Orientation, alternance, insertion : l’école prépare-t-elle vraiment au monde du travail ?

Les jeunes n’ont jamais été aussi diplômés, pourtant l’insertion pro patine. Le système éducatif français est-il adapté aux réalités du terrain ? Sur ces enjeux, le think tank VersLeHaut ouvre le débat et avance plusieurs pistes “pour réconcilier savoir et faire”. 
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L’éducation constitue le fer de lance des préoccupations sociétales et fait face à de nombreux défis : révolution numérique, essor de la formation en alternance, mais aussi inégalités persistantes des élèves et évolution du rôle des enseignants.

Dans ce contexte, VersLeHaut, think tank dédié à l’éducation, a mené une étude approfondie intitulée « Le monde du Travail, nouvel horizon éducatif ? » pour dresser un état des lieux et proposer des pistes d’amélioration. 

Guillaume Prévost, délégué général de VersLeHaut, met en lumière des constats essentiels et invite à réfléchir sur des actions collectives pour repenser le système éducatif. « Le monde du travail joue un rôle clé pour la construction sociale, qui ne peut pas se faire uniquement à l’école », introduit-il. 

Des jeunes plus diplômés et une insertion pro fragile

Malgré une population de plus en plus diplômée, l’insertion des jeunes dans le monde du travail reste un défi dans l’Hexagone. En effet, 80 % des chefs d’entreprise jugent que l’école ne prépare pas suffisamment à la réalité professionnelle. Un paradoxe qui soulève des interrogations de fond sur l’adéquation entre l’éducation et les attentes des employeurs, selon la nouvelle étude du think tank VersLeHaut. 

Tandis que les parcours scolaires se sont allongés et que le nombre de diplômés a doublé depuis 2008, l’accès à l’emploi ne s’est pas amélioré. Seuls 45 % des 15-24 ans occupent un emploi en France (Insee), contre 50 % en Allemagne et 75 % aux Pays-Bas. La directrice de publication de l’étude, Camille de Foucauld, souligne un « piège du diplôme », sans que celui-ci ne réponde aux aspirations de la jeunesse ou aux besoins des entreprises. Selon elle, les jeunes se situent « dans une forme de course aux diplômes dont on pourrait s’extraire, comme en témoignent les nombreuses filières en tension ». 

Pour le think tank, la question de l’orientation et de la valorisation des formations professionnelles est essentielle. Lisa d’Argenlieu, doctorante en sciences de gestion à l’Université Paris-Dauphine-PSL et co-autrice de l’étude, observe qu’une pression scolaire s’exerce dès le collège, à l’âge de 14 ans. « Les jeunes sont en construction et c’est très difficile à cet âge-là de faire des choix. Ils connaissent peu les métiers, et cela cristallise les inégalités », explique-t-elle.

Inégalités sociales dans l’orientation 

Des inégalités, donc, qui se retrouvent dans les choix d’orientation : 1 élève sur 2 qui entre en seconde générale et technologique est issu des milieux modestes, contre 92 % contre des enfants des cadres. De même, 43 % des jeunes ont renoncé à un projet d'orientation par manque de confiance. 

Selon le think tank, une mauvaise orientation peut avoir des conséquences une fois dans la vie active : 72 % des 18-24 ans envisagent de changer d’emploi dans les deux ans, quand 1 actif sur 5 songe à une reconversion totale dans les 5 ans à venir. 

Lisa d’Argenlieu préconise l’expérimentation et le développement de ses compétences pour aiguiller au mieux les jeunes dans leur orientation. Par exemple, l’association ETRE accompagne des jeunes sans diplôme pour leur faire découvrir des métiers méconnus. « Expérimenter et développer ses compétences réelles, c’est peut-être découvrir qu’une aptitude manuelle peut servir aussi bien à être menuisier que chirurgien. Que l’empathie et le fait d’être debout toute la journée peuvent aider à devenir prof ou garagiste », assène-t-elle. 

