D'après une enquête réalisée directement auprès des élèves du primaire et du secondaire, au travers des questionnaires d’autoévaluation, près d’un jeune par classe est victime de harcèlement scolaire. Qu’ils se déroulent en classe, aux abords de l’établissement ou sur les réseaux sociaux, ces actes détruisent beaucoup d’élèves en France, les poussant parfois à commettre le pire.
Alors comment bien identifier les gestes qui relèvent du harcèlement scolaire ? Quelles sont les démarches à suivre pour ne plus rester seul face à cette situation ? Gabriel Féménias, directeur général adjoint et directeur de la prévention de l'association e-Enfance/3018, répond à nos questions.
Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?
Pour répondre à cette question, il faut se référer à la définition. Il est caractérisé par la répétition, l’intentionnalité et la volonté de nuire. Si un élève fait face à des comportements répétés, avec une véritable intention de nuire à la personne ou de la déstabiliser, cela s’apparente à du harcèlement.
La répétition n’est pas forcément liée au temps, mais peut se faire à un seul et même instant T. Dans le cadre du harcèlement numérique, quand on assiste à un raid numérique, plusieurs agresseurs tombent sur le même individu. Il y a donc répétition de l’agression.
Comment identifier les gestes qui relèvent du harcèlement ?
Il y a plusieurs façons de les caractériser : verbal, physique, isolement social… L’exclusion a d’ailleurs un impact important sur les adolescents qui se construisent. Ainsi, il y a tout ce qui est du registre des moqueries, des insultes, des rumeurs, de la diffamation et de la menace. Du côté des agressions physiques, on retrouve les bousculades à répétitions, les coups, les béquilles à chaque récréation…
L’isolement social prend une dimension importante, surtout via les réseaux sociaux. Les élèves peuvent avoir des conversations sur WhatsApp ou Snapchat dans lesquelles ils invisibilisent certains camarades. Ils vont commencer à ne plus répondre ou à ne pas prendre en compte leur avis. Parfois, ils seront même raillés ou recevront des messages blessants.
Enfin, il y a tout ce qui tourne autour des comportements intrusifs, comme le fait d’être insistant sur des demandes spécifiques, notamment sur les sujets liés aux relations.
Si ces cas sont plutôt rares, le harceleur peut être… un professeur. Il faut se référer à la définition du harcèlement scolaire : répétition, intentionnalité et volonté de nuire. « L’adulte doit avoir une certaine exemplarité dans son rapport aux jeunes. Mais cette relation respectueuse incombe aussi aux élèves, entre eux », explique Gabriel Féménias.
Qui contacter en cas de harcèlement ?
Le premier réflexe est de se rapprocher d’une personne de confiance, des proches dont on sait qu’ils vont accueillir notre parole. Il ne faut surtout pas rester seul avec cette souffrance ! Ces individus peuvent être des parents, un CPE, un professeur ou un proviseur.
Ensuite, il faut contacter le 30 18. C’est le numéro national en cas de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement. Des écoutants, psychologues, juristes ou spécialistes du numérique sont joignables de 9h à 23h, tous les jours de l’année. Les parents peuvent également contacter le 30 18 et, de notre côté, nous pouvons aussi faire bouger les choses au niveau de l’établissement.
Il est également possible de saisir les référents du programme pHARe[dispositif de lutte contre le harcèlement mis en place par le gouvernement, NDLR]. Il est en cours de mise en place, mais on retrouve des référents dans de nombreuses écoles. Certains établissements vont également déployer des ambassadeurs harcèlement : des jeunes qui vont détecter les signaux faibles et écouter leurs pairs.
Nous avons également noué des partenariats avec bon nombre de réseaux sociaux et de sites pornographiques. Cela permet de réaliser un signalement directement sur la plateforme en cas de problème. Elle prend ensuite le relai pour supprimer le contenu mis en cause, voire bannir les auteurs de harcèlement, en parfois moins d’une heure.
Enfin, avec le 30 18, il est possible d’être orienté vers des structures qui vont prendre en charge les élèves concernés, notamment sur le plan de la santé mentale. Cela permet de parler physiquement à un spécialiste, tout en sortant du cadre scolaire.
Comment parler de ces sujets avec ses parents ?
Il faut construire une qualité de communication avec ses parents, dans les deux sens, sur tous ces sujets de santé ou d’usage des outils numériques. Il peut arriver, dans le cadre du harcèlement scolaire, d’avoir des mécanismes de sextorsion ou du revenge porn. La première chose à faire, c’est d’en parler, même quand on a l’impression que tout se referme autour de soi et qu’on veut s’isoler.
Ce que l’on dit aux parents, c’est de s’intéresser à ce que font les jeunes sur le net et de régulièrement faire un point d’étape. Il faut mettre en garde sur les risques de mauvaises rencontres, d’expositions à des contenus pour adultes ou de tentatives d’escroqueries pour que les victimes aient le bon réflexe.
Pour ceux qui n’osent pas en parler directement à leurs parents, ils peuvent toujours appeler le 30 18. Ils peuvent également nous écrire via un chat disponible directement sur notre application. Nos écoutants répondent systématiquement.
Les parents doivent garder en tête qu’ils ne peuvent pas être identifiés comme une personne ressource en matière de harcèlement, s’ils ne parlent pas de ce sujet avec leurs enfants quand tout va bien. Il faut instaurer des règles sur les réseaux sociaux et des mises en garde sur les relations. Les parents ont aussi une place à récupérer.
Que faire si un élève constate qu’un ami est en détresse ?
C’est la même procédure que lorsqu’on est victime de harcèlement. Il faut accompagner son camarade pour aller voir le CPE ou une personne de confiance. Il peut également appeler, avec son ami, le 30 18. Il faut prendre soin de l’autre.
Si on constate une situation de cyberharcèlement, il peut effectuer un signalement directement sur les réseaux sociaux. La plateforme pourra alors entrer dans la conversation pour mettre en garde ou bannir les harceleurs.
Comment prévenir le harcèlement ?
Depuis quelques années, la parole de la victime est prise en compte de manière très sérieuse. Ce qui permet aux élèves d’être entendus. Un programme de responsabilités partagées a été mis en place pour mettre en action le harceleur. Concrètement, après avoir accueilli la parole de l’élève harcelé, le CPE va convoquer son harceleur pour lui demander de prendre soin du harcelé et voir s’il n’a pas de problème. Cela permet de rétablir de l’empathie chez les élèves. Il sera bien sûr sanctionné, mais cela permet de créer du lien.
Comme tout phénomène de prévention, il faut que ça commence le plus tôt possible. Le développement des compétences psychosociales, importantes en matière de relations humaines, commence dès le plus jeune âge. Si on n’a pas ce socle-là qui permet de développer l’empathie, il y a peu de chance que les élèves soient capables de faire des bons choix et de prendre soin les uns les autres.
