Le Cyber Humanum Est consiste en un exercice immersif et grandeur nature de cybercrise. La cinquième édition se tient en cette fin du mois de janvier, du lundi 27 au mercredi 29, sans interruption. Pour plus d’une centaine d’étudiants, c’est l’occasion d’achever leur formation en cybersécurité, essentiellement devant des ordinateurs et dans des tentes militaires, 24 h/24.
Pour immerger les étudiants dans l’univers du cybercombat, le Commandement de la Cyberdéfense (COMCYBER) — en collaboration avec la Base de Défense de Nancy, l’Université de Lorraine et d’autres acteurs académiques, industriels et institutionnels — a imaginé un univers évolutif, sur mesure.
La lutte informatique : offensive, défensive et d’influence
Archipel des Maladives. Trois mots qui rassemblent trois territoires : Les Riverchelles, Cryptanga et Anuméric. La première île est en première ligne de la fonte des glaces — un phénomène qui réduit sa superficie, jusqu’à mettre fortement à mal sa principale activité : le tourisme. Les épisodes caniculaires se multiplient et la population est aux abois. Son sol regorge de lithium, mais les Riverchelliens ne savent ni l’extraire ni l’exploiter.
La deuxième île se distingue par son industrie gazière très moderne. La troisième, elle, rayonne grâce à son centre hospitalier de rang mondial et sa production d’énergie verte. Par ailleurs, Les Riverchelles lui ont cédé l’exploitation minière de leurs sols. En parallèle, Anuméric y déploie des infrastructures sanitaires et un parc énergétique optimales.
Dans le même temps, un conflit ronge la région de la Cybérie Australe, opposant la Rootie d’un côté et l’Uacranie de l’autre. Cryptanga soutient les revendications de la Rootie et lui vend du matériel, tandis qu’Anuméric soutient et arme l’Uacranie. C’est là l’univers fictif que le COMCYBER a développé, en s’inspirant du contexte géopolitique actuel.
Les 115 étudiants sont répartis en 3 équipes qui s’affrontent : les Anuméric, les Cryptanga et l’APT54. Les deux premières doivent obtenir le soutien des Riverchelles dans le conflit en Cybérie Australe, en même temps qu’elles leur vendent leurs avancées et gardent la main mise sur leur lithium. La troisième agit pour le compte de dissidents nationalistes et de résistants riverchellois, et ne veut voir aucun de ces deux pays parvenir à ses fins.
© Diplomeo - Image de vidéosurveillance, en direct de la tente de l’équipe Cryptanga.
Ce cadre réaliste doit permettre de faire découvrir les missions de la cyberdéfense militaire :
- La lutte informatique défensive, dont le but est de « protéger et défendre les systèmes d’information du ministère des Armées », explique le contre-amiral Vincent Sébastien, officier général adjoint au COMCYBER.
- En ligne de mire également, la lutte informatique offensive, qui consiste à « attaquer des systèmes adverses à des fins de renseignement », ou pour contrer des menaces.
- Sans oublier la lutte informatique d’influence, laquelle implique de « détecter, caractériser et contrer des attaques de nature informationnelle contre nos armées déployées en opérations », précise le contre-amiral.
Si les étudiants sont formés sur toute la partie technique de la cyberdéfense en cours de formation, lors du Cyber Humanum Est, ils apprennent la gestion et la communication de crise en conditions quasi réelles. « Il se passe plein de choses et on les met en difficulté tout au long des trois jours. », précise Marion Gilson, professeure à l’Université de Lorraine, responsable de la spécialité ingénieur IA2R à Polytech Nancy.
Cette année, l’exercice monte en gamme pour ce qui est de l’immersion. Une IA générative simule la population des Riverchelles : citoyens lambdas, pro-indépendantistes, pro-Anuméric, pro-Cryptanga… Ce sont plus de 10 000 individus fictifs qui prennent vie. L’IA crée des discussions, en temps réel, sur les réseaux sociaux riverchelliens : des mines d’or d’information pour les équipes qui s’affrontent, notamment pour ce qui est de la cyber-influence.
Une préparation opérationnelle pour former des profils variés en cyber
Les futurs diplômés qui ont pris part au Cyber Humanum Est 2025 sont issus de différentes formations de différents établissements de la région Lorraine :
- Les écoles d’ingénieurs Mines Nancy, Télécom Nancy et Polytech Nancy
- Le master SIRAV (Sécurité informatique, réseaux et architectures virtuelles) de la Faculté des Sciences et Technologies
- Les masters VSOC (Veille stratégique et organisation des connaissances) et SIS (Sécurité de l’information et des systèmes) de l’Université de Lorraine
- Le parcours Cybersécurité du BUT Réseaux et Télécoms de l’IUT Nancy-Brabois
Tous les étudiants réunis mettent en commun leurs savoir-faire. « Nous avons besoin d’hommes et femmes extrêmement qualifiés en cyber », soutient le contre-amiral Vincent Sébastien, après avoir rappelé l’urgence d’une cyberdéfense solide et qui innove. « Vous connaissez le contexte actuel : il y a une conflictualité dans le cyberespace qui explose, liée à une croissance assez exceptionnelle de la connectivité et de l’émergence permanente de nouvelles technologies. Il n’y a pas un jour sans une attaque à déplorer ».
© Diplomeo - L’ambassade Anuméric, sur le territoire Cryptanga.
La cyberdéfense : un secteur d’avenir pour de futurs diplômés donc, avec un large champ de profils recherchés, allant du niveau bac à bac+6. Parmi les professionnels recherchés actuellement et demain, on compte des hackers éthiques, des auditeurs pour tester la solidité des réseaux, des spécialistes de la protection des données et de l’analyse du risque, mais également des linguistes ou encore des psychologues, pour ne citer qu’eux.
Pour Noé, élève-ingénieur en spécialité cybersécurité à Télécom Nancy, cet événement représente un tournant dans sa formation : « C’est quelque chose que l’on attend toute l’année, car c’est l’apogée de tout ce que l’on a appris et il vient aussi marquer la fin des études, avant notre départ en stage ».
Axel, lui, diplômé en 2023 de la spé Informatique, automatique, robotique, réseaux (IA2R) de Polytech Nancy, fait partie des alumni qui encadrent l’exercice, aux côtés des autres acteurs militaires, académiques et professionnels. Il y a deux ans, le jeune homme avait pu participer lui aussi au Cyber Humanum Est. « C’est un exercice important qui concrétise la mise en pratique d’années d’études. Je trouve cela important que des anciens soient là pour accompagner les participants », nous confie-t-il.
À l’issue de cette semaine mouvementée, une cérémonie de remise de prix récompense les équipes et les participants en fonction de leurs points forts. Un forum de recrutement permet également aux étudiants intéressés d’intégrer le COMCYBER ou des entreprises partenaires, comme Siemens, Orange ou encore Geoide.