Depuis le 11 mai, le confinement a été officiellement levé dans toute la France. Mais point de scènes de liesse ni de grandes embrassades. L’heure est encore à la prudence et le retour au travail, aussi bien que sur le banc des écoles, se fait par tâtonnements. Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, le retour officiel des étudiants dans les salles de classe ne se fera pas avant la rentrée de septembre.
Alors que chaque établissement a dû improviser pour assurer la poursuite des cours à distance auprès de ses élèves, c’est aussi la vie étudiante qui a dû se réinventer sur de nombreux campus afin de lutter contre l’isolation et perpétuer un lien humain vital pour tous. À l’ESEO, école d’ingénieurs angevine, l’entretien de cette proximité en ligne est notamment passé par une pratique qui n’a pas toujours été synonyme de sociabilité : le jeu vidéo.
Un club pour les unir tous, et dans la virtualité les lier
Au début du mois d’avril, le Bureau national des Élèves Ingénieurs (BNEI) a publié les résultats d’une enquête menée auprès de 11 107 étudiants en écoles d’ingénieurs, permettant de cerner le vécu et le ressenti de ces derniers face à la gestion de la crise du covid-19 dans leurs établissements. Résultat : 57 % des sondés ont trouvé l’enseignement à distance difficile et 48 % ont déploré que leur environnement de travail pendant le confinement était inadapté à cause du manque de contact direct avec leurs camarades. « Frein à la motivation et à l’entraide en plus d’augmenter le sentiment d’isolement », l’absence d’interactions sociales peut, selon le BNEI, être amortie grâce à quelques bonnes pratiques, notamment les activités en ligne à plusieurs.
À l’ESEO, c’est le format vidéoludique qui a permis en premier lieu de réunir les étudiants en ligne. Prestation Gaming & Multimédia (PGM) a en effet été l’un des premiers clubs de l’École Supérieure Électronique de l’Ouest à sauter le pas et proposer une activité aux étudiants pour faire fuir l’ennui et restructurer un lien social digne de ce nom entre les étudiants. « Pendant la première semaine de confinement, on s’est tous regardés dans le blanc des yeux en se disant “Qu’est-ce qui va nous arriver, qu’est-ce qu’on va faire ?”. Puis, dès la deuxième semaine, on a commencé des événements, raconte Adrien, son président ».
Loin des associations axées sur le pro gaming qui fleurissent en nombre dans les grandes écoles françaises, PGM ESEO est un club à visée avant tout ludique et sociale, qui organisait régulièrement des tournois entre les murs de l’ESEO avant la crise sanitaire. Mettre en place une activité déjà virtuelle pendant le confinement : un premier pas qui semble facile à première vue, mais qui n’a pourtant pas été sans défis. Pour gérer l’ensemble de leurs événements depuis chez eux, les membres de PGM ont dû faire avec les moyens du bord. En s’appuyant sur les réseaux sociaux et sur un salon Discord créé en amont de la crise pour regrouper les membres de l’école, PGM a pu rapidement capter son public : « Rassembler les gens, c’était la principale difficulté qu’on a eue au départ, avoue Adrien. Dans une salle, c’est bien beau, les gens sont physiquement là, donc s’il y a des problèmes on peut facilement les régler. Mais à distance, on se rend compte que tout ne va pas forcément se passer comme prévu. On avait donc besoin d’avoir un lien rapide et efficace avec les gens ».
