Pourquoi les écoles d’ingénieurs n’ont-elles pas « la reconnaissance qu’elles méritent » selon la CDEFI ?

La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs a commencé sa semaine sur les chapeaux de roues en révélant ses positions assumées en matière d’autonomie, de reconnaissance et de mixité sociale. Diplomeo fait le point !
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© Diplomeo - Le président et les vice-présidents de la CDEFI

La Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI) joue cartes sur table. Lors de sa conférence de rentrée 2024 qui s’est tenue lundi 7 octobre, dans ses locaux au cœur du 15e arrondissement parisien, le président et les vice-présidents de l’organisation ont révélé leurs positions autour de plusieurs axes majeurs.

Accès aux formations, recrutement d’étudiants étrangers, budget, apprentissage, recherche… Le mot d’ordre est lancé : laisser faire et mieux faire. Diplomeo fait le point !

Le poids de la recherche en écoles d’ingénieurs « souvent oublié »

Pour Cécile Delolme, directrice de l’ENTPE et vice-présidente de la CDEFI, le constat est clair. Les écoles d’ingénieurs « jouent un rôle fondamental et majeur dans la production de connaissances et d’innovation en France, mais elles n’ont pas du tout la reconnaissance qu’elles méritent au niveau national ».

La vice-présidente regrette fortement cette situation et tient à rappeler le poids de la recherche en écoles d’ingénieurs et son importance au regard de plusieurs enjeux climatiques, technologiques et sociétaux. « Il faut bien avoir en tête que les écoles d’ingénieurs forment la majorité des scientifiques de ce pays après un doctorat dans le domaine des sciences exactes », réaffirme-t-elle. 

Face à cette dichotomie, la CDEFI a mis en place un conseil stratégique de la recherche, lequel se réunit une fois tous les deux mois. L’objectif : produire des notes de positionnement collectives. Une première note a été produite en juillet, appelant à consolider les forces de recherche des écoles d’ingénieurs. Une deuxième note est en cours de rédaction. Celle-ci devrait permettre à la CDEFI de décrire la place qu’elle souhaite que ses écoles aient dans le paysage de l’enseignement supérieur. 

De son côté, Laure Morel, directrice de l’ENSGSI et vice-présidente de la CDEFI, décrit le travail en cours de l’organisation qui regroupe plus de 200 écoles d’ingénieurs, autour du renforcement de l’attractivité et de la revalorisation du doctorat. En vue : la consolidation de la fiche RNCP d’ici 2025 pour une meilleure lisibilité des compétences qu’amène ce diplôme. 

La CDEFI désireuse de plus d’autonomie

Le président de la CDEFI, Emmanuel Duflos, s’est longuement exprimé sur la question de l’autonomie. D’abord, un rappel contextuel : en décembre 2023, Emmanuel Macron avait lancé une expérimentation, « l’acte II de l’autonomie » des établissements de formation, prévue pour une durée de 18 mois.  

L’École Centrale de Lyon - établissement membre - fait partie de cette expérimentation. Il faut dire que la CDEFI est favorable à un renforcement de l’autonomie de ses écoles. L’objectif ici : avoir la possibilité de « déroger au Code de l’éducation pour que les établissements qui le souhaitent puissent mettre en place une autonomie adaptée selon leur environnement », au niveau local. 

Un autre enjeu consiste à « renforcer la CTI (la Commission des titres d’ingénieur) comme un opérateur de l’État pour accompagner le développement des écoles d’ingénieurs ». Un groupe de travail sur l'autonomie est à l’œuvre pour produire plusieurs observations et propositions. Parmi celles-ci, la CDEFI plébiscite une « subsidiarité plus forte ». En clair, il s’agit d’une « augmentation de la clarté » autour de l’autonomie des écoles et de toutes leurs parties prenantes, avec une précision dans les statuts de ce qui est du ressort ou non de chacune d’elles.

La conférence recommande également de supprimer la « fongibilité asymétrique » ; c’est-à-dire « libérer des contraintes » l’ensemble des établissements pour qu’ils puissent mettre en place un budget qui « correspond véritablement » à leurs stratégies et à leurs souhaits. Il s’agit aussi d’assouplir les règles de gestion afin de faciliter l’utilisation des ressources au sein des écoles membres. 

D’autres axes en matière d’autonomie sont prônés comme la défiscalisation d’une partie des droits d’inscription : « Entrer dans l’enseignement supérieur, c’est construire l’avenir de la France par la formation », soutient Emmanuel Duflos. Une « plus grande modularité au niveau des plafonds d’emploi » est également préconisée par la CDEFI, afin de compter davantage de personnels rémunérés par l’État. En vue aussi, une plus grande souplesse au niveau de la création de formations, avec pour objectif d’être « beaucoup plus efficace et réactif pour l’ouverture de formations ».  

L’enseignement supérieur « dans le viseur » du côté des budgets

Romuald Boné, directeur de l’INSA Strasbourg et vice-président de la CDEFI, a ouvert sa prise de parole par un trait d’humour alarmiste : « L’adjectif “riche” dans le monde des écoles d’ingénieurs ne s’applique plus qu’au buffet que nous organisons en amont de la conférence de presse ». 

