Elles bougent : « Il faut exercer des métiers qui nous rendent heureuses, c’est le plus important »

L’association, qui promeut les carrières scientifiques et techniques auprès des femmes, a organisé des ateliers pour sensibiliser les filles aux métiers du BTP à l’école d’ingénieurs CESI. Rencontre avec deux marraines locales, étudiantes de l’établissement.
Mis à jour le / Publié le 18 octobre 2023
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Une professionnelle des métiers du BTP. © Auremar / Adobe Stock

Susciter des vocations, pour celles qui s’interrogent sur leur orientation. Tel est le leitmotiv de l’association Elles bougent, créée en 2005. Composé de marraines, de femmes ingénieures et de scientifiques, le collectif travaille main dans la main avec des entreprises et des établissements scolaires. L’objectif ? Attirer les élèves et les étudiantes vers les métiers scientifiques et techniques, que la société attribue souvent à la gent masculine.

Et les métiers du BTP ne font pas exception. Déconstruire ce cliché : c’est le pari d’Elles bougent, à l’occasion de la Smart City Week, le 12 octobre dernier, au campus parisien de l’école d’ingénieurs CESI.

Au programme de l’événement « Elles construisent la ville de demain » : les évolutions du secteur du BTP, des ateliers d’immersion avec des intervenants auprès de 80 collégiennes volontaires. Ces dernières ont pu se familiariser autour de la réalité virtuelle et augmentée, de la modélisation ou encore de la thermodynamique. Deux marraines, étudiantes en alternance au sein de l’établissement, ont également présenté leur profession, devant les yeux ébahis des jeunes filles.

Métiers du BTP : des stéréotypes ancrés dans les mentalités ?

Les métiers du BTP, un monde d’hommes ? On serait tenté d’y croire, si l’on se fie aux chiffres clés d’Action BTP. Si 1,2 million de personnes exercent dans ce secteur, 90,9 % d’entre elles sont des hommes. Néanmoins, cela ne veut pas dire que les femmes ne peuvent pas se tourner vers ces professions, bien au contraire. « On entend souvent dire que le BTP c’est trop fatigant et physique pour nous ou que c’est compliqué pour une femme de travailler dans un environnement masculin », explique Anne Becker, alternante à CESI et marraine Elles bougent.

L’étudiante en 5e année du Programme grande école (PGE) à l’école d’ingénieurs exerce, en parallèle de ses cours, en tant que constructrice de travaux chez CBC Service, une filiale de Vinci. Le but de cette journée est, selon elle, de faire de la pédagogie pour lutter contre les stéréotypes sur les métiers du BTP. « Ce n’est pas impossible pour une femme d’accéder au métier qu’elle souhaite et il y a beaucoup d’idées reçues qui sont fausses », martèle-t-elle, avant d’ajouter : « Je ne me sens pas moins femme parce que j’exerce ma profession ».

Lutter contre les stéréotypes de genre

L'interview d’Amel Kefif, directrice d’Elles bougent

« On m’a déjà demandé ce que je faisais sur un chantier, sous prétexte que je suis une femme », indique de son côté Gaëlle Jestin, alternante en 2e année de PGE à CESI et cheffe de chantier dans une entreprise de démolition. « Au-delà du cliché, cela interroge les salariés, car c’est encore inhabituel. Donc je réponds que j’en suis capable et que ça me plaît », poursuit-elle. « Il faut exercer des métiers qui nous rendent heureuses, c’est le plus important ».

Pour les élèves de 3e, ces métiers « ne sont pas réservés aux hommes »

Lors de cette journée en immersion, les marraines ont pu présenter leurs métiers aux collégiennes. Anne et Gaëlle ont été agréablement surprises de leur enthousiasme et de leur participation à l’événement. « Elles étaient très intéressées et ont posé beaucoup de questions », se réjouissent les deux étudiantes. « On leur a expliqué comment se passait une journée type sur un chantier et il y a eu beaucoup d’interactions ».

Les collégiennes, à la fois curieuses et impressionnées, sont très satisfaites de cette journée. « Même si cela ne m’intéressait pas trop au début, je m’y suis rendue et je ne regrette pas », témoigne Roxanne, 14 ans, en classe de 3e au collège Les Coutures à Parmain (Val-d’Oise). « On a appris beaucoup de choses sur les caméras thermiques, comment la chaleur entre et la fraîcheur se libère des machines », renchérit Colline, sa camarade.

