L’ambiance était joviale en ce début de semaine sur le campus de Saint-Denis de l’université Paris VIII. La faculté de la banlieue parisienne a organisé, ce lundi 2 décembre 2024, un banquet solidaire pour tous ses étudiants. Le président du département, Stéphane Troussel, la députée socialiste de Seine-Saint-Denis, Fatiha Keloua-Hachi, ainsi que la sénatrice socialiste, Corinne Narassiguin, ont répondu présent.
Cette distribution de plats alimentaires a été initiée dans un contexte de précarité étudiante toujours plus importante chez la communauté estudiantine. Les derniers chiffres de l’association Cop1 sur le sujet restent préoccupants : 36% des étudiants qui se privent de « temps en temps ou souvent » de repas, sur fond de difficultés financières.
Précarité étudiante : 20% des étudiants ont déjà eu recours à une aide alimentaire
S’alimenter : « un vecteur de solidarité, de créativité et de durabilité »
Pour l’université Paris VIII, les conditions de vie des étudiants sont prises à bras le corps. C’est la raison pour laquelle les responsables de l’établissement ont tenu à organiser cet événement ponctuel. « L'alimentation est un vecteur de solidarité, de créativité et de durabilité au sein de notre communauté universitaire, au sein de notre communauté universitaire », explique Annick Allaigre, présidente de la faculté.
Devant les étudiants qui savourent leurs mets, la présidente de l’université de Saint-Denis a tenu à remercier les différents organisateurs de l’événement. Parmi eux, Label gamelle : un collectif coopératif basé à Montreuil (Seine-Saint-Denis) qui distribue chaque semaine 800 repas sur les différents campus de l’université Paris VIII. La chef étoilée Virginie Giboire a su ravir les jeunes convives en concoctant un menu signature : du poulet à l’estragon, accompagné d’une purée de pommes de terre et d’un riz au lait caramel beurre salé.
Les étudiants de Paris VIII dégustent leurs mets à l’occasion du banquet solidaire organisé par l’université, au CROUS de leur campus, lundi 2 décembre 2024. © Diplomeo
Cet événement s’adresse à l’ensemble des jeunes de l’université, qu’ils soient en situation de précarité ou non. Annick Allaigre a ainsi salué l’esprit de solidarité qui règne dans l’enceinte de l’établissement.« Pour être en bonne santé, étudier sereinement et s'épanouir, l'alimentation joue un rôle essentiel », affirme-t-elle.
« Nous valorisons les arts sous toutes leurs formes, y compris l’art culinaire, et soutenons des réponses créatives et innovantes aux défis contemporains »poursuit-elle, en dressant trois les trois objectifs clés de l’université : la lutte contre la précarité étudiante, le renforcement des liens sociaux ainsi que les enjeux de développement durable.
« Je me suis déjà privée de repas, faute de moyens »
Le banquet solidaire lancé par l’université a été l’occasion pour celles et ceux qui sont en plus grande difficulté de s'approvisionner. Certains étudiants ont pu s’armer de sacs de courses pour récupérer les restes de denrées et les ramener chez eux. À l’image de Léana et de Solène, étudiantes en L3 de Lettres modernes, qui ont volontiers accueilli cette initiative. « Nous avons été tenues au courant via par mail et grâce aux affiches placardées dans tout le campus, il y a eu une très bonne communication ».
Dans leur quotidien d’étudiante, les deux jeunes filles rencontrent des difficultés financières et ont recours à l’aide alimentaire proposée par l’université. « On s’y rend toutes les semaines ou les mois, cela dépend des périodes de distribution », confie Solène. «L’université propose des aides ponctuelles, mais c’est compliqué de les obtenir. Il faut remplir des conditions strictes, et souvent, on ne rentre pas dans les cases», renchérit sa camarade.
À côté de leurs cours, les étudiantes ont toutes les deux une activité salariée. Solène effectue un service civique en orthopédagogie avec des enfants porteurs de troubles ainsi que de l’aide aux devoirs. Quant à Léana, elle donne des leçons de tutorat à temps partiel dans le cadre de la Cordées de la Réussite auprès de lycéens, afin de les épauler dans leur orientation et les préparer au bac.
