Faire du lycée professionnel une « voie d’excellence ». Tel est l’objectif du président de la République, Emmanuel Macron, qui s’est engagé à réformer la voie professionnelle.
En visite ce jeudi 4 mai 2023 au lycée Bernard-Palissy de Saintes (Charente-Maritime), le chef de l’État, accompagné de ses ministres de l’Éducation nationale, Pap Ndiaye et de l’Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, a détaillé une série d’annonces dans le cadre de la réforme.
Celle-ci repose sur trois axes : une lutte contre le décrochage scolaire, une insertion professionnelle favorable et une revalorisation de l’engagement des enseignants de la voie pro. « Malgré l’investissement de la nation et le dévouement, nous ne sommes pas au bout de la promesse que nous devons à ces élèves », a déclaré le président de la République. « C’est près d’un milliard par an que nous allons investir pour les lycées professionnels », a-t-il ajouté.
Avec vous à Saintes en Charente-Maritime pour présenter la réforme pour nos lycées professionnels. Ce que je propose, c’est une mobilisation de tout le pays. https://t.co/V3INcrjc0h
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 4, 2023
Décrochage scolaire, insertion pro, engagement des enseignants : les trois axes majeurs pour la réforme
Le constat a été rabâché sans relâche, tant par Emmanuel Macron que Carole Grandjean. Si un tiers des élèves sont scolarisés en lycée professionnel, un tiers d’entre eux sont aussi des décrocheurs. « C’est ça la réalité nationale », a martelé le chef de l’État. Dans le détail, 621 000 jeunes et 64 000 apprentis étudient actuellement dans la voie professionnelle.
Pour lutter contre le décrochage scolaire dans un désir de « filière d’excellence », le gouvernement souhaite, comme premier axe, accompagner les lycéens dans leurs apprentissages. Selon l’Élysée, cela passe par du soutien scolaire et orienter les élèves « vers tous les acteurs qui pourront lui trouver le parcours adapté » à leurs envies professionnelles.
Le deuxième axe, c’est d’accompagner les jeunes vers l’insertion professionnelle. « Je veux que le lycée professionnel redevienne la voie vers l’emploi et suscite des vocations », a affirmé Emmanuel Macron. Selon lui, des centaines d’emplois en France sont non pourvus et les « 15 métiers qui recruteront le plus d’ici 2030 » seront issus de la filière pro.
Le troisième et dernier point concerne les professeurs. « Je rends hommage aux enseignants qui portent l’excellence et sont pleinement mobilisés derrière nos élèves », a précisé le chef de l’État. La question de la hausse de leur salaire a été mise sur la table. Emmanuel Macron a annoncé des revalorisations salariales, en contrepartie de nouvelles missions ou non. Tous les enseignants bénéficieront d’une augmentation comprise entre 1100 et 2600 euros net par an. Pour ceux qui accepteront des tâches complémentaires, cette rémunération atteindra jusqu’à 6785 euros net annuels.
Un « temps dédié » à la découverte des métiers en classe de 5e
C’était une annonce attendue. À partir de la rentrée 2023, les élèves de 5e bénéficieront d’un « temps dédié » pour découvrir des professions. Une mesure mise en place dès le collège, toujours dans un contexte de lutte contre le décrochage scolaire.
« Des professionnels présenteront les métiers, notamment en tension, les besoins et les métiers de demain. Les enseignants du lycée pro seront associés à ce travail », a déclaré le président de la République.
Un accompagnement pédagogique personnalisé
Le gouvernement souhaite personnaliser au mieux l’accompagnement pédagogique des élèves de la voie professionnelle. Cela signifie attribuer davantage de moyens vers les lycées professionnels et les jeunes. « 40 % des élèves ont une maîtrise fragile de la lecture » en arrivant en seconde, a constaté le président.
Ainsi, il a proposé des dispositifs d’accompagnement pour ces élèves : du soutien scolaire, des « parcours de consolidation » ou encore des cours en petits groupes, en fonction des établissements. « Il faut chercher les jeunes qui sont en difficulté, avoir des solutions flexibles pour éviter la déscolarisation ».
Enfin, Emmanuel Macron veut intégrer une seconde langue vivante dans les enseignements généraux. Jusqu’à présent, les élèves n’en étudient qu’une, le plus souvent l’anglais.
Des stages rémunérés par l’État et de la souplesse en terminale
C’est la grande nouveauté de cette réforme. Les apprentis qui effectuent leur stage en entreprise dans le cadre de leurs études seront rémunérés par l’État. Cela concerne notamment les élèves de CAP et de bac pro. En première année, l’indemnité sera de 50 euros par semaine, de 75 € en deuxième année et de 100 € net en troisième année.
