Ce n’est pas un hasard si le Ministère du Travail, représenté par la ministre Muriel Pénicaud, a choisi le Musée des arts et métiers pour présenter sa campagne #Démarretastory, visant à valoriser l’apprentissage chez les jeunes. En effet, plus de 3000 apprentis évoluent au sein du CFA du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM). Lundi 23 avril 2018, la ministre du Travail entourée de divers intervenants, dont de nombreux jeunes en apprentissage, est donc venue présenter son plan pour développer ce mode de formation souffrant d’un déficit de notoriété en France.
D’où provient la nécessité de cette campagne ?
#Démarretastory trouve sa raison d’exister dans un constat simple : aujourd’hui, seuls 400 000 jeunes de 16 à 25 ans ont suivi la voie de l’apprentissage, soit 7 % d’entre eux. Pourtant, en France, il existe 1,3 million d’individus se situant dans cette tranche d’âge et qui sont sans activité - ni en poste, ni en études, et n’ont donc « nulle part où se projeter » selon les dires de Muriel Pénicaud. Un constat alarmant qui pourrait être solutionné par la progression du mode de formation en apprentissage, affaibli par un manque d’informations ajouté à quelques idées reçues persistantes.
En effet, le point noir de l’apprentissage reste le fait qu’il soit souvent associé à une formation réservée aux métiers manuels et à un niveau de diplôme très bas. Aussi, nombreux élèves et surtout parents refusent de s’engager dans cette voie, freinés par plusieurs craintes : ne pas obtenir de qualification reconnue et valorisée sur le monde du travail, ou encore s’enfermer dans un savoir-faire et des compétences qui ne donneront accès qu’à un seul corps de métier.
Face à cette situation, le gouvernement a donc entrepris de faire grossir les rangs des apprentis en France, via plusieurs recours.
Le plan d’attaque du gouvernement
Dans un premier temps, les points d’une réforme de l’apprentissage ont été annoncés par le Premier ministre Édouard Philippe et la ministre du Travail Muriel Pénicaud en février 2018. Ils promettent de multiples changements pour améliorer les modalités de ce mode de formation, de l’augmentation du salaire des apprentis à l’élargissement de la tranche d’âge de ces derniers jusqu’à 30 ans.
La campagne « Avec l’apprentissage, #Démarretastory » vient donc appuyer ce projet de réforme en communicant autour des avantages et des bienfaits de ce système de formation. Pour ce faire, un seul mot d’ordre : les jeunes parlent aux jeunes. Muriel Pénicaud a ainsi affirmé qu’il ne s’agissait pas d’une campagne institutionnelle. Avec #Démarretastory, la ministre veut « casser les codes » et « créer le buzz » autour de l’apprentissage.
Sur la forme
La campagne repose sur des petites vidéos de plusieurs dizaines de secondes sur le modèle des Snapchat et autres Instagram, si prisés des « millenials ». On y voit des apprentis raconter leur quotidien et vanter les mérites de leur formation par des mots simples, percutants : « Vivre de ma passion, c’est quand même plus raisonnable » ou encore « Pour me faire une idée, j’ai eu l’idée de faire ». Des témoignages de jeunes comblés, pour que « cet enthousiasme soit contagieux » d’après Muriel Pénicaud.
Ces formats courts reprennent de façon évidente tous les codes des réseaux sociaux et de ce qui plaît visuellement aux plus jeunes, de la façon de filmer en stop motion à la musique électronique en fond sonore, en passant par l’insertion de hashtags et d’emojis à tout va.
La campagne sera — évidemment — diffusée sur les réseaux sociaux, notamment via un partenariat avec deux Youtubeurs connus des jeunes internautes. Tout pour gagner en visibilité auprès des éventuels futurs apprentis.
Sur le fond
L’objectif ? Démontrer que l’apprentissage est un choix, et un choix que l’on ne regrette pas. Selon Patrick Liébus, président de la confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment, et ancien apprenti, suivre ce mode de formation s’apparente à un « véritable ascenseur social » et une voie de réussite certaine. En effet, 70 % d’entre eux trouvent un emploi dans les 7 mois suivant la fin de leur formation.
Yves-Marie Le Bourdonnec, boucher réputé passé lui aussi par la voie de l’apprentissage, affirme que les métiers auxquels il prépare sont ouverts, et qu’il est tout à fait possible d’évoluer et changer de profession au cours de sa vie professionnelle. Tout comme l’explique la ministre du Travail : « ça ouvre le champ des possibles ».
