment ont réagi vos parents quand vous avez décidé de vous engager ?
Clément : Ils l’ont très bien pris. Étant plus jeune, j’avais fait part de mon souhait d’intégrer les forces armées. Mes parents étaient ravis de mon engagement et ont tout de suite vu un changement. Je suis plus épanoui et c’est ce qui leur importe.
Ana :Les réactions ont été différentes entre ma mère, qui était inquiète et a demandé plus d’informations sur l’intégration, et mon père qui était vraiment content. Aujourd’hui, ils sont tous les deux très fiers.
À quoi ressemble votre quotidien au sein de votre école ?
Ana : On suit la formation avec les autres élèves-ingénieurs de l’école. Pendant qu’ils ont leurs cours, on étudie la géopolitique ou les relations internationales avecSciences Po Aix. Ensuite, nous avons des cours communs en sport et des activités annexes qui sont plus militaires. La formation se déroule sur trois ans : les deux premières années permettent de suivre le programme du master 1 et du premier semestre du master 2. La troisième année est dédiée au deuxième semestre de master 2 et au stage qui se déroule généralement dans une ambassade, à l’étranger.
Il y a une vraie cohésion au sein de la promotion. On vit des moments assez forts et on se soutient mutuellement. - Ana
Clément :La formation dure 20 semaines et reste assez chargée. Nous bénéficions aussi bien d’enseignements théoriques que pratiques. Nous avons également des TP [travaux pratiques, NDLR] qui permettent de mettre en application ce que nous avons vu durant les cours. On nous apprend les gestes et réactions à avoir en cas d’incendie ou de voie d’eau, par exemple. Nous avons aussi des cours militaires et académiques (mathématiques, géopolitique, français…).
Avez-vous déjà réalisé des simulations sur le terrain ?
Clément : Dans le cadre de notre formation, nous devons embarquer sur le porte-hélicoptère amphibie. Cela dure environ une semaine et nous plonge en immersion dans les différentes unités qui correspondent à nos choix de spécialités. Pour ma part, je dois le faire à mon retour de permission. Nous réalisons également des sorties terrain où on bivouaque. Nous y faisons des mises en situation pour apprendre à nous dépasser sur le plan mental et physique.
Ana : Nous avons plusieurs périodes sur le terrain où nous réalisons diverses activités comme le combat ou les techniques d’intervention rapprochée. L’objectif est de nous apprendre tous les rudiments de la vie militaire.
Comment décrire l’ambiance au sein de votre établissement ?
Clément : À maistrance, il n’y a plus de classement ou de note. L’esprit de compétition n’est donc plus présent. Pour certains, c’est la découverte d’une cohabitation qui se fait naturellement. La cohésion survient d’elle-même.
Ana :Il y a une vraie cohésion au sein de la promotion. On vit des moments assez forts et on se soutient mutuellement. Dans les formations militaires, c’est un élément qui ressort davantage. On essaie toujours d’aider l’autre.
Si je pouvais revenir en arrière, je me serais engagé plus tôt. - Clément
Vous allez défiler pour le 14 juillet, qu’est-ce que vous ressentez à l’approche de cette célébration ?
Ana : Il s’agit des 80 ans de la Libération. Ainsi, quelques élèves - dont je fais partie - défilent avec les troupes mises à l’honneur lors de la Libération. On est tous très fiers de pouvoir participer à cet événement. C’est un honneur.
Clément : C’est un événement important et je suis fier de pouvoir représenter l’École de maistrance. On a tous envie de donner le meilleur de nous. J’ai hâte.
Élève à l’EOGN (École des Officiers de la Gendarmerie Nationale), Antoine défilera également lors des célébrations du 14 juillet, un événement qu’il attend avec impatience : “Je suis heureux de défiler. C’est un moment important pour la nation qui fait l’unanimité. Je suis honoré d’en faire partie, car cela est réservé à une petite partie des forces armées.” |
Aujourd’hui, regrettez-vous votre choix d’intégrer une école militaire ?
Ana : Je ne regrette pas du tout. Je suis très heureuse d’être ici. C’est un changement de voie qui s’inscrit tout de même dans la continuité de mes études. Avec mon master en sécurité-défense, j’avais déjà exploré ces sujets.
Clément : Je suis 100% convaincu que j’ai pris la bonne décision. Si je pouvais revenir en arrière, je me serais engagé plus tôt.
Il ne faut pas avoir peur. Au sein de l’armée, on a des carrières magnifiques et on apprend beaucoup. - Ana
Comment vous imaginez-vous dans quelques années ?
Clément : J’aimerais embarquer à bord d’un bâtiment de la Marine, pour des missions à l’étranger ou en outre-mer, que ce soit en cuisine ou dans une autre spécialité. L’un des avantages de la Marine, c’est qu’il est possible de se réorienter et d’évoluer, d’avancer en grade. On ne stagne pas.
Ana : Sur le court terme, j’aimerais réaliser mon stage dans l’univers spatial ou dans une ambassade à Rome, car l’Italie est un pays que j’apprécie beaucoup. Sur le long terme, je me dirige plutôt vers des carrières dans le domaine spatial - que j’adore depuis que je suis petite -, dans la conduite des opérations aériennes.
Que diriez-vous à un ou une jeune qui hésite à s’engager ?
Clément : Il ne faut pas appréhender et tenter sa chance. Mon conseil serait aussi d’envisager une Préparation Militaire Marine (PMM) avant de s’engager, car le contrat de maistrance engage sur 10 ans. Cela peut donner une idée de ce qu’est être marin.
Ana : Il ne faut pas avoir peur. Au sein de l’armée, on a des carrières magnifiques et on apprend beaucoup. Il faut rester motivé et savoir pourquoi on décide de s’engager.