En terminale, Emmanuel Macron promet plus de « souplesse », en fonction du projet professionnel du lycéen. S’il souhaite intégrer le marché du travail une fois diplômé, la durée de ses stages augmentera de 50 %. Si, au contraire, ce dernier a pour objectif une poursuite d’études dans l’enseignement supérieur (notamment en BTS), il aura un mois de cours supplémentaires.
Une carte de formation retravaillée : fermer des filières et en ouvrir d’autres, selon les besoins des territoires
Pour répondre au mieux aux besoins des entreprises et plus généralement du marché de l’emploi, Emmanuel Macron appelle à une refonte de la carte des formations du lycée professionnel. Selon les métiers en tension qui ne trouvent pas de candidats et à l’inverse des filières ayant trop peu de débouchés, certains cursus vont être ouverts et d’autres vont être supprimés. « C’est la réalité des métiers d’aujourd’hui ».
« Des secteurs comme la rénovation énergétique des bâtiments, des énergies renouvelables, du numérique et du nucléaire » nécessitent une main-d’œuvre qualifiée dans les prochaines années. « Il faut ouvrir là où il faut (…) et quand il y a un mauvais accès dans le supérieur ou peu d’insertion professionnelle, il faudra fermer cette formation » poursuit-il, et « cela doit se faire au niveau des territoires ». Ces filières seront supprimées d’ici au printemps 2024.
Sur ce point, le chef de l’État veut donner à chaque établissement, dans les prochaines semaines, les chiffres du taux d’insertion professionnelle et de poursuite d’études. L’idée est que ces données puissent être consultées par les jeunes et leurs familles sur des sites dédiés.
« Les formations en lycée pro doivent être le reflet du monde de travail, avec plus de liens entre le monde éducatif et l’entreprise », ajoute Emmanuel Macron. Ainsi, il a développé l’idée d’un mentorat pour les élèves qui pourraient « bénéficier de conseils et de vie de carrière d’un aîné ». Il se donne jusqu’à l’horizon 2025 pour y parvenir.
Une annonce présidentielle, sur fond de protestations contre les réformes
Ces annonces n’ont évidemment pas été au goût de tous, notamment des syndicats, de l’opinion publique et, bien sûr, de la communauté éducative.
La CGT Énergie, en conflit avec l’exécutif depuis plusieurs mois suite à la mobilisation contre la réforme des retraites, a coupé l’électricité dans le lycée où s’est présenté le président ce matin. « On veut montrer la véritable image de la France qui n’est pas résignée en dénonçant la mascarade », a expliqué Julien Batoux, le secrétaire général de la CGT de Saintes, au Parisien.
🔴 SAINTES : ENVAHISSEMENT DES VOIES POUR ACCUEILLIR MACRONUne manifestation spontanée vient d’envahir les voies de train avant d’être stoppée par la formation d’un cordon de CRS à Saintes. Forte détermination sur place pour se faire entendre de la part des manifestants. pic.twitter.com/jaju3EgXrc
— Révolution Permanente (@RevPermanente) May 4, 2023
Par ailleurs, nombreux sont les manifestants qui étaient présents non loin de l’établissement dans lequel Macron se trouvait pour partager ses annonces. Des travailleurs, mais aussi des enseignants et autres personnels de l’Éducation nationale, en totale opposition avec la réforme du lycée professionnel.
Réforme du lycée professionnel : « moins d’école et plus de stages, ça suscite moins de réussite »
De son côté, Sigrid Girardin, la secrétaire générale du principal syndicat des personnels de la voie pro, le SNUEP-FSU, a réagi en direct des manifestations. Selon elle, la réforme « c’est offrir de la main-d’œuvre gratuite, des jeunes à partir de 15 ans, c’est scandaleux ». Elle dénonce la gratification proposée par le président qui est « conditionnée aux stages en entreprise » et « payée avec de l’argent public ».
« La page des #retraites n’est pas tournée » @GerardinSigrid@SNUEPFSU est venue depuis Paris pour manifester à #Saintes avec les personnels de l’éducation.Réforme de la #VoiePro : « C’est offrir de la main-d’œuvre gratuite, des jeunes à partir de 15 ans, c’est scandaleux » pic.twitter.com/F9BFE2ifUI
— Marie-Laure GB (@MarieLaureGB) May 4, 2023