La polémique enfle autour d’Amélie Oudéa-Castera. À peine nommée au nouveau gouvernement de Gabriel Attal, la ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques, déchaîne les oppositions.
En cause : la scolarisation de ses enfants dans le très sélectif établissement privé Stanislas (VIe arrondissement de Paris), visé notamment par des accusations d’homophobie et de sexisme. La ministre a justifié ce choix en raison de l’absentéisme des professeurs dans le réputé établissement public de son fils aîné, l’école Littré, dans le VIe arrondissement de la capitale.
Une raison démentie par l’ancienne institutrice du fils d’Amélie Oudéa Castera, qui maintient sa version. Ce lundi 15 janvier, les oppositions de tous bords appellent à sa démission, quatre jours seulement après sa nomination. On rembobine.
Le premier déplacement de la ministre met le feu aux poudres
C’est lors de sa première sortie sur le terrain, dans les Yvelines, en tant que ministre de l’Éducation, des Sports et des JO - double fonction qui fait grincer des dents les syndicats - que la polémique a éclaté autour d’Amélie Oudéa-Castera.
Celle que l’on surnomme “AOC” a justifié, vendredi 12 janvier, sa décision de scolariser ses enfants dans le prestigieux établissement privé parisien Stanislas (VIe arrondissement), comme le révélait Mediapart. Elle a évoqué sa “frustration” face aux “paquets d'heures pas remplacés” dans l’école publique de son fils aîné.
💬 "Nous avons vu des paquets d'heures pas sérieusement remplacées, on en a eu marre"
➡ Amélie Oudéa-Castéra (ministre de l'Éducation nationale et des Sports) s'exprime sur la scolarisation de ses enfants au lycée privé catholique parisien Stanislas pic.twitter.com/OG8DgfCT0i
— BFMTV (@BFMTV) January 12, 2024
Le lendemain, face aux réactions outrées des syndicats et politiques, AOC a regretté, dans une lettre transmise à l’Agence France Presse (AFP), d’avoir “pu blesser certains enseignants de l’enseignement public”. La nouvelle ministre a assuré en outre qu’elle sera “toujours aux côtés de l’école publique et de ses professeurs”.
Le témoignage qui contredit Amélie Oudéa-Castéra
Le feuilleton ne s’arrête pas là. Dimanche 14 janvier, le quotidien Libération a rapporté un témoignage contredisant ces explications. On y apprend que seul le fils aîné d’Amélie Oudéa Castera a été scolarisé dans le public pendant sixmois, en 2009, à la très réputée école Littré (VIe arrondissement) quand il était en petite section de maternelle.
Dans cet article, son institutrice à cette époque, aujourd’hui à la retraite, prend la parole. “Je n’ai pas été absente et quand bien même cela aurait été le cas, on était toujours remplacée”, insiste Florence. Selon elle, Amélie Oudéa Castera et son mari ont décidé de scolariser leur fils à Stanislas, car l’école Littré leur avait refusé son passage anticipé en moyennesection, étant jugé encore trop petit.
Un contre-témoignage que la ministre de l’Éducation nationale “dément catégoriquement”, a fait savoir son entourage à l’AFP dans la foulée. “On peut s’interroger sur l’intention liée à ces propos inexacts, déplacés et blessants pour des parents sur leur enfant près de 15 ans plus tard”, tacle même cette source, reprise par plusieurs médias, dont Franceinfo.
Lundi 15 janvier, le journaliste Nicola Poincaré a de son côté affirmé, au micro de RMC que, ses enfants, qui ont fréquenté l’école Littré pendant 8 ans, “n’ont jamais eu d’absence non-remplacées”.
🔴 Nicolas Poincaré, dont l'enfant est allé dans la même école publique que celui d'Amélie Oudéa-Castera, affirme que "en 8 ans, il n'y a jamais eu d'absences non-remplacées".#ApollineMatinpic.twitter.com/z59nmODlTg
— RMC (@RMCInfo) January 15, 2024
Appel à la grève des enseignants le 1er février
Le démenti de la ministre ne suffitpas à faire redescendre la pression, loin de là. Côté syndicats, la F.S.U (Fédération syndicale unitaire) a réagi dès dimanche. Dans un communiqué, le principal syndicat enseignant fustige des propos d’une “très grande violence” de cette dernière au sujet de l’école publique, et appelle à une grève des enseignants de l’école publique le 1er février.
“Pour assurer les remplacements des enseignants, il faut des moyens personnels”, écrit ainsi le syndicat, pointant les “choixbudgétaires engagés de longue date par le président Macron qui ont mis à mal le système” scolaire public. Pour la F.S.U, le regret d’Amélie Oudéa-Castera d’avoir blessé certains enseignants est “très insuffisant”. L’organisme exige des “excusespubliques” à la communauté éducative et des “actes pour répondre à toutes les préoccupations de la profession".
Les oppositions réclament la démission d’AOC
Côté politiques également, plusieurs responsables des oppositions, de la gauche à l'extrême-droite, ont pris la parole depuis dimanche, réclamant la démission de la ministre. “Les jours passent et les mensonges de Mme Oudéa-Castéra s’accumulent. Les enseignants ne sont pas des paillassons sur lesquels elle peut s’essuyer les pieds. Il est temps de démissionner” a fustigé sur X le secrétaire national du Parti communiste, Fabien Roussel.
Pour le coordinateur de la France insoumise, Manuel Bombard, Amélie Oudéa-Castéra doit démissionner, dénonçant son “mépris” à l’égard de l’Éducation nationale. Un mensonge “qui la disqualifie pour occuper cette fonction”, a-t-il estimé au micro de Franceinfo ce lundi matin.
🔴 Amélie Oudéa-Castéra sur la scolarisation de ses enfants ➡️ “Davantage que du mépris, c’était un mensonge. Un mensonge qui la disqualifie pour occuper cette fonction” de ministre de l’Éducation nationale, estime Manuel Bompard. #8h30franceinfopic.twitter.com/p7pmyiFfuE
— franceinfo (@franceinfo) January 15, 2024
AOC ne démord pas
Face au déchaînement des oppositions, Amélie Oudéa-Castéra tient le cap, ce lundi 15 janvier. Devant la presse, elle s’est défendue d’avoir répondu avec “sincérité” aux questions sur sa vie privée, demandant à "clore” le "chapitre des attaques personnelles”. “Jamais mon mari et moi n’avons priorisé autre chose que le bien-être de notre enfant. Je crois en l’école de la République, je crois en l’école publique, il faut que nous ayons beaucoup d'ambition pour elle”, a-t-elle asséné.
Dernière pièce à ajouter au tableau : l’établissement Stanislas fait l’objet d’une enquête administrative de l’Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche pour des positions sexistes et homophobes, à la suite des révélations de Mediapart et de l’Express en mai 2022.
Cette enquête a donné lieu, en août 2023, à un rapport remis au ministère de l’Education nationale, avec des mesures à prendre, dont le contenu n’a pas été révélé. Les enfants d’Amélie-Oudéa Castéra étant toujours scolarisés à Stanislas, Mediapart s’interroge sur un conflit d’intérêt à ce sujet.
🇨🇵 #RemaniementMinisteriel@davidperrotin sur @BFMTV qui rappelle l'enquête administrative concernant l'établissement #Stanislas et le rapport rendu au ministère d'#OudeaCastera en août dernier et pose LA question: Quid du conflit d'intérêt?
Une #DupontMoretti en vue? pic.twitter.com/Zc4MSAo97w
— Turnsoleil ۞ (@Turnsoleil22) January 15, 2024