Financement, organisation, dérives : 5 questions pour comprendre l’école privée et ses débats

En France, près de 2 millions d’élèves sont inscrits dans une école privée. Récemment, le fonctionnement de ces établissements, financés aux trois quarts par l'État, et certaines “dérives” en leur sein ont été pointés du doigt. Décryptage.
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Un sujet brûlant, qui s’invite régulièrement dans l’actualité. Après la polémique autour de la scolarité des enfants de l’ex-ministre de l’Éducation nationale, qui conserve son portefeuille au ministère des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, l’école privée se retrouve une nouvelle fois au cœur des débats. Début avril, un rapport parlementaire présenté à l’Assemblée nationale a étrillé le financement de ces établissements.

Ce document, rédigé par les députés Paul Vannier (LFI) et Christopher Weissberg (Renaissance), dénonce le manque de transparence et de contrôle du financement public de l’école privée, du primaire au secondaire. Une opacité à laquelle s’ajoutent d’autres critiques, liées au manque de mixité sociale ou encore à des dérives dans l’enseignement. Comment fonctionne l’école privée et comment est-elle financée ? Que lui reproche-t-on exactement ? Diplomeo fait le point.

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1. L’école privée sous contrat, c’est quoi ?

Sur les plus de 12 millions d’élèves scolarisés en France, de la maternelle au lycée, 17,6% suivent des cours dans un établissement privé, soit plus de 2 millions d’élèves, selon un rapport de la Cour des Comptes paru en juin 2023. Ceux-ci sont répartis dans un peu plus de 7500 écoles privées dans l’Hexagone. 97% de ces établissements sont dits privés “sous contrat” avec l’État. Cela signifie qu’ils sont subventionnés et contrôlés par le gouvernement. 

Si elles sont plus autonomes que dans le public, les écoles privées sous contrat, régies par la loi Debré de 1959, doivent respecter certains engagements au regard des programmes enseignés et de leur organisation. Les chefs d’établissement sont ainsi directement responsables de l’inscription des élèves, du recrutement des enseignants et du personnel. Selon la Cour des Comptes, la quasi-totalité (96%) des écoles privées sont sous tutelle de l’Église catholique (même si elles restent rattachées à l’État). Les autres établissements privés répondent à des “orientations pédagogiques spécifiques (langues régionales ou bilinguisme scolaire)”, précise l’institution.

Et dans le supérieur ? 

L’ESP compte également des établissements privés reconnus par l’Etat, qui accueillent près de 600.000 étudiants, soit 1 sur 5, du BTS au mastère spécialisé. Ceux-ci ont plusieurs statuts : ils peuvent être laïques, comme les écoles d'ingénieurs et écoles de commerce et de gestion (on en compte une cinquantaine en France) ; ou confessionnels (comme les instituts catholiques par exemple).

2. Programmes, organisation : quelles différences entre l’école publique et privée ?

Les établissements privés sous contrat avec l’État s’engagent à être en conformité avec les programmes définis par le ministère de l’Éducation nationale et à garantir l’absence de discrimination dans l’accueil des élèves. Cependant, contrairement au public, les écoles privées ont le choix pour l’inscription de leurs élèves : ils peuvent choisir lesquels sont admis dans leur établissement. Dans le cadre des cours, ceux du privé peuvent par exemple recevoir un enseignement religieux et assister à des messes ou autres célébrations.

Ecole privée reconnue par l’Etat, labels, diplôme

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Quant aux enseignants, ils sont recrutés par les mêmes concours que ceux du public. Ils sont rémunérés par l’État, selon la même grille de rémunération que leurs homologues publics, mais les chefs d’établissements ont plus d’autonomie sur leur recrutement et leur remplacement.

Et dans le supérieur ?

En contrepartie de la reconnaissance de l’Etat des établissements de l’enseignement supérieur privé, des enseignants du publics peuvent y exercer. L’enseignement est général. Ces écoles peuvent délivrer un diplôme national en convention avec un établissement public ou un diplôme accrédité ou visé par l’Etat. 

3. Comment est financée l’école privée sous contrat ?

En 2022, les écoles privées sous contrat ont reçu 8 milliards d’euros de la part de l’État (55% pour le premier degré et 68% pour le second degré), toujours selon la Cour des Comptes. Un budget destiné à financer la rémunération des enseignants et le forfait d’externat (charges de personnel non enseignant). 

À cette subvention directe s'ajoutent celles des collectivités territoriales (régions, communautés, communes), pour couvrir les frais de fonctionnement notamment, comme les dépenses matérielles, le chauffage ou l’éclairage. Des dépenses qui représentent environ 2 milliards d’euros par an, qui ne prennent pas en compte des dépenses “facultatives”, versées par les autorités administratives selon les régions, qu’il est difficile de quantifier. 

