A-t-on les mêmes chances d’entrer en master selon que l’on s’appelle Manon Fabre, Samira Belkacem, Yael Cohen, Aminata Traoré ou encore Jing Wang ? La réponse est non : l’origine supposée des candidats à un bac+4 ou un bac+5 influe sur leurs chances d’accéder à ce grade d’études supérieures.
Voici ce qui ressort de l’enquête annuelle de l’Observatoire national des discriminations et de l’égalité dans le supérieur. Depuis 2022, l’organisme enquête sur les conditions d’accès au niveau master selon l’origine, le handicap, le genre ou encore la religion. Cette année, l’enquête s’est penchée sur les différences de traitement possibles des candidats en master en fonction de l'origine ethnique supposée du nom et prénom des candidats.
Des bancs de l’école à l’entrée dans la vie active, l’origine sociale plombe encore les inégalités
Les candidats d’origine étrangère pénalisés « de façon significative »
Pour mener à bien cette enquête, les profils de 5 candidates fictives, dont les noms et prénoms ont une consonance française, asiatique, nord-africaine, ouest-africaine et juive, ont été utilisés. Entre février et mars 2024, plus de 5 700 mails en leurs noms ont été envoyés directement à plus de 1 900 responsables de formation dans 84 établissements (59 universités et établissements expérimentaux et 25 écoles et instituts) partout en France.
Pourquoi que des filles ? L’Observatoire a constaté, dans ses précédentes enquêtes, une absence de discrimination selon le genre des candidats à un master, quelle que soit leur origine. « Il est donc équivalent de mesurer des discriminations pour des hommes et des femmes », justifient les auteurs de l’enquête. |
Ces étudiantes fictives se sont ainsi renseignées sur le taux de réussite dans un cursus, la date précise de la rentrée ou encore la tenue d’un oral d’admission - une pratique courante chez les candidats à cette époque de l’année. L’Observatoire a ensuite analysé les réponses afin de hiérarchiser les pénalités subies.
Résultat : « les différences de traitement se font par des non-réponses » à ces mails, peut-on lire dans l’enquête. Comparé à la candidate de référence qui porte un nom franco-français et qui reçoit, en moyenne, 61 % de réponses positives à ses mails, toutes les candidates d’origine étrangère sont pénalisées.
Ces dernières reçoivent un nombre « significativement plus faible de réponses positives ». L’enquête relève même des pénalités plus fortes selon les origines :
- Candidates originaires d’Afrique de l’Ouest et de l’Afrique du Nord : 8,5 % de réponses positives en moins
- Candidates dont l’identité suggère une affiliation juive ou une origine asiatique : 4,45 % de réponses positives en moins
Des discriminations particulièrement marquées dans les sciences, la technologie et la santé
L’enquête relève en outre que certains domaines d’études se distinguent des autres sur le traitement des candidatures. Celui des sciences, de la technologie et de la santé est le seul à montrer la présence de discriminations ethniques. Dans ce domaine d’études, les candidates d’origine d’Afrique de l’Ouest ont 17 % de réponses positives en moins comparé au profil de référence franco-français.
Un écart qui se traduit aussi chez les autres profils :
- Candidates d’Afrique du nord : écart de 16 %
- Candidates asiatiques : 11 %
- Candidates juives : 6 %
Derrière ces chiffres, un constat : « les discriminations prévalent bien avant l’insertion professionnelle, dans l’accès même à la formation et y compris au niveau master de l’enseignement supérieur », explique le rapport. Ses auteurs mettent en garde sur les conséquences de ces discriminations : « les candidats discriminés devront redoubler d’efforts pour accéder à une bonne formation ». Ils appellent à des « mesures correctrices de la part de la puissance publique et de l’ensemble des acteurs concernés ».