Combien coûte une story de Nabilla ou Léna Situations ? Quelle stratégie pour se démarquer sur les réseaux sociaux ? Quelles sont les limites éthiques et légales à respecter ? Derrière une simple campagne de publicité sur votre fil Insta ou TikTok, il y a un monde, que Jérémy Gisclon, plus connu sous le nom de Jeremstar, s’attache à décrypter auprès de ses étudiants.
Si certains sont restés sur l’image du “mec en train de pousser des hurlements dans sa baignoire”, l’influenceur et blogueur, à la tête d’une agence de communication digitale, est catégorique. “Derrière ce mec, il y a plein d'autres choses : tout un côté entrepreneurial, un vrai travail de fond”.
Pour la deuxième année consécutive, celui devenu célèbre avec ses interviews de stars dans une baignoire revêt le costume de prof à l’école de commerce de l’Inseec, à Paris. Il anime un module de “social commerce et social media”, dans lequel il s’applique, avec son franc-parler habituel, à révéler “l’envers du décor” de son métier de “communicant 2.0”. Il nous raconte.
@jeremstarJamais de dropshipping chez moi ! 🛒♬ son original - JEREMSTAR
Comment passe-t-on d’influenceur à prof en école de commerce ?
Ce terme “influenceur” me dérange toujours : on a malheureusement en tête, quand on l’évoque, l'image des gens de téléréalité qui ne font rien de leur vie à part faire des placements de produits. Dans mes activités, j'utilise bien sûr mon influence pour vendre des choses ou partager des valeurs, contre le cyberharcèlement par exemple. Mais je n’ai jamais été qu’influenceur, j'ai toujours eu un côté entrepreneurial.
"Certains pensaient que je donnais un cours sur comment devenir influenceur. Franchement, pas du tout"
C'est dans ce contexte-là que l’Inseec m'a démarché pour pouvoir, à travers les campagnes que je crée à mi-chemin entre l'influence et l'agence de com’, expliquer comment raconter une histoire. Que ce soit en social média ou en social commerce autour d'une marque, mais aussi autour d'institutions ou d'associations. Certains pensaient que je donnais un cours sur comment devenir influenceur. Franchement, pas du tout.
Quel est le but de votre cours ?
Je suis là pour déconstruire ce que les jeunes connaissent des agences de candidats de téléréalité ou des influenceurs, qu’ils associent facilement aux arnaques. Mon intervention permet de voir que, quand je travaille avec une marque, je vais créer un vrai plan de com’. J’explique que je ne passe pas ma vie à faire des placements de produits devant un mur blanc.
“Je suis là comme un chef d'entreprise créateur de contenu, pour expliquer aux étudiants comment on peut, avec la créativité, se démarquer du reste du métier qui a mauvaise réputation”, Jeremstar
Le but, c'est d’apprendre ce qu'est le social commerce et l'influence digitale : la vente en ligne implique la gestion d’un budget, l’activation de campagnes digitales ou encore tout ce qui touche aux données analytiques. Il y a aussi un aspect créatif, avec des influenceurs ou des marques pertinentes, en connaissant la réalité du marché.
J’enseigne aussi les questions éthiques et légales, notamment les limites posées par la récente “loi influenceurs”, qui a complètement fait évoluer le métier et grâce à laquelle les dérives sont en train de s’arrêter petit à petit. Pour résumer, mon cours, c'est un grand pot-pourri du commerce 2.0. Globalement, j’ai carte blanche, même si je dois respecter les grandes lignes de l’enseignement et des critères d’évaluation.
Qu’en pensent vos étudiants ?
Au début, je craignais que mes élèves ne me prennent pas au sérieux. Finalement, ils sont unanimes : ils avaient beaucoup d’a priori, puis ils ont fini par dire que par rapport à un prof qui est dans la théorie, ils ont appris beaucoup plus de choses avec mon module.
“On est plus vraiment à l’école, on est déjà dans le milieu professionnel”
Mes cours sont très vivants : j'essaie de faire participer la classe. Ce qui marche, c’est d’expliquer avec mon vécu, mes mots et ma personnalité, tout en restant naturel. On va droit au but. On est plus vraiment à l'école, on est déjà dans le milieu professionnel.
A quels métiers aspirent vos étudiants ?
Il y a un peu de tout : certains de mes étudiants s’intéressent à la partie plus technique de la communication ou de la vente en ligne ; d'autres veulent devenir créateurs de contenu. C'est pour ça que j'essaie de traiter à la fois le social commerce, avec tous les outils de vente et de gestion, mais aussi l’aspect créatif.
“Aujourd’hui, on est obligé de parler de l’influence en école de commerce ou de communication”
Aujourd'hui, on est obligé de parler de l'influence en école de commerce ou de communication. Parce que l'influence est un ressort qui apporte une vraie visibilité, et qui rapporte pas mal d’argent, de la même manière que l'affichage métro ou que le magazine. Pour autant, même si les jeunes maîtrisent déjà bien les réseaux sociaux, je leur apprends aussi à ne pas compter que sur ces outils : je leur demande de me proposer une action digitale autre que l'influence, dans le cadre d'une campagne de la “vraie vie”, ailleurs que sur Internet.
Quels conseils à un jeune qui veut travailler dans le monde de l’influence ?
Le plus important, c’est d’avoir quelque chose à proposer, pas de juste vouloir devenir influenceur. Si, par exemple un jeune veut devenir influenceur voyage et qu'il a un vrai talent pour partager des cultures, faire du montage vidéo, avec un oeil, un certain esthétisme… Bref, être un vrai créateur de contenus, alors oui !
“Aujourd’hui c’est de plus en plus difficile d’arriver à se démarquer”
Je le répète souvent : influenceur, au sens premier du terme, ça n'est pas un métier ! Il faut avoir avoir quelque chose à proposer pour devenir influent, pour ensuite pouvoir travailler avec des marques ou créer du contenu qui nous rapporte de l'argent. Il faut avoir les compétences, acquises à l’école notamment, réfléchir à sa ligne éditoriale… Il faut qu’il y ait du fond derrière. Surtout que le marché est ultra saturé. Donc aujourd'hui, c'est de plus en plus difficile d’arriver à se démarquer.
Comment voyez-vous la suite de votre carrière de prof ?
Être prof, c’est un rêve de gosse : aujourd’hui, les peluches avec lesquelles je jouais dans ma chambre ont été remplacées par de vrais élèves ! Même si, au début, j’avais beaucoup d’appréhension, je suis hyper content. Cette année, l’Inseec m’a confié deux classes, il n’y en avait qu’une seule l’année dernière. C’est très gratifiant !
C’est la première fois qu’une école de commerce embauche quelqu’un comme moi. C’est très novateur et ça s’inscrit complètement dans ma philosophie d’être à contre-courant. C’est ce qu’a fait l’Inseec et finalement, le pari est réussi ! Après, je doute que je ferai ça toute ma vie. J’aime mon rythme mouvementé, et avoir un truc comme ça, non-stop du lundi au vendredi, ce n’est pas non plus pour moi.