Pour elle, rien n’est insurmontable, surtout pas les maths : il suffit d’oser ! Quand Emma s’est jetée dans le bain des sciences, en passant un bac S, puis en intégrant une licence de mathématiques appliquées aux sciences sociales, elle ne se doutait pas forcément qu’elle atterrirait en école d’ingénieurs.
C’est la découverte de l’informatique et de la data en licence qui ont mené la savoyarde à pousser les portes, en septembre 2023, de Polytech Annecy Chambéry. Cet été, Emma Rechon-Reguet, 21 ans, termine sa première année de cycle ingénieur en informatique données et usages. Un secteur connu pour être très porteur, mais aussi pour attirer très peu de filles. Et pour cause : dans la promo d’Emma, sur le site d’Annecy, 25% des effectifs sont féminins.
Engagée depuis le lycée dans l’associatif, elle a alors décidé d’agir pour promouvoir l’égalité des genres dans ce domaine. Avec l’association Ingénieure au féminin, dont elle est présidente, l’étudiante déconstruit les stéréotypes de genres. Un travail récompensé par le prix de l’engagement étudiant lors de la cérémonie Ingénieuses, en mai 2024. Rencontre.
« Mauvais choix d’orientation au lycée »
Emma est passionnée par son domaine d’études, l’informatique, qui « ouvre à des métiers d’avenirs et qui offre une pluralité dans la manière de penser », nous explique-t-elle. Mais ce dernier est trop peu représenté par les femmes : un quart des effectifs dans sa promo à Annecy sont des filles ; au Bourget, l’autre site de l’école, elles sont « 30 à 40% », selon l’étudiante. « Forcément, j’aimerais qu’il y ait plus de filles en ingé », glisse-t-elle.
Des chiffres qui s’expliquent notamment par beaucoup d’auto-censure : « on se dit que c’est un milieu d’hommes, qu’on n’est pas forcément capable », commente Emma. « Savoir qu’il n’y a que des mecs dans les promos peut amener à se sentir isolée, de quoi décourager les jeunes femmes », poursuit-elle. Enfin, l’étudiante identifie les « mauvais choix d’orientation au lycée » qui ferment définitivement les portes des écoles d’ingé aux filles.
C’est précisément au lycée qu’Emma mène le plus gros de ses actions avec son association. Celle-ci existait avant son arrivée à l’école, mais elle n’était que très peu active. Avec une vingtaine d’étudiants, elle relance la machine et organise dans les collèges, lycées et prépas de la région, des événements pour rencontrer les élèves (filles seulement ou en classe mixte) et leur parler du métierd’ingénieur, leur présenter des professionnelles ou encore organiser des conférences, ou des travaux pratiques avec des chercheuses. L’objectif : « mettre en avant les qualités des genres et déconstruire les stéréotypes ».
« Tout le monde est fait pour les maths »
« Pour suivre la voie d’ingénieur, il faut faire des mathématiques. Mais au lycée, les filles en particulier abandonnent souvent cette matière, qu’elles trouvent incroyablement dure, encore plus depuis la réforme du bac », regrette Emma. « Celles qui choisissent les sciences au lycée veulent plutôt faire médecine » note l’étudiante, qui se souvient n’avoir rencontré qu’une seule élève passionnée par l’aéronautique au cours de ses interventions.
Pourtant, les mathématiques ne sont pas « l’essentiel de l’ingénierie ». Et surtout, « cette matière n’est pas insurmontable » insiste Emma. « Il ne faut pas perdre espoir si on est nul en maths : tant qu’on a l’envie, il faut commencer à travailler, ça va permettre de cocher au fur et à mesure les cases et de finir en école d’ingénieurs », assure l’étudiante. « Tout le monde est fait pour les maths, tout dépend de l’énergie qu’on met dedans », poursuit-elle, soulignant l’importance de travailler cette discipline « dès la sixième ».
Durant sa scolarité, Emma n’a jamais eu de souci dans cette matière, sauf en classe de première, où la jeune femme a dû être suivie pour des problèmes de santé mentale. En s’accrochant et en travaillant, elle a retrouvé son niveau. « Une fois arrivée en école d’ingénieurs, on mérite tous notre place », témoigne-t-elle. « Chacun a ses compétences, la majorité de la promo s’entend bien et on travaille ensemble, il y a de l’entraide », ajoute-t-elle.
« Le tout, c’est d’oser »
Si Emma aimerait « en faire plus » pour son association, qui occupe déjà une bonne partie de son emploi du temps, elle sait qu’elle ne pourra pas s’y impliquer autant durant les deux prochaines années de son cursus, faute de temps. « La dernière année, on a six mois à l’étranger et six mois en entreprise », explique la jeune femme. « Je pense qu’à ce moment-là, je vais léguer mes responsabilités avant de commencer à travailler », ajoute la présidente de l’asso, qui compte bien continuer une vie associative en parallèle de sa vie professionnelle.
En dernière année, Emma hésite entre étudier au Canada, en Norvège, aux Pays-Bas ou en Irlande. Elle ne sait pas non plus quel stage choisir. « J’attends de faire de la cybersécurité et de la big data pour être sûre de la spé que je vais prendre », nous explique-t-elle. Pour l’heure, la jeune femme termine son stage ouvrier spécialisé dans l’informatique, où elle rencontre bien plus de collaboratrices qu’elle ne l’aurait rêvé dans son service.
Même si elle sait qu’il « y aura toujours des personnes, hommes ou femmes, pour faire des remarques qu’on ne voudrait pas entendre », Emma ne se décourage pas : « le tout c’est d’oser intégrer ce milieu, ça va finir par payer », assure-t-elle. Déjà, l’étudiante perçoit des évolutions, en témoigne la cérémonie de remise des prix Ingénieuses de mai dernier. « Voir plein de femmes réunies pour la même cause, c'est hyper inspirant, ça donne encore plus envie de mener des actions ».