Par ailleurs, Muriel Pénicaud a ajouté qu’il s’agissait d’un « choix d’autonomie et de maturité » pour des jeunes qui se responsabilisent plus vite et peuvent développer un sens aigu de l’entrepreneuriat : un quart des apprentis finissent par fonder leur entreprise.
Autant d’atouts non négligeables qu’offre la voie de l’apprentissage, et que la campagne #Démarretastory a vocation à défendre et promouvoir auprès des 16-25 ans.
Paroles aux jeunes
Le lancement de la campagne #Démarretastory a été l’occasion pour Diplomeo de rencontrer deux jeunes apprentis qui nous ont parlé de leur expérience.
Kevin, apprenti dessinateur en bâtiment chez SATEB, un bureau d’études de plomberie.
Quel est ton parcours ?
J’ai obtenu mon CAP plâtrier-plaquiste que j’ai suivi pendant deux ans dans l’entreprise SUG Rénovation. J’ai ensuite voulu poursuivre mes études avec le Bac puis un BTS études et économie de la construction.
Pourquoi ce choix de l’apprentissage ?
Quand j’étais en 3e, au collège, on m’a parlé de trois poursuites d’études différentes : le lycée, le lycée pro ou l’apprentissage. On m’a présenté les avantages et inconvénients de chaque possibilité. J’ai trouvé que l’alternance était une méthode de formation qui est totalement différente des autres et plus adaptée à ce que je recherchais : avec une expérience professionnelle et une expérience pratique.
Que savais-tu de l’apprentissage avant de commencer ?
Je savais déjà à quoi m’attendre, car mon oncle était lui-même apprenti, il a ouvert sa boîte dans laquelle j’ai travaillé pendant deux ans. Je ne me suis pas posé vraiment de question, je n’étais pas un fan de l’école et c’était ce qui me correspondait le plus.
Si tu devais donner les avantages et inconvénients de l’apprentissage en quelques points ?
On ne va pas se le cacher, l’atout principal reste le salaire. Cela permet aussi d’être plus mature, on apprend à gérer notre argent, avoir une vie professionnelle comme les adultes. Pour ce qui est des inconvénients, je dirais le fait de ne pas avoir de vacances. Il faut savoir qu’il faut donner beaucoup et s’investir énormément, peut-être plus qu’au lycée.
Que penses-tu de la campagne #Démarretastory ?
J’ai été contacté par le CCCA-BTP (premier réseau d’apprentissage dans le bâtiment en France) qui m’a proposé d’y participer, et j’ai tout de suite dit oui. C’est une très belle campagne qui met en valeur l’apprentissage.
Awa, à la recherche d’une entreprise pour un DUT techniques de commercialisation en alternance.
Peux-tu nous parler de ton parcours ?
Je suis actuellement en classe préparatoire pour un DUT techniques de commercialisation que je compte suivre en alternance. Après mon DUT, je souhaite faire une licence en management, en alternance également. Sur le long terme, j’ai pour projet d’évoluer dans le management et d’ouvrir mon propre restaurant.
Que savais-tu de l’apprentissage avant de vouloir en faire ?
Je ne connaissais pas l’apprentissage avant. Quand on m’en a parlé, on m’a dit que c’était ce qui permettait d’accéder plus vite au monde professionnel, et comme je n’étais pas dans l’optique de multiplier les années d’études, c’est le parcours que j’ai choisi.
Qu’en ont pensé tes parents ?
Mes parents n’étaient pas trop pour au départ, car ils ne connaissaient pas cette voie. Mais ils savent que si j’ai choisi de faire de l’apprentissage, c’est parce que c’est ce qui me correspond le mieux. Ils ne se sont donc pas opposés à mon choix.
Trouves-tu que les jeunes sont assez informés sur l’apprentissage ?
Je pense qu’on n’en parle pas assez. Là où il faut essayer de faire changer les choses avant tout, c’est au niveau des entreprises, car elles ne prennent pas assez d’alternants. De façon générale, je pense qu’il existe trop de cases : l’apprentissage, c’est pour les pros, et les écoles de commerce, c’est pour les généralistes. Moi par exemple, j’ai fait un bac ES, et ce n’est pas pour autant que je compte suivre une école de commerce. Je pense qu’il faut ouvrir les barrières et expliquer de l’apprentissage, ce n’est pas « pour les nuls ». Tout dépend du profil et de la personnalité de chacun.