Créée en 2011, Ingénieuses est née du constat d’une inquiétante désaffection des jeunes filles pour les filières scientifiques et techniques. Afin de renforcer la lutte contre les stéréotypesde genre, de promouvoir l’attractivité des formations et des métiers d’ingénieur auprès des jeunes filles, la CDEFI a fait d’Ingénieuses une de ses actions prioritaires.
C'est donc dans le but de finir sa dernière année en école d'ingénieur en beauté que Maud Cadoret décide de s'inscrire au concours Ingénieuses en octobre dernier, pour mettre en valeur les actions qu'elle mène en faveur des femmes. À l'issue de cette cérémonie, elle devient lauréate du prix de l'élève-ingénieure France.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je m'appelle Maud Cadoret, j’ai 23 ans et je viens de Rennes, en Bretagne. Je suis étudiante à l’Université de Technologie de Troyes (UTT) en Génie Mécanique, en cinquième année.
Quel a été votre parcours académique ?
J’ai fait une terminale S au lycée, option anglais. Après le baccalauréat, je suis arrivée directement à l’UTT dans ce qu’on appelle la prépa intégrée. Il faut savoir que les écoles d’ingénieurs dispensent un parcours en cinq ans, avec deux années de prépa et trois ans de diplôme d’ingénieur. Pour résumer, si je n’arrive pas à la fin de ces cinq années d’études, je n’obtiendrai pas le diplôme d’ingénieur.
Pourquoi avoir opté pour des études d’ingénieur ?
Pour commencer, j’ai opté pour des études d’ingénieur parce que mon frère a fait ses études dans une école du même réseau que l’UTT, à savoir l’Université de Technologie Belfort-Montbéliard (UTBM). Toutefois, c’est surtout une journée que j’ai effectuée en terminale au sein d’une école d’ingénieur près de chez moi qui m’a vraiment motivée et donné envie d’intégrer une école d’ingénieur.
Est-ce qu’être une femme a été un obstacle au cours de votre parcours ?
Honnêtement non. Je pense que je me suis toujours donné les moyens de m’en sortir. Mais c’est vrai que j’ai déjà entendu quelques remarques et critiques qui m’ont fait comprendre que si j’avais été un homme j’aurais vécu certaines choses de manière différente. Néanmoins, j’ai toujours réussi à me motiver et à me surpasser pour passer outre certaines réflexions et faire en sorte qu’être une femme ne soit pas une différence, une contrainte ou un problème dans mon parcours.
Quel genre de remarques avez-vous déjà entendu ?
Par exemple, lorsque j’étais présidente du bureau des étudiants, mes trésoriers et moi sommes allés à la banque et, à ce moment, la banquière a demandé qui était le président sans envisager à un seul moment que ça pouvait être moi. Ou encore, en cours, j’ai effectué un devoir en binôme avec un collègue et les professeurs ne s'adressaient qu’à lui, sans tenir compte de ma présence. Ils devaient penser que je ne savais pas utiliser une perceuse, alors que bien au contraire.
Vous vous rendez donc compte de cette différence entre les hommes et les femmes au sein de l’école ?
Oui complètement. Il faut savoir qu’à l’UTT les femmes ne représentent que 25 % des effectifs. Nous sommes donc presque dans un « milieu d'hommes » et nous nous retrouvons souvent en minorité, notamment lorsque que nous formons les groupes de projet.
Quelles actions avez-vous mené pour avoir été nominée pour les Ingénieuses ?
J’ai participé au concours parce que mon profil entrait dans le cadre des Ingénieuses et j’avais le temps de me porter candidate, notamment avec la crise sanitaire liée à la Covid-19. J’ai fait beaucoup d’actions, principalement associatives. Je me suis beaucoup investie dans la vie associative de mon école. J'ai commencé par la fanfare, ensuite je suis passée par le BDE où j’ai été présidente.