En cette période de confinement, les clubs de l’ESEO continuent à animer la vie étudiante 👏👏Aujourd’hui le club PrestationGamingMultimedia organise un tournoi en ligne #CovidOnline.D’autres événements à venir !🤜 https://t.co/oavY9fg90P#confinement#résiliencepic.twitter.com/Fx9wLloEMq
— Groupe ESEO (@Groupe_ESEO) March 26, 2020
Après avoir sondé les envies de leurs camarades via un vote en ligne, PGM a ainsi ouvert deux serveurs Minecraft pour le plus grand plaisir de leurs camarades et rapidement organisé plusieurs tournois en ligne sur des jeux tels que League of Legends, Teamfight Tactics ou encore Brawl Stars. Des œuvres vidéoludiques bien plus compétitives que le monde merveilleux d’Animal Crossing qui a conquis les cœurs de nombreux confinés en mars et avril, mais qui ont permis à leur manière de remonter le moral des troupes. « Sur le premier événement, on a touché une quarantaine de personnes, se rappelle Adrien. On a décidé de continuer, et pour la première semaine on a dû faire quatre événements différents. Il y en avait tous les deux jours. Après on a un peu calmé le rythme. La cadence était difficile à gérer ! ». Un grand succès qui n’a pas seulement fait son effet auprès des habitués de PGM, mais aussi de nouveaux initiés, qui ont tous pu bénéficier de sessions gratuites, grâce à la suppression exceptionnelle des frais de participation : « On a eu de bons retours, surtout de la part des étudiants qui ne participaient pas à nos activités auparavant , affirme le président de PGM. Surtout qu’on a été l’un des premiers clubs au niveau de l’ESEO à organiser des événements.Ils étaient vraiment contents d’avoir un événement qui changeait un peu leur quotidien. »
Une vie de campus limitée par la crise, mais qui tient bon
Si l’ESEO a subi de plein fouet l’arrêt brutal de la vie étudiante durant les premières semaines de confinement, nombreux sont ceux qui ont rapidement suivi les traces de PGM. Le club de jeux de société « Jeux et Pique », dont Adrien est vice-président, a par exemple pu lancer des tournois sous forme virtuelle peu de temps après. Pour ceux davantage attirés par la contemplation que l’interaction, une chaîne Twitch a été créée par les membres du BDE de l’école, proposant des programmes très variés, allant des réactions au dernier épisode de Koh-Lanta jusqu'aux sessions de sport quotidien, en passant par la présentation de nouveaux projets au sein de l’école. SEIO, la junior-entreprise de l’ESEO qui cumule aujourd’hui plus de 35 ans d’existence, ne s’est pas non plus reposée sur ses lauriers en organisant des conférences à distance. Les gamers les plus passionnés de l’école auront même eu l’opportunité de se plonger dans l’ambiance postapocalyptique de « Wasted World », jeu vidéo sorti sur la plateforme Steam durant la fin du confinement et développé par Sébastien Rousselot, jeune diplômé de l’ESEO. Même s’il a été impossible de retrouver une vie de campus aussi florissante qu’à l’origine, le choix était toutefois au rendez-vous.
Malgré les conditions plus qu’exceptionnelles de la crise du coronavirus, les étudiants et les enseignants ont ainsi su rester soudés et sereins. « Ça se passe très bien, explique Adrien, avec fierté. Je trouve que l’école fait bien les choses. Les professeurs font de leur mieux pour se mettre aux cours à distance, ce qui n’est pas forcément facile pour tout le monde. Mais ils essaient d’adapter leur pédagogie et dans ce sens. C’est sûr qu’on est un peu dans un état d’incertitude pour les stages et les voyages à l’international, mais c’est peut-être le seul petit détail compliqué et on ne peut pas trop leur en vouloir. »
Les étudiants n’auront probablement pas l’occasion de revenir dans les locaux de l’ESEO avant la rentrée prochaine, et c’est pourtant une nouvelle étape de la vie de campus qui s’enclenche. Encore en pleine pandémie, les présidents de clubs tels qu’Adrien entament la recherche de leurs successeurs. Alors que l’éventualité d’une deuxième vague pandémique se murmure ici et là, les nouvelles recrues qui prendront la tête de la vie de campus pourraient également pâtir de la crise sanitaire. « J’espère que d’autres présidents de clubs n’auront pas à subir cette situation-là qui est quand même assez inédite, conclut l’étudiant, concédant avoir vécu une expérience à la fois difficile et enrichissante. ». À quoi ressemblera donc le fonctionnement des grandes écoles d’ingénieurs d’ici la fin de l’année 2020 ? À l’occasion d’une visioconférence le 20 mai dernier, Jacques Fayolle, président de la Conférence des directeurs des écoles françaises d’ingénieurs (CDEFI), évoquait une situation en septembre prochain qui risquerait de ne ressembler « ni à celle de mars dernier, ni celle de septembre 2019, mais sans doute à quelque chose entre les deux ». L’enseignement supérieur et la vie étudiante n’en ont donc probablement pas fini de se réinventer dans l’adversité.
Comment assurer les TP en plein #confinement ? Les enseignants ESEO innovent avec le 1er ESEO-drive ! 😷1️⃣ Distribution de cartes électroniques aux élèves sur le parking2️⃣ Plateformes au domicile des enseignants pour permettre de réaliser le TP à distance en via webcam. pic.twitter.com/kCqZtygcPr
— Groupe ESEO (@Groupe_ESEO) April 27, 2020