L’école privée est ainsi financée aux trois-quarts par des dépenses publiques, à hauteur de 10 milliards d’euros par an environ. Cela représente un peu plus de 6000 euros par élève (contre 8400 euros par an pour un élève du public), et 23% du budget de l’Éducation nationale. La plupart des établissements privés sous contrat bénéficient en outre des frais de scolarité payés par les familles. Ceux-ci sont très variables selon les écoles, pouvant aller de 230 euros à 8215 euros par an.

Et dans le supérieur ? 

Dans l’enseignement supérieur privé, ce sont les établissements qui fixent leurs frais de scolarité. Ceux-ci peuvent s’élever à plusieurs milliers d’euros par an. La reconnaissance par l’Etat permet d’obtenir l’habilitation à recevoir des boursiers. Elle permet également aux établissements de solliciter des subventions publiques de fonctionnement. 

4. Que reproche-t-on à l’école privée ?

Dans son rapport de juin 2023 la Cour des Comptes déplore le recul, ces vingt dernières années, de la mixité sociale mais aussi le manque de contrôle financier et pédagogique de l’État dans les écoles privées sous contrat. Ce sont en effet les enfants issus de familles favorisées qui fréquentent les bancs du privé. Logiquement, la part des élèves boursiers y est bien plus faible que dans le public (11,8% des effectifs en 2021 contre près de 30% dans le public).

Un constat partagé dans le rapport parlementaire présenté début avril à l’Assemblée. Celui-ci regrette une mauvaise évaluation des dépenses publiques consacrées au privé, au détriment de l’enseignement public. Il accuse en outre certains établissements de pratiquer un certain entre-soi, de l’élitisme et du séparatisme. Autant de griefs qui montrent que la mission de service public que ces établissements privés sont censés assurer n’est pas toujours remplie, selon le rapport. 

En témoignent les révélations du journal d’investigation Mediapart, début 2024, sur l’école privée Stanislas, à Paris. Cet établissement réputé élitiste tiendrait des positions sexistes, homophobes et anti-avortement à ses élèves. 

Et dans le supérieur ? 

Les établissements privés du supérieur font, eux aussi, l’objet de reproches. Mercredi 10 avril 2024, un rapport parlementaire a alerté sur l’absence de cadre juridique et sur l’illisibilité de l’offre de formation dans ce secteur à but lucratif. 

De quoi laisser le champ libre à certaines dérives. Certaines écoles privées délivrent ainsi seulement un “titre” RNCP et non un diplôme du ministère de l’enseignement supérieur, prêtant à confusion pour les candidats. Autre critique : le manque de contrôle des alternances, proposées majoritairement dans les établissements privés, qui touchent des aides à l’apprentissage en échange de ce dispositif. 

5. Les choses vont-elles changer ?

Pour ces raisons, les auteurs du rapport parlementaire, ainsi que les représentants de la Cour des Comptes réclament un meilleur contrôle budgétaire, mais aussi un contrôle pédagogique accru de la part de l’État dans les établissements privés. Pour renforcer la mixité, le rapport propose de rendre obligatoire la prise en compte de l’indice de positionnement social (IPS) dans le modèle d’allocation des moyens de ces établissements. Il imagine en outre un “mécanisme de malus” pour baisser les dotations lorsque cet IPS est supérieur à celui des établissements publics du même secteur. 

Meilleur encadrement des formations privées, plus de transparence

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La Cour des comptes, quant à elle, recommande notamment la mise en place avec les rectorats d’une programmation des contrôles des établissements du privé ou encore des ouvertures de classes selon les besoins éducatifs “au plus près du terrain”.

À la suite du dernier rapport parlementaire, l’Enseignement catholique a répliqué dans un communiqué, dénonçant un document “à charge”, se basant sur “un seul exemple” pour faire de l’école privée “un système de fraude généralisée”. Une réaction assortie d’un gage de bonne foi : l’institution a annoncé lancer, en janvier 2025, une base de données ouverte sur les comptes et les financements de tous ses établissements. 

Et dans le supérieur ?

Les auteures du rapport parlementaire Estelle Folest (MoDem) et Béatrice Descamps (Liot) formulent plusieurs recommandations pour plus de transparence dans l’enseignement supérieur privé, parmi lesquelles : 

  • élaborer une cartographie des des formations
  • cartographier les appellations des cursus
  • mise en place d’une “carte d’identité obligatoire des formations”
  • création d’un “label” de qualité pour les formations du privé
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