C’est un terme que l’on entend régulièrement dans le monde professionnel depuis quelques années. Le bullshit job est un vocable anglais qui se traduit généralement par « travail inutile » ou « emploi à la con ». L’expression a été théorisée en 2013 dans un article par David Graeber, un anthropologue américain, puis en 2018 dans son ouvrage intitulé Bullshit Jobs : A Theory.
Selon l’auteur du livre éponyme, le bullshit job se caractérise par un emploi qui ne sert à rien, où la personne qui l’exerce peut ressentir de la frustration ou une forme d’aliénation. En d’autres termes, le salarié n’aurait pas l’impression de contribuer activement à la société, car son travail et ses tâches quotidiennes en entreprise sont vides de sens. On fait le point.
Cinq catégories de bullshits jobs
Une expression qui s’inscrit dans la bureaucratisation. En 1931, l’économiste britannique John Maynard Keynes imaginait qu’à l’horizon 2030, les salariés auraient des semaines de travail rythmées à 15 heures par semaine. Une réduction du temps de travail, grâce aux avancées technologiques et à la productivité des pays industrialisés. Néanmoins, si les progrès sont bien visibles, l’anthropologue américain ne l’entendait pas de cette oreille.
D’après David Graeber, « la technologie a été manipulée pour trouver des moyens de nous faire travailler plus ». Pour lui, cela passe par des emplois qui « ont dû être créés et qui sont, par définition, inutiles ». Une théorie du bullshit job qu’il confronte face aux professions dites « utiles » comme les médecins, les enseignants, les éboueurs ou les mécaniciens.
Ainsi, l’ancien anthropologue de la London School of Economics a identifié dans son livre cinq types de jobs inutiles :
- Les flunkies (serviteurs ou larbins) : des salariés qui travaillent dans le but de mettre en valeur la clientèle ou leur hiérarchie
- Les box tickers (cocheurs de cases) : des personnes qui existent uniquement pour s’assurer que quelque chose est bien fait au sein d’une organisation. L’exemple qui revient souvent, ce sont les questionnaires clients des entreprises.
- Les duct tapers (bricoleurs ou sparadraps) : des métiers qui visent uniquement à régler les problèmes d’une entreprise.
- Les goons (matraqueurs) : des métiers inventés pour défendre des intérêts de salariés.
- Les taskmasters (petits chefs ou contremaîtres) : des personnes qui surveillent des salariés, qui sont censées être autonomes.
David Graeber estime, par le biais de ces cinq catégories de bullshits jobs, que dans tous les emplois qui entrent dans ces catégories, les salariés n’ont pas l’impression de contribuer à la société.
Quels métiers peuvent être considérés comme un bullshit jobs ?
Avant toute chose, il convient de noter que le terme bullshit job a une connotation différente, en fonction des individus. Dans le monde du travail, tous les collaborateurs ne partagent pas les mêmes opinions sur la définition. De fait, qualifier certains emplois de « job à la noix » peut être sujet à débats.
Dans la vie professionnelle, les bullshits jobs sont souvent corrélés à des tâches répétitives. Par exemple, le salarié peut passer ses journées en réunion, appeler des clients pour vendre un produit dont il n’a pas besoin, remplir des tableaux Excel et faire du copier-coller ou encore réaliser des slides à longueur de journées sur PowerPoint.
Force est de constater, par ailleurs, que ce sont des salariés qui, souvent, ont fait de longues études et exercent des activités qui sont très bien rémunérées.
Si les « emplois à la con » ne sont pas nécessairement des postes existants (excepté le Happiness manager, peut-être ?), les anglicismes qui y sont souvent connotés peuvent donner l’impression, notamment pour la Génération Z, d’exercer un emploi vide de sens.
Selon un sondage Opinionway publié en 2021, plus d’un tiers des Français ne trouvent plus de sens dans leur travail. C’est ce que l’on appelle le Brown out, que l’on traduit par un « manque d’énergie » professionnel. Ce qui les conduit souvent à démissionner par ennui, voire même par dépression. Ce n’est pas donc tant le métier qui est bullshit en soi, c’est ce qu’on en fait.