À l’occasion de la journée mondiale de la santé mentale, l’association Nightline lance ce mardi 10 octobre sa nouvelle campagne : « Tête la première ». L’association, créée en 2016, œuvre à l’amélioration de la santé mentale des étudiants en France.
La création de plusieurs lignes d’écoute nocturnes fait partie des actions phares de l’association. Des étudiants bénévoles prêtent une oreille attentive et bienveillante à leurs pairs en situation de détresse mentale. Ces derniers se livrent de façon anonyme.
L’initiative « Tête la première » a pour but de mettre l’activité sportive en avant, ainsi que ses bienfaits sur la santé mentale. Un thème qui trouve une résonance toute particulière avec la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. La fête de la Science a aussi choisi de mettre le thème du sport à l’honneur cette année.
Qu’est-ce que « Tête la première » ? Quels sont les bienfaits du sport sur la santé mentale ? Diplomeo s’est rendu à la soirée de lancement de la campagne pour répondre à ces questions !
📣 En cette journée mondiale de la santé mentale et sur les semaines à venir, Nightline te propose d’en apprendre plus sur les liens qui existent entre santé mentale et activité physique.Rendez-vous sur👉 https://t.co/xbMkz3YpTc@SantePubliqueFr@FondationAesio@CrousParispic.twitter.com/Wxsf8KDFRT
— Nightline France (@NightlineFrance) October 10, 2023
La sédentarité, facteur aggravant des symptômes dépressifs et anxieux
L’objectif principal de « Tête la première » : favoriser l’activité sportive, même (surtout) à un niveau amateur, comme « outil de prévention des symptômes dépressifs et anxieux » chez les jeunes. Et pour cause, 43 % des étudiants présentent des signes de détresse psychologique, selon l’Observatoire de la vie étudiante. « C’est presque un étudiant sur deux », éclaire Erkan Narmanli, président de l’association. Au-delà de la simple détresse, une enquête de Santé publique France révèle qu’un jeune sur cinq présente des troubles dépressifs.
L’isolement lié à la COVID-19 est passé par là, mais d’autres facteurs participent de la dégradation de la santé mentale des jeunes. Parmi eux, la sédentarité. Un étudiant est sédentaire en moyenne huit heures par jour à l’université, d’après une étude de l’Anestap et Onaps.
D’ailleurs, l’Anestaps démontre encore que 58 % des étudiants ne pratiquent pas d’activités physiques et sportives en raison d’un manque de temps lié à des contraintes universitaires. Parfois, ce sont aussi des raisons financières qui les empêchent de sauter le pas.
Le président de l’association explique que ce temps qui n’est pas consacré au sport est le résultat d’une culpabilité anticipée de la part des étudiants. « J’aurais pu passer un peu de temps à bosser mon examen […] à préparer mon mémoire, à écrire ma thèse. » Pourtant, la moindre minute consacrée à une activité physique est positive pour le mental.
Asma Niang, une des ambassadrices de « Tête la première » et championne de judo, rappelle qu’une telle activité contribue à la production de sérotonine — l’hormone du bonheur — dans le cerveau. Nasrine Chafa, également ambassadrice, étudiante et ancienne handballeuse, met en exergue le caractère social du sport qui permet d’avoir un sentiment d’appartenance.
D’après la revue JAMA Psychiatry, la marche rapide de 15 minutes, six fois par semaine, permet de réduire de 18 % les symptômes de dépression. Pour 30 minutes de marche rapide, on passe à 26 %. Une habitude qu’on peut facilement intégrerdans son quotidien, même pour les programmes les plus chargés. Par exemple, « descendre un à deux arrêts plus tôt » préconise Erkan Narmanli.
Donner la parole aux jeunes et aux sportifs
Avec le soutien de Santé Publique France, le Crous de Paris et la Fondation AESIO, et en collaborationavec la Fédération française du sport universitaire (FFSU) et l’Association nationale des étudiants en STAPS (ANESTAPS), Nightline vise à ouvrir le dialogue avec sa nouvelle campagne de sensibilisation « Tête la première ».
Sur le site internet de l’initiative, les jeunes pourront trouver des informations sur les apports de l’activité physique sur la santé mentale, ainsi que des conseils pour concilier vie étudiante et pratique sportive. Des témoignages d’autres jeunes, de sportifs et de professionnels de la santé mentale seront aussi diffusés sur les réseaux sociaux et les plateformes vidéos.