Le plafond prévisionnel des dépenses pour 2025, alloué au ministère de l’Enseignement Supérieur, est déclaré en baisse. Une enquête interne de la CDEFI révèlerait que « au moins la moitié des écoles d’ingénieurs s’apprêtent à bâtir un budget en déficit ». Romuald Boné précise : « Pour certaines écoles, ça pourrait atteindre 6% [...] pour certaines écoles, ce sera aussi la deuxième année consécutive ».  

Dans le viseur également, le financement de l’apprentissage. Lors d’un entretien exclusif attribué à La Tribune dimanche, le Premier ministre, Michel Barnier, a évoqué des « effets d’aubaine coûteux », ainsi que l’idée de limiter l’apprentissage « en fonction du niveau de diplôme ». 

La CDEFI regrette de « devoir payer d’une manière générale » pour la mauvaise utilisation du dispositif par des formations de « qualité moindre ». Romuald Boné rappelle que l’apprentissagecontribue à pallier le déficit en ingénieurs et promeut l’ouverture sociale : « Ces dernières années, l’augmentation du flux d’ingénieurs s’est massivement basé sur le schéma de l’apprentissage », sans lequel, pour lui, il est fort à parier sur des fermetures de formations. 

La conférence plaide alors en faveur d’une« politique plus juste de promotion de l’apprentissage dans le supérieur, avec un rééquilibrage des niveaux pris en charge », mais également pour des « fonds d’apprentissage ciblés vers les formations de qualité, en les conditionnant à une accréditation délivrée sous l’égide du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche ». 

Face à la pénurie d’ingénieurs, la nécessité d’élargir l’accès aux formations

La conférence de presse de rentrée a aussi été l’occasion pour la CDEFI de se positionner en matière de diversité sociale. Plusieurs axes permettraient d’attirer davantage de talents vers les formations en ingénierie.

Romuald Boné souhaite « plus de libertés » au niveau des droits d’inscription, selon un modèle inspiré du fonctionnement de Science Po. Emmanuel Duflos acte pour un « modèle paramétrable, dont chacune des écoles pourra s’emparer en fonction de son environnement ». 

Au sujet de la féminisation des effectifs étudiants, « Il faut tirer les filles vers le haut », dans un contexte où elles s’autocensurent, rappelle Cécile Delolme. La CDEFI appuie toutefois sur son ambition de compter des « étudiants compétents, quel que soit leur genre ». Les quotas ne seraient pas une solution pour la conférence : « Les filles ne veulent pas être un quota ».

D’un point de vue plus global, l’urgence est d’attirer les jeunes vers les sciences. « Il s’agit d’un effort national », déclare Romuald Boné. Il affirme qu’un « travail de fond » doit être effectué dans la société, tout en décrivant les actions des établissements d’enseignement supérieur - rencontrer les lycéens, par exemple - comme de la « médecine d’urgence ». 

Par ailleurs, la formation continue est abordée comme un autre levier d’action face à la pénurie de talents par la CDEFI. L’organisation préconise une simplification de la visibilité des dispositifs de financement et un meilleur alignement des plans nationaux de formation continue « sur les besoins réels de l’économie et des propriétés stratégiqes définies par l’État ». 

« Une politique migratoire ouverte, exigeante et humaniste »

Dominique Baillargeat, directrice de 3iL Ingénieurs et vice-présidente de la CDEFI s’est positionnée en faveur du recrutement d’étudiants et chercheurs internationaux. La conférence recommande au gouvernement « d’éviter toutes les mesures qui pourraient restreindre l’accueil des étudiants internationaux » en rappelant, par ailleurs, qu’elles seraient « en parfaite contradiction avec les objectifs du plan Bienvenue en France qui prévoit l’accueil de 500 000 étudiants étrangers par an, d’ici 2027 ». 

Concrètement, la CDEFI souhaite un élargissement de l’accès à l’aide à la mobilité internationale et la simplification des démarches administratives et d’obtention de visa. D’un autre côté, elle est « fermement opposée aux dispositifs qui demandent une caution aux étudiants internationaux » et à une obligation faite aux établissements d'instaurer des droits différenciés pour les étudiants extracommunautaires. 

Pour Dominique Baillargeat, cela représente une « atteinte à l’autonomie des établissements » en plus d’acter une « sélection par l’argent » des étudiants internationaux. La CDEFI se positionne également contre les quotas par pays d’origine et contre l’intervention d’institutions autres que les établissements de formation et Campus France dans l’étude du dossier et des motivations des candidats étrangers. 

Christian Lerminiaux, directeur de Chimie ParisTech et président du conseil d’orientation stratégique de la CDEFI promeut une politique migratoire européenne « ouverte, exigeante et humaniste ». C’est également une meilleure mobilité étudiante européenne qu’il met en avant. Pour ce faire, la CDEFI recommande une meilleure reconnaissance des diplômes européens en Europe, ainsi que des lois lissées à propos de la rémunération des stages sur tout le continent, par exemple. 

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