Interrogée par une enseignante sur son orientation, la jeune fille ne pense pas forcément s’inscrire en école d’ingénieurs, mais ne ferme pas la porte à cette éventualité. « Mes matières préférées au collège, ce sont les mathématiques et la physique. J’ai encore quelques années avant de me décider », affirme-t-elle, en souriant.

Des collégiennes qui s’essayent aux ateliers de réalité augmentée et réalité virtuelle, à l’occasion de la Smart City Week au campus CESI de Nanterre (Hauts-de-Seine), le 12 octobre 2023. © Diplomeo

Bien qu’elles soient encore éloignées du monde professionnel, Colline et Roxanne sont persuadées d’une chose : les métiers du BTP ne sont pas faits que pour les hommes. « On a les mêmes capacités, donc je ne vois pas pourquoi on ne peut pas travailler dans ces secteurs », s’interroge Colline.

« Il faut changer les mentalités, toutes mes camarades présentes aujourd’hui ont apprécié cette journée et peut-être qu’elles seront de futures femmes de chantier », déclare Roxanne.

Une inégalité de traitement ancrée dans la scolarité et l’orientation

À l’instar des collégiennes, les marraines d’Elles bougent auraient bien aimé participer à ce type d’atelier au cours de leur scolarité. Elles affirment que depuis leur plus jeune âge, elles se sont senties orientées par les adultes vers des métiers que l’onassimile avec facilité au genre féminin.

Parents, professeurs, conseillers d’orientation, société, les influences venaient de toute part. « Même si les miens ne m’ont jamais jugé, j’ai entendu d’autres parents dire “pourquoi on embête les femmes avec l’ingénierie alors que leur but est de devenir infirmière” », raconte-t-elle.

« J’expliquais à ma conseillère d’orientation que j’aime le relationnel et la communication, elle m’a rétorqué que je devais faire du social », Gaëlle, étudiante à CESI et marraine Elles bougent 

Même son de cloche du côté de Gaëlle. « Au lycée, j’expliquais à ma conseillère d’orientation que j’aimais le relationnel et la communication, elle m’a rétorqué que je devais faire du social », se souvient-elle. « Beaucoup de jeunes se tournent vers les CIO [Centre d’orientation et d’information, NDLR] pour s’orienter et ils sont encore beaucoup dans les stéréotypes. C’est un point à améliorer », constate l’étudiante.

Anne Becker et Gaëlle Jestin, étudiantes en alternance dans les métiers du BTP et marraines Elles bougent — sur le campus de l’école d’ingénieurs CESI à Nanterre (Hauts-de-Seine) © Diplomeo

Féminisation des métiers du bâtiment : les entreprises jouent le jeu

Dans le monde du travail, tout n’est pas tout noir ou tout blanc. Les marraines le remarquent, il y a de plus en plus de sensibilisation. « Il y a une grosse communication sur la féminisation des métiers du BTP avec de véritables actions, parfois de la part d’Elles bougent », confirme Gaëlle. « Plus les années passent, plus on est nombreuses dans ce domaine », remarque Anne.

La parité commence même à porter ses fruits, du moins dans l’entreprise où Anne effectue son apprentissage. « On est 48 % de femmes, ce qui est énorme pour une société de BTP », s’exclame-t-elle. « On parle souvent de CBC comme d’une entreprise féminisée, et c’était un choix de mon directeur ». De quoi attiser la jalousie de ses camarades de promo, qui sont parfois seules sur les chantiers.

En outre, les étudiantes indiquent que ce sont des sujets qui sont évoqués au sein de leur entreprise, y compris avec leurs collègues masculins. « Les garçons ne sont pas meilleurs que nous : on a la même formation, les mêmes difficultés », insiste Anne. « Si on forme une femme de la même manière qu’un homme, ça fonctionne finalement ».

Si ce constat est évident pour elles, cela peut beaucoup moins l’être pour leurs collaborateurs. Car si la sensibilisation doit se faire auprès des jeunes femmes, celle des hommes est d’autant plus importante. « Il y a des paroles déplacées, on va être assez intelligentes pour s’interposer et dire que ça ne va pas », commente l’étudiante. « Il y a certaines choses qui sont entendables et d’autres moins. » Le combat semble loin d’être gagné, car cela passe par l’éducation.

« C’est difficile parfois, de devoir être la cheffe d’un homme qui a 20 ans d’expérience de plus que moi et de lui dire ce qu’il doit faire. Puis, aussi le fait d’être managé par une femme », admettent les étudiantes, avant de conclure : « Le respect, cela se gagne. Dans nos entreprises respectives, beaucoup d’hommes s’investissent et aident les femmes, comme on s’entraide entre nous ».

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