Au cours de ma formation, je suis partie de l'école pendant un an pour faire un stage à l’étranger et lorsque je suis revenue j’ai créé un club qui s’appelle «Futur au Féminin». Ce club promeut l’égalité hommes/femmes et les métiers de l'ingénierie auprès des jeunes filles et lutte également contre la précarité menstruelle.
De plus, l’année dernière, j’ai réalisé une césure pour partir en Asie du Sud-Est avec deux amies et nous en avons profité pour rencontrer des associations qui luttent pour le droit des femmes dans ces pays. Nous devions partir six mois, mais au bout de deux mois nous avons été contraintes de rentrer en France en raison de la Covid-19.
Nous avons cependant eu l'opportunité de rencontrer une association en Thaïlande, où l'on a pu échanger avec la co-directrice sur nos actions menées. C’était très enrichissant et intéressant. Ce voyage m'a permis de me rendre compte de la place de la femme dans ces pays, qui est complètement différente de la nôtre. Les violences et la place de la femme dans la société sont donc au coeur de leurs actions, c'est pourquoi ces États luttent constamment pour les droits de la femme.
Pourquoi avoir participé au concours Ingénieuses ?
Ce qui m’a donné envie initialement c’est une étudiante de l’UTT que je connais très bien et respecte énormément, qui avait remporté ce concours il y a deux ans (2018). Je connaissais donc déjà bien Ingénieuses et comme mon parcours remplissait les critèresd’admission au concours, je me suis lancée car je souhaitais vraiment y participer.
Sur quels critères le jury se base-t-il pour sélectionner les nominées ?
Nous avons un dossier à remplir sur notre parcours et devons expliquer notre vision de l’égalité hommes/femmes en 1000 mots. J’ai donc abordé la création de mon club, mon voyage en Asie ainsi que quelques exemples liés à l'éducation que j’ai reçue. Ayant deux frères, mes parents m’ont éduquée de la même façon qu'eux et cela m’a beaucoup aidée dans la vision que j’ai aujourd’hui.
D’après vous, qu’est-ce qui a fait la différence par rapport aux autres nominées ?
Je suis un peu plus âgée donc j’ai peut-être un peu plus d’expérience. Je me diversifie énormément dans le milieu associatif et même artistique, puisque je joue de la trompette. Ce semestre, je suis également Secrétaire de la Fédération des Étudiants Troyens, qui est une des plus grosses associations au niveau de la ville de Troyes. Enfin, le fait d'être partie à l’international et de m’intéresser à des problématiques comme l'égalité hommes/femmes ou les violences sexuelles a peut être joué à mon avantage.
Que représente ce prix pour vous ?
Je le vois comme un aboutissement de tout ce que j’ai pu faire associativement à l’UTT et comme un nouveau départ pour ma vie active.
Quelle carrière envisagez-vous plus tard ?
Je suis actuellement en recherche. J’aimerais beaucoup travailler dans l’ingénierie sociale et solidaire, liée au numérique. Le plus important pour moi est de pouvoir lier ce que je sais faire en ingénierie avec les gens. J’ai ce besoin de travailler avec les personnes. Je m’en suis rendue compte dans les associations, j’aime travailler aux côtés des étudiants et réaliser des actions dont je peux voir les résultats derrière.
Quels sont vos projets futurs ?
C’est encore flou. Je suis encore dans ma bulle d’étudiante, j’attends de voir les projets d’association qui vont croiser mon chemin. Je ne me mets aucune barrière mais n'établis pas non plus de plan d'action. Beaucoup de domaines m’intéressent, je reste donc très ouverte et me renseigne sur ce qu’il se passe autour de moi pour voir quel chemin je pourrais emprunter petit à petit. J’envisage également de faire d’autres voyages pour continuer cette quête sur le sujet de l’égalité hommes/femmes à travers le monde, parce que cette problématique est importante partout, mais traitée de manière complètement différente selon le pays.