La réforme de l’apprentissage initiée en 2018 a rebattu les cartes de ce mode de scolarité dans le système éducatif français. C’est la conclusion de l’étude approfondie du Centre d’études et de recherche sur les qualifications (Céreq). L’organisme a analysé l’impact de la loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » sur la formation en alternance dans l’Hexagone.
Entre 2017 et 2021, le nombre de contrats d’apprentissage a doublé sur l’ensemble du territoire, en passant de 305 000 à 736 000 signatures. L’aide à l’embauche d’un apprenti mise en place par l’État, à hauteur de 6 000 euros et le lancement du dispositif “1 jeune, 1 solution” ont également contribué à ce phénomène.
« Chaque parcours de jeune est unique, cette singularité nécessite d’être prise en compte »
60% des contrats d’alternance signés dans l’enseignement supérieur
L’essor de l’alternance entre la réforme et la période Covid concerne essentiellement les formations post-bac. L’étude indique que la part des contrats d’apprentissage a grimpé de 38% à 60 % dans le supérieur entre 2018 et 2021, particulièrement dans les cursus appelés “autres”, comme les certifications professionnelles.
Cette hausse concerne aussi d’autres établissements ou diplômes comme ceux du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et des grandes écoles, les business schools en tête. « Ces formations, qui ne relèvent donc pas du système de diplômes de l’Éducation nationale, de l’université ou des écoles d’ingénieurs, représentent en 2021 plus de 1 contrat sur 3 (contre 1 sur 5 en 2017) et 25 % des contrats dans l’enseignement supérieur (contre moins de 6 % en 2017) », révèle le Céreq.
Par ailleurs, en 2021, 4 contrats signés sur 10 étaient liés à des nouveaux cursus qui n’existaient pas en 2017. L’étude met en exergue une présence élevée de nouveaux Centres de formation d'apprentis (CFA) qui ont été créés en 2020 et en 2021.
53% des alternants affirment que ce dispositif les a sauvé de l’échec scolaire
L’apprentissage a séduit de plus en plus d’entreprises
Autre point clé de cette étude : le recours à l’apprentissage par les entreprises. Le nombre de structures qui ont adopté ce mode de formation a plus que doublé : elles étaient 187 000 en 2017, pour atteindre 387 000 en 2021.
Si tous les types d’organisations connaissent une hausse de leur nombre d'alternants pendant cette période, ce sont les TPE et les PME qui en ont davantage profité, avec 7 contrats d’apprentissage sur 10. De même, ce sont les secteurs qui accueillent traditionnellement des jeunes apprentis qui restent les principaux recruteurs : l’hôtellerie-restauration, le commerce, le transport ainsi que le BTP et l’industrie.
Que ce soit les grandes entreprises ou les TPE-PME, elles ont opté pour davantage d’étudiants issus d'un cursus de l'enseignement supérieur lors de cette période, surtout celles et ceux qui ont suivi une formation dans une école privée.
Une massification qui soulève des questions sur l’insertion pro
Ce n’est un secret pour personne, encore moins pour la communauté estudiantine : la formation en alternance revêt des avantages non-négligeables. En plus de percevoir une rémunération, partager son temps entre les cours et le monde du travail permet de gagner en compétences et en expérience professionnelle. Les jeunes sondés par l’étude ont perçu ce mode de scolarité comme étant attractif, avec un mode de fonctionnement qui « se banalise » et à des possibilités « accrues de formations et de contrats », tant en CFA que dans le supérieur.
En revanche, le Céreq pointe la confrontation des jeunes de CAP et de bac pro entre des entreprises et des employeurs qui “recherchent avant tout une main-d’œuvre supplémentaire bon marché” et certains CFA qui visent principalement un niveau de prise en charge (NPEC). Selon l’étude, un recrutement trop massif peut entraîner des parcours inadaptés, augmentant les risques d'échec pour les jeunes.
La massification de l’apprentissage soulève des questions sur l’insertion professionnelle à la fin des formations, notamment concernant la reconnaissance des nouvelles certifications comme les bachelors et mastères. Dans son rapport, le Céreq met en exergue certaines de ces inquiétudes. Selon l’organisme, le paysage de la formation reste complexe, avec des diplômes d’État, des titres et des certifications RNCP qui brouillent la compréhension de l’offre. L’apprentissage est une condition nécessaire pour un accès démocratisé à la poursuite d’études, mais pas suffisante.
L’apprentissage « va devoir se réformer à nouveau »
Si l’alternance est un dispositif qui a fait ses preuves pour un grand nombre de jeunes, les aides à l’embauche d’un apprenti subissent, depuis cette année, des coups de rabot face au déficit budgétaire que connaît l’Hexagone. Après avoir réduit les aides pour les contrats de professionnalisation et certaines formations du supérieur, le montant des aides pourrait être revu à la baisse pour les formations de bac+2 et moins.
Alternance : les pistes du gouvernement pour réduire les aides
Pour le Céreq, l’apprentissage est désormais une voie essentielle pour la formation des futurs actifs. Néanmoins, avec les tensions économiques actuelles et le contexte politique incertain, l’apprentissage « va devoir se réformer à nouveau » pour assurer son efficacité.