Du livre au social, Katell nous raconte sa reconversion

À 58 ans, Katell Coroller Stabusch est assistante sociale à Saint-Brieuc depuis maintenant 12 ans. Veuve et mère de deux enfants, elle raconte le quotidien d’une libraire reconvertie.
Mis à jour le / Publié en août 2020
Lecture
Trouver mon école
Quelle école est faite pour toi ?
Prends 1 minute pour répondre à nos questions et découvrir les écoles recommandées pour toi !
Trouver mon école (1min 🕓)
https://f.hellowork.com/edito/sites/5/2020/08/18833.jpg
Du livre au social, Katell nous raconte sa reconversion

Que faisais-tu avant de te reconvertir ?

J’ai été libraire pendant 21 ans. J’ai donc suivi un brevet de technicien du livre après deux années de lettres modernes, complété par une formation de gestion de librairie à la chambre de commerce de Lyon en 1991. Après 16 années dans la même structure quimpéroise, ce diplôme complémentaire m’a permis de reprendre la maison de la presse de Saint-Quay-Portrieux, dernier emploi avant ma reconversion.

Pourquoi as-tu voulu te reconvertir ?

Au bout de 6 ans en maison de la presse, je suis tombée enceinte de mon deuxième enfant. Après une année sans emploi et sans indemnités due à mon statut de travailleur indépendant, j’ai cherché à me réorienter, car les horaires étaient trop contraignants. Le social est apparu comme une évidence puisque j’avais pensé devenir avocate étant jeune, plus spécifiquement en droit social.

Comment as-tu trouvé ta formation ?

Seule. Après des recherches, j’ai vu qu’il s’agissait obligatoirement d’un diplôme d’État en trois ans. L’accès à l’école se fait sur concours. Il y en avait une à Saint-Brieuc, j’ai donc repris mes études en formation continue, sur un rythme de 9h à 17h. Ce n’est pas très sélectif, il faut surtout avoir de bonnes qualités rédactionnelles et de synthèse.

En plus des stages et d’un mémoire de fin d’études, on a des cours de psycho et de socio que j’aurais aimé approfondir un peu plus, mais ce qui caractérise cette formation, c’est le questionnement perpétuel de nos professeurs sur nos motivations. L’éthique et la bienveillance sont fondamentales dans ce métier. C’est donc leur manière de séparer les profils qui ont les épaules pour faire face au quotidien difficile, de ceux qui manqueront de recul, au risque d’être maltraitant.

Comment as-tu financé ta formation ?

Comme c’est un diplôme d’État, ce sont des frais de scolarité équivalents à la licence puisque de niveau bac+3. Cependant, comme j’avais été indépendante je n’avais pas droit au chômage. Pendant deux ans, mes seules ressources ont été les allocations familiales de la CAF. La dernière année, mon fils a fêté ses trois ans et ces 400 euros mensuels ont été suspendus. Il n’y avait donc plus que le salaire de mon mari qui était marin pêcheur. Ça a donc été assez difficile, ce qui a provoqué quelques tensions. 

« Quand tu n’as pas été à l’école depuis longtemps, tu dois te réadapter au système scolaire. »

A-t-il été difficile de mener de front ta vie et ta reconversion ?

C’est assez compliqué. Quand tu n’as pas été à l’école depuis longtemps, tu dois te réadapter au système scolaire, à assimiler des connaissances, retrouver une méthodologie pour faire des fiches… enfin j’étais un peu perdue comparé aux jeunes qui sortaient de bac ou bac+2, encore en plein dans cette logique d’apprentissage.

En plus, je suis loin d’être une digital natives et l’utilisation régulière d’un ordinateur, de surcroît obsolète, n’a pas facilité l’adaptation. Il faut donc te remettre à niveau et tu t’exiles un peu de ta famille qui est obligée de suivre ton chemin. On a fini par trouver une organisation, mais il était temps que ça s’arrête. Particulièrement l’année du mémoire qui me paraissait insurmontable et m’a donc totalement absorbée.

Une fois diplômée, comment s’est orchestrée ta vie de jeune assistante sociale ?

Je suis entrée directement au conseil départemental du 22, mon premier choix. Il y a 3 pôles structurés autour de différents axes : l’accès au droit, pour les enfants comme les personnes âgées, la gestion du RSA et enfin l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance), où on s’occupe des enfants placés ou qui ont une mesure éducative. C’est ce dernier que j’ai intégré en tant que vacataire.

Pour être titulaire, il faut passer le concours de la fonction publique en catégorie B, maintenant passé en catégorie A. La sélection est rude et je ne l’ai malheureusement pas eu. J’ai donc été contrainte de partir. Avant de pouvoir intégrer l’organisme où je travaille depuis 10 ans, j’ai suivi un cursus complémentaire d’un an. Il me permet de m’occuper des mesures de tutelle curatelle.