Pour Marion Jacquin, responsable communication de Nightline, « L’idée est de faire dialoguer des profils assez différents […] tracer un parallèle entre la vie quotidienne d’un étudiant et la vie quotidienne d’un sportif. » Parmi les points communs de ces deux modes de vie, elle explique qu’il y a « les blessures, qu’elles soient physiques et morales, l’éloignement familial, les troubles du comportement alimentaire, etc. » D’autres thématiques sont aussi abordées, notamment, « Comment se relever après un échec ? ».
Étudiant : à qui m’adresser si je suis en détresse mentale ?
Chacun aura aussi l’occasion d’apporter son témoignage via un formulaire en ligne au sujet de son expérience du sport sur sa santé mentale. Il ne s’agit pas seulement de montrer les bons côtés. Plusieurs ambassadeurs sportifs de la campagne alertent aussi sur les effets d’une pratique trop intensive sur le mental, afin de conseiller au mieux les jeunes. Le tout est de faire se rencontrer des témoignages de sportifs de haut niveau et ceux d’étudiants pour trouver un équilibre sain entre pratique professionnelle et sédentarité imposée par la vie étudiante.
Sportifs de haut niveau et étudiants du supérieur : un public assez semblable
Pour la soirée de lancement de « Tête la première » le 5 octobre dernier, plusieurs des ambassadeurs sportifs et étudiants de la campagne s’étaient prêtés au jeu d’une discussion autour du sport et de la santé mentale. Le talk était animé par Christelle Tissot, la fondatrice du média Musae, qui vise à « dédramatiser et démocratiser la santé mentale ».
Les intervenants ont plusieurs fois tracé le parallèle entre étudiants du supérieur et sportifs de haut niveau, mettant alors en avant la pression qu’ils peuvent subir, leur préparation face à une échéance ou encore le lien entre leur santé mentale et leurs objectifs.
Pour Asma Niang, « Un étudiant, c’est forcément une performance qu’il va aller chercher », tout comme un sportif. « Il a une pression sociale de réussir, [d’] avoir de bonnes notes [de] rendre le mémoire. […] Il y a aussi la peur du rejet s’il ne réussit pas. »
Établissement du supérieur ou équipe sportive, ces structures proposent un sentiment d’appartenance. Il peut s’avérer positif, mais également négatif, une fois confronté à un échec. Nasrine Chafa le dit d’ailleurs très bien : « Le sport pour moi, c’était un petit peu une appartenance […] j’avais l’impression de me sentir utile dans l’équipe […] c’était comme une deuxième famille ». Cela implique aussi une certaine pression et une peur de décevoir les parents, les enseignants et les amis, par exemple, dans le cas étudiant.
Emma Oudiou, ancienne spécialiste du 3 000 m steeple, conseille les étudiants comme les athlètes face à cette pression de la réussite : « Ce qui est important, c’est de ne pas complètement s’identifier à sa performance ou à son objectif […] de se rappeler qu’on existe par ailleurs. » Elle rappelle l’importance de sortir de la pensée du « Je vaudrai quelque chose seulement si j’atteins cet objectif-là […] ou parce que j’ai une médaille ou des sponsors ». Du côté des étudiants, cela peut aussi passer par le fait d’avoir des hobbies à côté des études, comme une activité sportive, du bénévolat ou une passion, par exemple.
Quel sport pratiquer à la fac, pour le loisir ou des points bonus ?
Philippe Dauvier, préparateur mental dans le milieu sportif, place la préparation mentale et physique avant une compétition sportive au même plan que celle qui a lieu avant un examen académique. « C’est tout pareil, il y a les mêmes enjeux ». Nasrine Chafa le confirme d’ailleurs. « Avant nos matchs, on regardait les vidéos des joueuses adverses pour en savoir plus sur leur tactique, leur défense, leur jeu et avant un partiel, c’est la même chose. On s’entraîne sur des annales, on revoit nos cours… »
Pour le préparateur mental, avant un concours ou une rencontre sportive, il faut « rendre plus souple le cerveau » face à certaines peurs, celle de l’échec, notamment ou le manque de confiance en soi. « C’est un muscle comme les autres, qui se muscle et qui s’étire », image Philippe Dauvier. L’idéal est alors à consacrer régulièrement du temps à une activité physique, à de la méditation, ou à tout autre passe-temps qui permet non seulement de se détendre, mais aussi de s’épanouir en parallèle des études. Cela permet d’aborder sa vie étudiante avec « plus de facilité, plus de tranquillité, plus d’anticipation », conclut-il.