Des jobs qui peinent à couvrir leurs besoins quotidiens. « Cela ne permet pas de boucler nos fins de mois, le service civique n’est pas très bien payé », se désole Solène, qui vit en résidence universitaire, où son maigre salaire passe dans le loyer et les transports en commun chaque mois. « J’ai de la chance de vivre avec mon copain qui travaille à plein temps et qui couvre majoritairement les frais. Malgré cela, ça reste compliqué », confie Léana.
« La précarité a un gros impact sur nos études, on est souvent fatigués avec peu d’énergie. On a moins de temps pour se consacrer aux cours entre le travail et nos responsabilités », Solène, étudiante en L3 Lettres modernes à l’université Paris VIII
À force de jongler entre les cours et leurs différentes activités, les étudiantes rentrent tard chez elles le soir et ont du mal à se concentrer pour mener à bien leurs études. Cela s’accumule quand elles doivent le faire le ventre vide. « La précarité a un gros impact sur nos études, on est souvent fatigués avec peu d’énergie. On a moins de temps pour se consacrer aux cours, entre le travail et nos responsabilités », explique Solène.
Précarité étudiante : la Seine-Saint-Denis veut apporter sa pierre à l’édifice
Face à ce constat, le département de la Seine-Saint-Denis souhaite réagir. Le président socialiste, Stéphane Troussel, note que les conditions de vie des étudiants se sont fortement dégradées ces dernières années. « L’inflation, en particulier sur les produits alimentaires, a augmenté les dépenses essentielles des étudiants », explique-t-il. « Les conséquences de la crise sanitaire ont aussi exacerbé des difficultés qui étaient déjà présentes mais moins visibles », ajoute-t-il. Tandis que les jeunes et les populations en situation de précarité y sont plus nombreux dans le 93 qu’ailleurs, les distributions alimentaires s’y sont multipliées notamment pour venir en aide à la communauté estudiantine.
La Seine-Saint-Denis en chiffres 🗒️
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Pour répondre aux difficultés toujours plus prégnantes des étudiants, le président du département soutient la proposition de la députée PS de la 8e circonscription de Seine-Saint-Denis, Fatiha Keloua-Hachi, qui vise à généraliser pour tous le repas à un euro au CROUS. « C’est une réponse directe à la situation où les étudiants se retrouvent de plus en plus souvent dans les files d’attente pour des distributions alimentaires, et dans certains cas, être obligés de renoncer à certains produits essentiels », concède Stéphane Troussel.
Pour rappel, seuls les étudiants boursiers ou en situation de grande précarité sont éligibles au repas à un euro dans les restaurations universitaires. Stéphane Troussel espère que le projet de loi relatif à la généralisation du repas à un euro sera votée à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la niche parlementaire socialiste le 12 décembre prochain.
Plusieurs élus étaient présents lors du banquet solidaire organisé à l’université Paris VIII dont Fatiha Keloua-Hachi, députée PS de Seine-Saint-Denis (à gauche) et Stéphane Troussel, président PS du département (à droite). © Diplomeo
En outre, Stéphane Troussel évoque les actions que le département a mis en place pour répondre aux besoins fondamentaux des étudiants séquano-dionysiens,« dans un territoire jeune et populaire ». Parmi celles-ci, le programme Vitalim, une carte qui permet aux bénéficiaires d’accéder à une aide alimentaire durable. « Cette initiative s’inscrit dans notre projet alimentaire territorial, qui vise à promouvoir à la fois l’accès à l’alimentation et le bien-manger », explique le président socialiste.
Pour répondre davantage aux besoins des étudiants en situation de précarité, Stéphane Troussel met sur la table plusieurs préconisations et appelle le gouvernement à se saisir de ces questions. « Je suis favorable à la mise en place d’une allocation d’autonomie (mesure qui figure dans le programme du Nouveau Front populaire, NDRL), mais aussi à une réforme plus large pour que le RSA soit accessible dès 16 ans »,développe Stéphane Troussel. « Nous continuons de défendre cette idée, même si les avancées restent limitées avec ce gouvernement », affirme-t-il, tout en évoquant le Contrat engagement jeune : une mesure intermédiaire lancée par le gouvernement en 2021.
« Il est temps de prendre conscience de l’urgence et de l’aggravation des situations de précarité. Plutôt que de continuer à privilégier les plus riches, il faut concentrer les efforts sur les populations les plus fragiles, notamment les étudiants issus de milieux modestes », martèle-t-il.