L’alternance : un rempart « au fossé entre école et monde du travail » 

Parmi les pistes évoquées par le think tank VersLeHaut, l’alternance se présente comme un levier efficace. L’essor de ce mode de scolarité traduit un bouleversement des formations et une prise de conscience quant à ses avantages. « L’alternance, d’après nous, représente une solution parce qu’elle est justement un objet mixte à cheval entre l’école et le monde professionnel », insiste Camille de Foucauld, avant d’ajouter que ce système « encourage les jeunes à la responsabilisation et à l’autonomie »

La loi de 2018 sur l’apprentissage a ouvert des perspectives en facilitant ce mode de scolarité, mais le financement et la structuration de ces formations restent des points de blocage, en référence aux coupes budgétaires récentes sur l’aide à l’embauche d’un apprenti. « Cela fait 30 ans qu’on promeut l’apprentissage. Oui, ça coûte cher, mais il faut arrêter de voir ces arbitrages sous un angle purement administratif », prévient la directrice de l’étude. « Après 30 ans de débats, le cap du million d’apprentis a été franchi ». 

Camille de Foucauld dénonce, par ailleurs, la proposition de faire payer la CSG et la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS)aux apprentis qui vise à combler le déficit budgétaire. « Autrement dit, ce sont nos apprentis, nos jeunes en formation, qui devraient rembourser la dette sociale. Est-ce vraiment la solution que nous voulons défendre ? », concède-t-elle.

L’entreprise : lieu d’apprentissage peu valorisé

Dans le monde professionnel, d’autres interrogations émergent. La question de l’apprentissage au travail et de la formation continue se pose. « L’apprentissage entre pairs, qui était autrefois informel, est aujourd’hui très structuré et de plus en plus démocratisé », précise Attaa Ben Elafdil, diplômée de HEC Paris et co-autrice de l’étude. Elle peut être assurée par n’importe qui : un collègue, un ami, un mentor informel. « Il s’agit d’une approche plus collective et réciproque, où chacun peut être à la fois apprenant et enseignant », renchérit-elle.

En outre, certaines entreprises tentent de structurer les apprentissages en interne et encouragent l’autogestion ou le mentorat. « Toutes les parties prenantes deviennent apprenantes », constate Attaa Ben Elafdil, avant d’ajouter que ces initiatives restent limitées et souffrent d’un manque de reconnaissance institutionnelle.

10 propositions pour « réconcilier savoir et faire »

Ainsi, le think tank préconise plusieurs pistes pour « réconcilier savoir et faire ». Selon les auteurs de l’étude, « il s'agit de repenser l’éducation, non plus comme un simple facteur de distinction ou d’élévation sociale, mais comme un outil permettant un ancrage dans la réalité »

Voici les 10 points proposés par le think tank dans son étude : 

  • Créer des formations professionnelles attractives : pour préparer un titre professionnel « au niveau licence », qui ouvre la voie à un service civique, une mobilité à l’étranger ou un volontariat dans l’armée
  • Simplifier l’offre de formation en alternance : pour renforcer la lisibilité des titres et des certifications professionnelles
  • Diversifier les apprentissages tout au long de la scolarité : pour nourrir « le projet d’orientation »
  • Faire du brevet des collèges « un rite symbolique » qui marque la fin de la scolarité obligatoire
  • Diversifier les parcours après le collège
  • Confier la régulation de l’alternance aux partenaires sociaux
  • Développer l’éducation « entre pairs » dans les entreprises
  • Pérenniser le modèle économique de l’insertion
  • Promouvoir l’engagement éducatif des entreprises notamment avec la RSE

Dans un monde où le marché du travail évolue rapidement, VersLeHaut insiste sur l’urgence de repenser la place de l’éducation dans la société. « Nous sommes enfermés dans une vision où la réussite passe uniquement par un diplôme », conclut Camille de Foucauld. « Il est temps de réconcilier savoir et faire ». 

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