En quoi consiste ton travail au quotidien ?

Les personnes placées sous tutelle curatelle n’ont plus accès à leurs biens. Notre travail consiste à gérer leurs ressources et à les protéger. Ce sont souvent des personnes atteintes de pathologies mentales ou en conflit intrafamilial. On s’occupe donc de l’administratif, mais aussi du soin, du logement ou encore de la gestion de patrimoine. L’aspect juridique prend aussi une grande part dans notre quotidien. Les procès, au pénal comme au civil, sont récurrents dû aux nombreuses pathologies et nos rapports de situation s’adressent à divers acteurs : avocats, famille, juges, éducateurs ou encore l’ASE.

« J’aime être au contact des gens et plus particulièrement de gens exclus de la société. »

Ton nouveau métier te plait-il ?

Malgré les responsabilités qui peuvent peser, car on est seul décisionnaire, j’aime ce que je fais. Hormis la stabilité de l’emploi, j’aime travailler en équipe, être au contact des gens et plus particulièrement de gens exclus de la société. Ils ont leur propre vision des normes sociales, ce qui oblige à une gymnastique d’esprit permanente pour interroger la limite entre la liberté individuelle et le respect des lois.

Mon expérience dans le domaine littéraire et donc ma capacité à me projeter dans un autre univers, à décrypter les différents protagonistes, m’a beaucoup aidé dans ce jugement entre normes sociales et normes des personnes sous tutelle. Je peux plus aisément me mettre à leur place, être en empathie avec eux.

Quelles sont les difficultés de cette fonction ?

En dix ans, le métier s’est dégradé. Le secteur à couvrir (130 km) est immense au regard du nombre de mesures par mandataire judiciaire à la protection des majeurs (60 à 67). De plus, on est très seul. Qu’il s’agisse des visites ou des prises de décisions, chaque dossier est géré individuellement. C’est donc très fatigant, tant moralement que physiquement. Au contraire, l’ASE a une approche collégiale pour chaque cas traité, ce qui est beaucoup plus sécurisant.

Comment vois-tu la suite ?

J’ai eu l’opportunité de retourner à l’ASE, mais ne l’ai pas saisie, ce que je regrette. En y retournant maintenant, à 4 ans de ma fin de carrière, je perdrais en salaire comme en indemnité de retraite. Avec l’expérience, la fonction publique paye plus que le privé. Mes collègues, en poste et en ancienneté équivalents, gagnent aux alentours de 2200 € quand je suis à 1800 €. Le problème est qu’en rebasculant tardivement sur ce système, tu perds obligatoirement puisque tu repars de zéro. Je serai donc payée comme une vacataire soit environ 1500 €.

La seule solution serait de reprendre une formation pour combler l’écart. En effet, mes 12 ans de carrière me permettent normalement de tenter le CAFERUIS (certificat d’aptitude aux fonctions d’encadrement et de responsable d’unité d’intervention sociale), qui permet de devenir chef de service. Cependant à mon âge, avec mon statut de veuve et de mère d’un ado de 16 ans, je ne peux pas me permettre de partir aussi loin (de Saint-Brieuc vers Rennes) pour me former. Mon fils est au lycée et ça engendrerait trop de bouleversements. Donc je ne sais pas, là encore j’hésite, mais l’aspect financier pèse aussi.

« Ce n’est pas évident de se reconvertir (...) Jusqu’à 50 ans, je dirais que c’est envisageable. »

Que dirais-tu à ceux qui souhaitent se reconvertir ?

Ce n’est pas évident de se reconvertir. Trouver un emploi à l’âge auquel j’ai passé mon diplôme était déjà limite. Jusqu’à 50 ans, je dirais que c’est envisageable, mais qu’après ça se complexifie puisque tu te réadaptes moins vite. Je ne m’imagine pas repartir dans un diplôme d’état aujourd’hui, ou alors sans vie de famille en parallèle. Avec la journée de travail dans les pattes, ce serait déjà très complexe. En tant que parent isolé, cette démarche n’est pas suffisamment accompagnée pour me lancer là dedans.

Trouve ton diplôme
en 1 min avec Diplomeo ! Trouver mon école

Plus de contenus Vie professionnelle

Toutes les actualités
Ne manque aucune info pour t’orienter
Deux fois par mois, reçois une newsletter par mail avec l’actu et nos conseils sur l’orientation.
En cliquant sur "S’inscrire", tu acceptes les CGU et tu déclares avoir lu la politique de protection des données du site Diplomeo