Y-a-t-il un décalage entre les droits et les pratiques des établissements pendant la procédure Parcoursup ? C’est ce qu’affirme un rapport du Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, intitulé "Algorithmes, systèmes d’IA et services publics : quels droits pour les usagers” et publié ce mercredi 13 octobre 2024.
Une piqûre de rappel s’impose : le portail d’admission post-bac fonctionne par un algorithme. Celui-ci s'appuie sur le principe des “mariages stables”, connu sous le nom de l’algorithme de Gale-Shapley. Il s’agit de trouver l’association la plus adéquate entre un candidat et une formation, selon les préférences de l’un et l’autre.
Néanmoins, il ne s’agit que d’un code informatique. Les dossiers des candidats qui souhaitent s’inscrire dans une formation du supérieur ne sont pas examinés par l’algorithme du dispositif, mais bien par les établissements eux-mêmes. Derrière chaque dossier de candidature émis sur Parcoursup, ce sont les responsables des admissions des établissements qui sont chargés de les traiter, les commissions d’examens des vœux (CEV), propres à chaque université ou école.
Deux dispositifs pour aider les établissements à faire leurs choix
Outre l'algorithme habituel de Parcoursup, les CEV ont la possibilité, pendant la phase de traitement des dossiers (généralement au mois d’avril) d'utiliser deux dispositifs. Soit ils se servent de l’outil d’aide à la décision proposé par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ou bien ils peuvent bénéficier d’un algorithme “maison”.
Le Défenseur des droits précise par ailleurs que ces procédés ne doivent “constituer qu’une aide à la décision”. La raison ? “Les décisions de classement prises sur le fondement de cet algorithme sont supposées être des décisions non entièrement automatisées”, peut-on lire dans le rapport.
À ce sujet, l’autorité administrative cite le jugement du Conseil Constitutionnel de 2020. Il y a quatre ans, celle-ci indiquait que le choix d’une candidature Parcoursup “ne peut être exclusivement fondée sur un algorithme”, car cela doit passer par une “appréciation des mérites des candidatures par la commission d’examen des voeux, puis par le chef d’établissement”.
“On ne peut que constater l’absence d’intervention humaine”
Dans son rapport, le Défenseur des droits relève des couacs entre une utilisation informatique et l’intervention de personnes physiques chargées du traitement des dossiers Parcoursup des candidats. “Le doute est en effet accru lorsqu’on considère la masse de dossiers de candidatures que les CEV doivent examiner”, apprend-on.
L’autorité donne pour exemple des candidatures en licence de droit dans trois universités de la capitale en 2018. D’après le rapport, il y a eu 14 777 candidatures à l’université Paris I - Panthéon-Sorbonne, 13 084 à l’université Panthéon-Assas (à l’époque Paris II) ainsi que 9 841 à l’université Paris Cité (anciennement Paris Descartes).
“À propos de l’université Paris Descartes, une part importante des dossiers de candidatures sont exclus lors du premier classement opéré par l’algorithme utilisé pour tous ces dossiers, et les élèves concernés, on ne peut que constater l’absence d’intervention humaine”, relève le Défenseur des droits.
Ainsi, le Défenseur des Droits alerte sur “un fort décalage entre le droit et les pratiques”, qu’il juge “particulièrement critique ici, au regard de l’importance des décisions en matière d’admission” pour les personnes concernées. Mais le rapport ne jette pas la pierre aux établissements pour autant. “Il ne s’agit pas ici de mettre en cause les membres des CEV, à qui revient une tâche en partie impossible qui rend parfois incontournables l’usage d’outils algorithmiques quantitatifs”.