Vers un nouveau tour de vis pour l'apprentissage ? Depuis le 1er novembre 2025, les règles de versement des aides aux employeurs d’apprentis ont été modifiées. S'il ne s'agit que d’un ajustement technique sur le papier, cette évolution marque une nouvelle étape dans le resserrement du financement public de l’apprentissage, après plusieurs coups de rabot successifs.
Après la baisse des montants décidée en février dernier, le gouvernement poursuit ce qu'il appelle un « effort d’optimisation ». Dans le cadre du projet de loi de finances 2026, l'exécutif souhaite faire des économies d'un milliard d'euros, sans annoncer de véritable réforme structurelle.
Apprentissage : vers de nouvelles coupes budgétaires en 2026 ?
Apprentissage : ce que dit le décret
Le décret n°2025-1031 du 31 octobre 2025, publié au Journal officiel le 1er novembre, modifie deux points clés du dispositif d’aide unique et de l'aide exceptionnelle. Le premier, c'est la proratisation des aides pour les contrats courts. Désormais, lorsque la durée d'un contrat d’apprentissage est inférieure à un an, le montant de l’aide est calculé au “prorata temporis” pour le premier et le dernier mois du contrat.
Autrement dit, l'entreprise ne touchera plus une aide mensuelle complète si le contrat ne couvre pas tout le mois. Par exemple, pour un contrat qui débute le 10 janvier, l'employeur percevra une aide correspondant à 21 jours, et non au mois entier, comme c'était le cas jusqu'à présent.
Le second point, c'est la fin immédiate des aides en cas de rupture. Selon le décret, en cas de rupture anticipée du contrat d’apprentissage, l'aide cessera le jour suivant la fin du contrat, et non plus au début du mois suivant comme auparavant. Cette mesure s'applique à tous les contrats, y compris ceux déjà en cours. Pour les contrats d’apprentissage déjà entamés, seule la règle du prorata sur le dernier mois entre en vigueur.
Jusqu'à présent, les aides étaient versées sous forme de forfait mensuel fixe pendant les douze premiers mois du contrat, sans distinction de durée réelle.
Un nouveau tour de vis budgétaire
Ces ajustements interviennent dans un contexte de déficit budgétaire et de la recherche d'économies dans le cadre du budget 2026. Le PLF, actuellement examiné à l'Assemblée nationale, prévoit une baisse de près de 31% des crédits de paiement consacrés aux aides aux entreprises qui embauchent des apprentis : 2,36 milliards d’euros, contre 3,42 milliards en 2025.
Pour rappel, depuis février dernier, les montants maximaux de ces aides avaient déjà été réduits :
- 5 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés (contre 6000 euros auparavant)
- 2 000 euros pour celles de plus de 250 salariés
- 6 000 euros en cas d’embauche d’un apprenti en situation de handicap (indépendamment de la taille de la société)
L'exécutif assume une logique d’ajustement budgétaire, sans remettre en cause le principe de l’aide. Mais sur le terrain, certains acteurs craignent que ces restrictions rendent les contrats courts moins attractifs pour les employeurs, notamment dans les secteurs où la rotation est forte, comme l'hôtellerie-restauration par exemple.
65 000 postes d'alternants en moins
Ces changements traduisent une tension croissante sur l’alternance : comment maintenir la dynamique de l’apprentissage, plus de 850 000 contrats signés en 2024, selon le ministère du Travail, tout en réduisant le coût d'un dispositif devenu central dans la politique de l'emploi des jeunes ?
Dans une note de conjoncture publiée en septembre, l'Insee prévoit d'ores et déjà une diminution de 65 000 postes d’alternants d'ici la fin de l’année. « Ainsi, l'emploi dans le secteur privé reculerait en 2025 (-51 000 sur l’ensemble de l’année), notamment du fait de l’alternance», lit-on dans la note.
Pour les entreprises, cet ajustement des aides réduit les marges de manœuvre pour les contrats de courte durée et ces dernières hésitent à recruter. « Souvent, ce sont des petites entreprises ou des auto entrepreneurs, ils n'ont pas énormément de budget et pourtant, ils ont besoin de cette aide-là. Du coup, ils sont un peu frileux », explique une formatrice, dans les colonnes de franceinfo.
Pour les apprentis, il pourrait se traduire par une offre de postes moins importants, en particulier sur les emplois saisonniers ou les secteurs où la durée d'un an n'est pas habituelle.
Le gouvernement promet un « meilleur ciblage » des aides. Mais sur le terrain, beaucoup y voient surtout un signe : celui d'un désengagement progressif de l’État dans un dispositif qu'il présentait encore, récemment, comme l’un de ses principaux succès.
« La petite musique est quand même de dire, ‘il n’est pas improbable qu’on touche à la fiscalité sur les contrats d’apprentissage, donc une baisse potentielle du pouvoir d’achat des jeunes », s’inquiète le président de l’association Walt, spécialisée dans l'apprentissage, auprès de franceinfo. Une chose est sûre, c'est que le feuilleton de l'apprentissage est loin d'être terminé.






