Peut-on porter une croix, un voile, une kippa ou tout autre signe ou vêtement religieux dans un établissement de l’enseignement supérieur ?
Si la question revient régulièrement dans l’actualité, la loi est très claire à ce sujet pour les établissements publics, dont les agents relèvent du service public et sont soumis au principe de neutralité. Les étudiants peuvent, eux, afficher un signe ostentatoire religieux, dans le cadre de leur liberté d'expression.
Pour l'enseignement supérieur privé, les agents ne sont pas soumis à ce principe de neutralité. Les établissement peuvent établir leurs propres règles dans leur règlement intérieur, dans le respect du Code du travail. On fait le point.
Les vêtements religieux autorisés dans le public
La loi de 2004 sur la laïcité dispose que "dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit". Les étudiants des établissements de l'enseignement supérieur public ne sont donc pas concernés par cette interdiction.
Cependant, les établissements du supérieur publics sont soumis au principe de laïcité, en vertu Code de l’éducation (article L 141-6). Dès lors, les enseignants et personnels sont soumis aux règles de neutralité applicables à tout agent public. Ils ne doivent donc pas manifester leurs convictions religieuses dans l’exercice de leur fonction.
En revanche, les étudiants peuvent porter des signes religieux, dans le cadre de la liberté d’information et d’expression qui leur est reconnue (article L. 811-1 du Code de l’éducation). Cette liberté ne doit pour autant pas porter atteinte, ni aux activités d’enseignement et de recherche ni à l’ordre public, comme le précise le ministère de l’enseignement supérieur, dans une note parue en 2015.
Certaines filières publiques sont soumises au principe de laïcité du secondaire. Comme les classes prépas ou les BTS (dont les cours ont lieu au lycée), ou les Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (où les étudiants sont fonctionnaires stagiaires).
Les tenues vestimentaires doivent ainsi être conformes aux règles de sécurité et d’hygiène et être adaptées aux activités. Comme notamment les tenues liées aux travaux pratiques en laboratoire ou aux activités sportives, souligne cette note. Une tenue ne doit pas non plus gêner le contrôle de l’identité lors d’un devoir surveillé.
Prosélytisme et trouble à l’ordre public interdits
Comme le rappelle le ministère de l’Enseignement supérieur dans sa note, "l’Université doit être ouverte sur le monde, il n’est donc pas question d’empêcher les étudiants d’y exprimer leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques". Cette liberté est permise, là encore, dans la limite de certains principes.
Le prosélytisme et les troubles à l’ordre public sont ainsi interdits dans le supérieur. Cela signifie qu’un étudiant ne peut inciter ses camarades à prier, à adopter certaines pratiques ou à se convertir dans son établissement d’études. Il est, en outre, interdit de prier dans l’enceinte des établissements (couloirs, toilettes ou salles de cours vides), à moins qu’une salle dédiée oecuménique (universelle) soit mise à disposition des étudiants.
La loi de 2010 interdit, pour des raisons de maintien de l'ordre public, le port d’une tenue destinée à dissimuler son visage dans l'espace public, comme le voile intégral.
Pour appuyer ce cadre légal, la Conférence des présidents d’universités (CPU) a élaboré, en 2004, un guide “laïcité et enseignement supérieur”, qui souligne que les étudiants sont considérés comme un public responsable. C’est sur la base du Code de l’éducation et de ce guide que les établissements édictent leurs règlements intérieurs, afin d’en faire respecter les principes.
Les établissements du privé soumis au Code du travail
Qu'en est-il des établissements de l'enseignement supérieur privé ? Contrairement au public, ils ne sont pas soumis au principe de neutralité. "On applique les dispositions que l'on retrouve dans le Code du travail, qui ont été modifiées depuis la loi El Khomri, en 2016", explique à Diplomeo Maître Maëlle Comte avocate au cabinet Admys Avocats.
"Il est donc possible d'interdire le port de signes religieux aux agents comme aux étudiants de l'enseignement supérieur privé, dans le cadre du règlement intérieur de l'établissement. Mais il faut que cela soit justifié", poursuit la spécialiste des questions de la laïcité et de la liberté religieuse.
Ces justifications peuvent par exemple tenir à une "nécessité de neutralité des enseignants, à des questions de sécurité ou de salubrité", égrène Maëlle Comte. Il est donc tout à fait possible que des étudiants du privé puissent porter des signes religieux, mais que le corps enseignant n'y soit pas autorisé pour des raisons de neutralité. Ou qu'étudiants comme enseignants soient soumis à la neutralité dans l'enceinte de l'établissement.
Comme à l'université, les établissements peuvent en outre interdire le port de vêtements religieux dans certains cas, comme pour les cours de sport par exemple. En cas de litige, la plupart des cas se règlent à l'amiable, peu de procès ayant eu lieu à ce sujet dans le public.