Les initiatives pour en finir avec les agressions contre des élèves au sein des universités et autres écoles du supérieur se multiplient. Tour d’horizon de la situation actuelle et des actions mises en place pour faire évoluer les choses.
Un phénomène qui prend de l’ampleur
Plusieurs affaires similaires se sont déroulées au sein d’établissements de l’enseignement supérieur au cours de ces dernières années : des cas d’agressions sexistes et/ou sexuelles sur des étudiants, de la part d’autres jeunes ou même de membres du corps enseignant. Alors qu’une dizaine de jeunes femmes ont subi des attouchements de la part d’un mystérieux agresseur sur le campus de l’université d’Orléans en novembre 2018, le nombre de cas impliquant des professionnels de l’éducation s’est multiplié au cours de ces dernières semaines. Le 21 avril, nous apprenions qu’un chargé de travaux dirigés de l’université Panthéon-Assas à Paris avait été suspendu pour avoir harcelé sexuellement pas moins d’une soixantaine d’étudiantes, et le 13 mai a été dévoilée la suspension de deux professeurs de l’université de Toulouse pour « harcèlement sexuel et moral » sur au moins 13 élèves. Voici quelques exemples parmi d’autres, dévoilés au grand jour ou non, de faits ocurrant dans l’enceinte de lieux censés assurer la sécurité de ses jeunes occupants.
La ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation Frédérique Vidal et la secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes Marlène Schiappa avaient pourtant lancé dès le mois de mars 2018 la campagne « Stop aux violences sexistes et sexuelles dans l’enseignement supérieur », soutenue par les organisations étudiantes et les conférences d’établissements. Force est donc de constater que cette initiative n’a pas été suffisante pour éradiquer un phénomène au contraire grandissant.
Une tribune pour changer les choses
Signataire, avec quelques 500 autres collègues, de cette tribune https://t.co/hNpHoR1yxB
— Noémie Villacèque (@NoemiVillaceque) 24 mai 2019
Aussi, c’est une réaction de grande ampleur de par le nombre de ses signataires qui a eu lieu jeudi 23 mai 2019 : une tribune, publiée dans le journal Le Monde, s’intitulant :« Violences sexistes et sexuelles à l’université : l’omerta doit cesser ! »Près de 500 professeurs et chercheurs répartis sur l’ensemble du territoire sont à l’origine de cette revendication écrite, visant à dénoncer les actes de violence toujours plus nombreux dans l’enseignement supérieur en France. D’un professeur de mathématiques à La Sorbonne à une maîtresse de conférence en sociologie à l’IUT Bordeaux-Montaigne, tous sont rassemblés par leur désir de mettre un terme à des actes répréhensibles et finalement peu punis. C’est justement là que le bât blesse et où souhaitent insister les auteurs de la tribune : les « stratégies d’évitement » de la part des établissements, des « tergiversations » et autres « ouvertures d’enquêtes administratives internes au fonctionnement opaque », qui rendent rares les sanctions judiciaires à l’égard des coupables.
Pire encore, dans certains cas, toujours en reprenant les dires des chercheurs, les plaintes des victimes peuvent se retrouver confrontées à un refus de la part des universités « d’ouvrir ces procédures disciplinaires », ou bien même se voir retournées contre elles avec des « accusations de diffamation » de la part des agresseurs. En somme, ce qui est pointé du doigt dans ladite tribune, c’est « la mise en cause systémique des témoignages, la déresponsabilisation des agresseurs et la minimisation de leurs actes », à cause d’une « inertie des institutions » soit des établissements scolaires, qui n’en font donc pas assez pour protéger les élèves et sanctionner leurs bourreaux.
Les professeurs demandent donc aux universités de réagir, et ce en plusieurs points ainsi énoncés dans le texte :
- « Se saisir davantage des faits de violences sexistes et sexuelles qui leur sont rapportés »
- « Entendre les victimes en tant que victimes, et non en tant que témoins »
- « Prendre les mesures de précaution nécessaires en attendant qu’une décision soit prise par la section disciplinaire »
- « Former systématiquement les membres des sections disciplinaires sur le harcèlement sexuel » et « plus généralement, l’ensemble des usagers et des personnels » de l’université
- « Mettre en place de véritables cellules de veille et de lutte contre les violences sexistes et sexuelles »
« Ce qui est pointé du doigt dans ladite tribune, c’est “la mise en cause systémique des témoignages, la déresponsabilisation des agresseurs et la minimisation de leurs actes” »
D’autres initiatives pour agir
Du côté de l’État, on peut donc relever la création de cellules de veilles — comme demandé dans la tribune — dans plusieurs établissements de l’enseignement supérieur. Ces dernières peuvent être saisies en cas de harcèlement, bizutage ainsi qu’agressions sexuelles et/ou sexistes de la part d’autres élèves ou de professeurs. D’autre part, le gouvernement a annoncé l’an passé que 13 000 agents du Cross allaient être formés sur les violences dont il est question ici. Seulement, ces projets avancent lentement et dans Le Monde, les professeurs déplorent qu’à ce jour, « sans surprise, on est loin du compte ».
D’autre part, des initiatives à l’échelle des élèves sont lancées et peuvent elles aussi œuvrer pour améliorer la situation. Pour exemple, à l’université de Strasbourg, un collectif féministe, les « Héritier. e. s d’Athéna », s’est créé il y a quelques semaines dans le but d’offrir une écoute et un accompagnement aux victimes. Selon les membres du groupe, les quelques mesures prises par les autorités et par les institutions sont trop peu connues des étudiants et ne leur offriraient donc en réalité qu’une aide limitée et relative. Le secret d’un plan vraiment efficace contre les violences sexuelles et sexistes à l’université pourrait ainsi relever de la bonne coordination et du bon fonctionnement des actions menées par les différents acteurs faisant partie de l’enseignement supérieur aujourd’hui.